Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord prendre un instant pour adresser, au nom de mon groupe, une pensée attristée à la famille de Marc Laycuras, médecin militaire, qui vient de perdre la vie au Mali. Nos condoléances vont également à ses frères d’armes qui poursuivent un difficile combat contre le terrorisme islamiste dans la bande sahélo-saharienne.
De même, je tiens à rendre hommage aux associations d’anciens combattants, tant pour leur travail patient auprès de ceux qui ont payé un lourd tribut à la Nation que pour leur contribution au devoir d’histoire et de mémoire.
C’est une évidence, ces associations participent à la transmission de la mémoire et des valeurs de notre pays. À l’échelle de nos territoires, elles œuvrent en faveur d’un maillage de la perpétuation du souvenir.
Je veux remercier à mon tour François Férat et Élisabeth Doineau pour leurs travaux et leur capacité d’écoute. Beaucoup d’entre nous ont été sollicités à propos des difficultés relatives à la protection des drapeaux d’associations d’anciens combattants. Rappelons que ce sont des objets mémoriels uniques. En tant que représentants des territoires, nous ne pouvons qu’y être très attachés, car ils sont porteurs d’une valeur symbolique très forte. Emblèmes de la Nation française, ils témoignent de l’engagement patriotique des territoires composant la France qui ont participé aux épreuves de la guerre et à la défense de notre pays.
Cependant, beaucoup d’associations d’anciens combattants sont dissoutes du fait de la disparition de leurs membres, qui, ne l’oublions pas, étaient autant de délégués précieux et directs de cette mémoire dont la transmission doit être assurée.
Rien ni personne n’échappant aux outrages du temps qui emporte tout, y compris ce que les hommes peuvent avoir de plus précieux, il n’est pas surprenant que des drapeaux puissent être proposés à la vente. Cela peut apparaître comme une double offense : offense à la mémoire de ceux qui les ont portés, offense à la mémoire des anciens combattants qu’ils représentent.
Pour autant, leur vente n’est nullement illégale. Plus largement, il nous faut répondre à la question du devenir des objets mémoriels et de leur marchandisation éventuelle, qui peut parfois poser d’importants problèmes éthiques.
Pour le cas particulier des drapeaux d’associations d’anciens combattants, il revient au législateur d’organiser leur conservation dans une logique de préservation et de transmission de la mémoire, sans pour autant entraver le droit de propriété et possession, ainsi que la prescription acquisitive.
Je salue donc l’initiative de notre collègue Françoise Férat, qui nous a permis d’aborder cette question. Toutefois, interdire à son propriétaire légitime de vendre un drapeau ayant appartenu à une association d’anciens combattants serait de nature à mettre en cause le droit de propriété, droit fondamental inscrit dans notre Constitution.
De fait, nous sommes satisfaits de la solution juridique proposée par notre rapporteure. La création d’une exception au principe de la prescription acquisitive pour les associations leur permettra, d’une part, de conserver la propriété des drapeaux grâce à la présomption de propriété, et, d’autre part, de se les faire restituer gratuitement, ce qui est important, car leurs moyens sont limités.
Enfin, je salue l’alinéa relatif à la « conservation » des drapeaux en cas de dissolution des associations. Leur transmission à la commune de domiciliation permettra au territoire de conserver ce qui n’est autre qu’un témoignage de sa propre histoire. Quant à la possibilité de les confier à un établissement scolaire ou à une association, c’est également une très bonne chose, un moyen de donner une deuxième vie à ces drapeaux et, ainsi, de prolonger l’œuvre de mémoire auprès des générations suivantes.
Tout le monde souscrit, me semble-t-il, au discours prononcé par Ernest Renan à la Sorbonne en 1882, dans le contexte de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace-Lorraine. On en retient généralement que « la Nation est une âme, un principe spirituel » et qu’elle se perpétue par « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, le plébiscite de tous les jours », mais on oublie trop souvent que Renan ajoutait que si cette âme, ce principe spirituel trouve sa force et sa légitimité dans le présent, il le trouve aussi dans le passé, ce passé qu’il qualifiait de « possession en commun d’un riche legs de souvenirs » alimenté par « la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis […] lui-même constitué par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. »
De ce point de vue, cette proposition de loi n’est pas que technique. Elle s’inscrit, d’une certaine façon, pleinement dans cet esprit cher à Ernest Renan, qui fait l’une des singularités de notre pays. C’est une raison supplémentaire pour que nous apportions tout notre soutien à ce texte !