Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 4 avril 2019 à 15h00
Drapeaux des associations d'anciens combattants — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi déposée par notre collègue Françoise Férat et visant à protéger les drapeaux des associations d’anciens combattants. Elle a été cosignée par un grand nombre de collègues de différents groupes, signe du consensus qui règne au Sénat sur la question de la mémoire, s’agissant en particulier de la mémoire combattante.

Alors que la première génération du feu, celle de la Première Guerre mondiale, a disparu, et que s’éteignent progressivement les anciens combattants de la deuxième génération, et même ceux de la troisième, qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale, en Indochine ou en Afrique du Nord, la question de la transmission de la mémoire aux jeunes générations apparaît plus que jamais d’actualité.

Chacun ici le sait pour le vivre sur son territoire : les associations d’anciens combattants jouent un rôle essentiel dans la politique mémorielle en assurant régulièrement les commémorations patriotiques qui rythment la vie de nos communes.

Compte tenu de l’âge de leurs membres, ces associations ont malheureusement tendance à disparaître. Il arrive donc que leurs drapeaux soient oubliés, délaissés dans une cave ou un grenier. Il arrive également qu’ils soient mis en vente, par exemple par les héritiers d’un ancien combattant, d’un porte-drapeau, que ce soit sur internet ou lors de vide-greniers ou de brocantes, ce qui peut évidemment choquer.

Le drapeau tricolore, que l’article 2 de la Constitution érige en emblème national, fait, depuis une date relativement récente, l’objet d’une protection juridique. L’outrage au drapeau constitue ainsi, selon les circonstances dans lesquelles il est commis, une contravention ou un délit, dont la punition peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. Toutefois, cette protection concerne le symbole que le drapeau représente et non l’objet lui-même, qui est, du point de vue du droit, un bien matériel privé.

Malgré leur dimension patriotique et symbolique, les drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d’anciens combattants ne font pas exception. Au demeurant, ils sont librement acquis dans le commerce par ces associations.

Par ailleurs, les acheteurs de ces drapeaux ne sont pas nécessairement mal intentionnés. Il s’agit souvent de collectionneurs passionnés d’histoire qui entendent traiter ces objets avec respect.

Pour autant, aux yeux de certains de nos compatriotes, assimiler les drapeaux d’associations d’anciens combattants à des antiquités ordinaires conduit à nier leur dimension symbolique. Alors que le souvenir des grands conflits du passé tend à s’estomper, le commerce de ces drapeaux est légitimement mal vécu par les anciens combattants, qui y voient un manque de considération de la société pour les services qu’ils ont rendus à la Nation et qui craignent que le souvenir qu’ils entretiennent au moyen de ces drapeaux ne s’efface.

Devant ce constat, l’auteur de la proposition de loi a souhaité garantir une protection des drapeaux appartenant ou ayant appartenu à des associations d’anciens combattants. Cet objectif est partagé par la commission des affaires sociales, qui a toutefois, sur ma proposition, amendé le texte initial afin de lever des difficultés juridiques qu’il posait, notamment pour écarter tout risque d’atteinte au droit constitutionnel de la propriété privée.

Dans sa rédaction issue des travaux de la commission, la proposition de loi aménage le régime juridique de la prescription acquisitive, qui permet à un particulier de devenir légalement propriétaire d’un bien se trouvant en sa possession depuis un certain temps. Cette prescription ne serait ainsi plus applicable aux drapeaux appartenant à des associations d’anciens combattants, qui seraient présumés être la propriété de l’association dont ils portent les insignes, quand bien même ils auraient passé plusieurs années dans un grenier.

En outre, une association pourrait obtenir gratuitement la restitution d’un drapeau lui appartenant qui aurait été indûment vendu sur un marché, sans avoir à rembourser l’acquéreur.

Ces exceptions au droit commun sont apparues justifiées à la commission des affaires sociales, eu égard au caractère symbolique et patriotique des drapeaux en question et à la nécessité d’éviter que la disparition de nombreuses associations n’entraîne leur dispersion.

Cette mesure devra s’accompagner d’une réflexion approfondie sur la perpétuation de la mémoire combattante, et je sais, madame la secrétaire d’État, que vous avez pris l’initiative de former un groupe de travail sur cette thématique.

Voilà un peu moins d’un an, le Sénat examinait une proposition de loi relative à l’attribution de la carte du combattant aux soldats ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964. Cette proposition de loi a été, pour le Gouvernement, l’occasion d’annoncer sur ce point précis une avancée depuis longtemps attendue par le monde combattant. Je forme donc le vœu qu’une fois encore l’initiative du Sénat joue un rôle d’aiguillon pour l’action gouvernementale.

La commission des affaires sociales ayant adopté cette proposition de loi à l’unanimité, j’ose espérer qu’un même consensus émergera dans l’hémicycle cet après-midi.

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