Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 2 avril 2019 à 14h30
Collectivité européenne d'alsace — Discussion générale

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, aujourd’hui, il est demandé au Sénat d’accompagner les Alsaciens et leurs élus dans leur volonté de donner une traduction institutionnelle au « désir d’Alsace » qu’ils portent dans leur cœur depuis toujours, et plus profondément encore depuis la refonte de la carte des régions en 2016.

Cette volonté tenace traduit à la fois un attachement collectif et un projet commun : attachement à une histoire, à une culture, à un patrimoine et à une mémoire communs ; projet de consolider un territoire transfrontalier ouvert sur l’Allemagne et la Suisse et de coconstruire un collectif capable d’agir avec proximité et efficacité en faveur de l’attractivité du territoire et de la vie quotidienne de ses habitants.

Le projet de Collectivité européenne d’Alsace est réfléchi, construit, je dirais même qu’il est raisonnable. Pourtant, il attire des critiques.

Pour les partisans de la sortie de l’Alsace de la région Grand Est, il ne serait qu’un leurre, un écran de fumée, une tromperie.

Pour d’autres, en revanche, ce projet est une grave atteinte au principe d’indivisibilité de la République. Il faudrait donc interdire toute initiative locale émanant des territoires par peur d’une désintégration de la Nation au profit d’un repli sur soi frileux ? Telle n’est pas ma conception de la République. Je trouve stérile d’opposer radicalement universalisme et particularisme.

L’Alsace veut écrire une nouvelle page de son histoire en laissant plus de place à la diversité. Et, loin de se retrancher égoïstement sur son territoire, elle veut construire de nouvelles solidarités, notamment avec ses voisins européens. Pierre Pflimlin résumait ainsi le rapport de notre territoire avec nos voisins : « Je suis européen parce que je suis alsacien ».

La Collectivité européenne d’Alsace s’inscrit également dans la continuité des engagements pris par le Président de la République en matière de relation avec les territoires : accompagner les initiatives dès lors qu’elles sont portées à l’échelon local et qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’intérêt général, mais sans pour autant provoquer un big-bang des compétences.

Je veux rappeler combien ce projet est le fruit d’un long travail de concertation entre le Gouvernement et l’ensemble des acteurs institutionnels, dont les conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et le conseil régional du Grand Est.

Je veux rendre en cet instant hommage à Mme Brigitte Klinkert et à M. Frédéric Bierry, présidents respectifs du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, relever les kilomètres qu’ils ont parcourus pour se rendre depuis des mois à des centaines de rencontres auxquelles ils ont consacré nombre d’heures.

Je salue également le rapport du préfet de la région Grand Est, Jean-Luc Marx, missionné en janvier 2018 pour évaluer les différentes hypothèses institutionnelles dans le respect des grands équilibres de la loi NOTRe.

Je veux aussi remercier le Gouvernement, qui a entendu et soutenu ce « désir d’Alsace ». Madame la ministre, vous vous êtes rendue à de nombreuses reprises sur le terrain et avez travaillé en lien étroit avec vos collègues du Gouvernement, Élisabeth Borne et Jean-Michel Blanquer.

Les élus et le Gouvernement ont élaboré un projet institutionnel cousu main, avec la fusion des deux départements sous le nom de « Collectivité européenne d’Alsace », le socle de compétences départementales étant enrichi de compétences particulières en matière de coopération transfrontalière, de bilinguisme, d’attractivité du territoire, de transport et de culture.

Ce projet a fait l’objet, le 29 octobre dernier, d’une déclaration commune du Gouvernement et des élus, qui trouve en partie sa traduction dans le texte que nous allons examiner.

Sous l’impulsion de Mme la rapporteure, la commission des lois a adopté plusieurs amendements visant à préciser, à approfondir ou à élargir les modalités d’exercice des compétences de la future collectivité. Ce sont là, pour l’essentiel, des avancées positives, que je tiens à saluer, avec quelques réserves de fond.

Sans surprise, nous sommes plusieurs dans cette enceinte à souhaiter élargir encore le champ des possibles, tout en respectant les compétences des autres collectivités.

Je souhaite, à titre personnel, que ces amendements « alsaciens » soient adoptés, afin que la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace soit la promesse heureuse d’un avenir serein.

J’ai en revanche un point de désaccord profond avec la commission des lois au sujet du changement de nom de la future collectivité : pourquoi débaptiser à Paris la collectivité née en Alsace ?

Je vous rappelle que l’appellation « Collectivité européenne d’Alsace » figure dans le décret du 27 février 2019, qui a procédé à la fusion des départements, ainsi que dans les délibérations des deux assemblées départementales adoptées le 4 février dernier.

Au nom de quoi balayer d’un revers de main le fruit d’un accord patiemment construit ?

Le Conseil d’État avait certes une préférence pour l’appellation « département d’Alsace », au motif que le nom « Collectivité européenne d’Alsace » serait susceptible de créer une méprise. Mais le Gouvernement et les deux départements ont tranché.

Alors, de grâce, mes chers collègues, rétablissons la dénomination choisie ! Je vous le dis en toute franchise : imposer aux Alsaciens, en fin de parcours, un nom qu’ils n’ont pas choisi serait une marque de mépris qui affecterait longtemps l’image de notre assemblée.

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