Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 14 septembre 2006 à 15h00
Prévention de la délinquance — Article 1er, amendements 293 2211 3 2004 17 2002

Brice Hortefeux, ministre délégué :

En ce qui concerne les amendements identiques n° 180 et 247, le Gouvernement émet un avis défavorable puisqu'il est, bien sûr, hostile aux amendements de suppression.

À ce stade de la discussion, permettez-moi de préciser de nouveau l'esprit de l'article 1er, car cet article a une histoire.

Depuis la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, le maire est associé par le préfet à la définition des actions de prévention de la délinquance et de lutte contre l'insécurité. Le décret de juillet 2002 a institutionnalisé les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui sont présidés par les maires et qui constituent l'instance de concertation des différents partenaires sur le plan local.

Cependant, il est vrai que les différentes politiques de prévention de la délinquance ne sont pas suffisamment coordonnées ; le constat à cet égard est à peu près unanime. Cela signifie qu'il manque une autorité qui soit clairement identifiée, qui soit capable d'agir dans la proximité et de faciliter la cohérence des différentes interventions. C'est pourquoi le projet de loi confie aux maires la responsabilité de la prévention de la délinquance. Mais cette attribution s'exerce dans le respect des compétences du préfet, de l'autorité judiciaire et des autres collectivités locales. Le rôle du maire est ainsi consacré, tout en fixant les limites de sa responsabilité.

Pour autant, nous avons entendu les préoccupations qui ont été exprimées sur les différentes travées de cet hémicycle, notamment de la part des présidents de conseils généraux.

Je remercie de nouveau MM. Mercier et de Broissia des signaux explicites qu'ils nous ont adressés. Je veillerai - je l'ai dit ce matin lors du congrès de l'Assemblée des départements de France - à ce que nous trouvions ensemble les formulations les plus appropriées pour bien manifester notre intention : nous ne souhaitons revenir ni sur les lois de décentralisation ni sur le rôle primordial que jouent aujourd'hui les départements en matière sociale.

Le Gouvernement a choisi de présenter d'abord devant la Haute Assemblée ce texte important, de manière qu'un certain nombre de remarques puissent être intégrées dans l'intérêt de tous.

J'en viens à l'amendement n° 293 rectifié. L'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales est issu de la loi de 2004 présentée par Dominique Perben, alors garde des sceaux, et le texte qui est proposé est inspiré du décret du 17 juillet 2002. Entre les deux, il est difficile de choisir.

Pour autant, je comprends la préoccupation de Mme Troendle. Les dispositions de 2002 comme celles de la loi Perben sont encore, il est vrai, inégalement appliquées. Il n'est donc pas question de fermer la porte à cette démarche visant à une application non seulement renforcée mais élargie de ces mesures.

A ce titre, la notion de « trouble grave à l'ordre public » nous semble trop restrictive. Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement rectifié qui, en supprimant le mot « grave », retient la notion plus large et moins subjective de « trouble à l'ordre public ». Cela permettra d'assurer sans ambiguïté l'information du maire quand il s'agira de troubles de voisinage et de troubles touchant à la vie d'un quartier, puisque ce sont à l'évidence des troubles à l'ordre public.

Quant à l'application effective de ces dispositions, je m'engage devant vous à la rappeler aux services de la police et de la gendarmerie et je sais que le garde des sceaux agira de même auprès des parquets.

L'amendement n° 128 rectifié vise à faire une mention particulière du département dans l'ensemble des collectivités publiques ; le maire doit tenir compte des compétences du département dans sa politique de la prévention de la délinquance.

À l'évidence, l'objet du projet de loi n'est pas d'aller à l'encontre du mouvement de décentralisation qui, loi après loi, - ce débat a été tranché en 2004 - renforce le rôle confié au département en matière d'action sociale.

Il ne s'agit pas de créer une forme de concurrence entre les différents niveaux de collectivité. Nous donnons au contraire la priorité à la complémentarité, c'est-à-dire que nous veillons à mettre en place toutes les articulations nécessaires entre les différents dispositifs.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

L'amendement n° 163 vise à priver le maire de son pouvoir de coordonner la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance. Je ne sais pas, madame Boumediene-Thiery, comment vous envisagez concrètement la vie d'un maire qui animerait une politique sans en coordonner la mise en oeuvre. Ce serait ne faire que la moitié du chemin. Telle n'est pas la volonté du Gouvernement et il émet donc un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 4, avec un bon sens une nouvelle fois renouvelé, la commission propose de prévoir explicitement que le maire puisse être représenté par un adjoint ou un membre du conseil municipal dans son rôle de président de conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Cela permettra à l'évidence d'en favoriser le fonctionnement. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

L'amendement n° 133 rectifié vise à ne pas imposer la coexistence, sur le territoire d'un établissement public de coopération intercommunale, d'un conseil intercommunal et d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, tout en respectant la liberté de chaque maire de se doter, s'il le souhaite, de cette instance. Le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement n° 241 rectifié bis tend à préciser que les informations et documents communiqués aux membres du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ne peuvent pas être divulgués auprès de tiers.

Il faut bien distinguer le rôle du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance et celui que le projet de loi confie aussi bien au coordonnateur institué par l'article 5 qu'au conseil des droits et devoirs des familles créé par l'article 6.

Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance a vocation non pas à examiner des situations individuelles, mais à jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Le Gouvernement souhaite éviter qu'il n'y ait une confusion en sous-entendant que les membres du CLSPD peuvent disposer d'informations couvertes par le secret professionnel.

Telle est la raison pour laquelle il demande le retrait de cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 170 rectifié, j'ai déjà répondu à un amendement de cette nature présenté par M. Pozzo di Borgo. Nous ne souhaitons pas bouleverser l'équilibre des pouvoirs à Paris, ni entre le maire et le préfet de police ni entre le maire et les maires d'arrondissements actuels ou futurs.

D'ailleurs, s'agissant du cas de Paris, il existe dans les arrondissements des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance qui ont permis d'aboutir à la signature, dans les vingt arrondissements, de contrats locaux de sécurité.

L'amendement n° 103 rectifié a, me semble-t-il, le même objet que l'amendement n° 128 rectifié, c'est-à-dire la réaffirmation solennelle dans le texte des compétences d'action sociale du département. Mais cette proposition est difficilement acceptable en l'état car, au 4° de l'article 1er, on se situerait dans le champ de la lutte contre l'insécurité et on inscrirait la réserve relative aux compétences d'action sociale du département à côté d'une réserve concernant les dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire. Ce n'est pas le meilleur moyen de clarifier les rôles respectifs des différentes institutions.

En revanche, monsieur Mercier, si vous retiriez cet amendement n° 103 rectifié et que vous présentiez un sous-amendement à l'amendement n° 128 rectifié pour bien viser les compétences d'action sociale confiées aux départements, le Gouvernement serait favorable à cette nouvelle rédaction.

J'en viens à l'amendement n° 5. Le projet de loi pose le principe selon lequel les actions de prévention conduites par les collectivités doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance adopté par le préfet. Je comprends que cette disposition puisse susciter quelques interrogations, en particulier au sein de la Haute Assemblée qui est attachée aux libertés locales et à la libre administration des collectivités locales. Cela mérite donc quelques explications.

La prévention de la délinquance est à la fois une politique locale et une politique nationale. Pour être efficace, elle doit être menée de manière cohérente et coordonnée.

J'ajoute que le fait de donner un cadre aux politiques locales de prévention de la délinquance par le biais du plan départemental constitue un élément important pour dissiper certaines inquiétudes tant des maires que de certains de nos concitoyens.

Pour autant, je comprends les interrogations que peut susciter la notion de compatibilité et, même si nous n'en avons pas parlé, mais cela va de soi, celle de conformité.

Pour lever toutes les ambiguïtés, je suis donc favorable à cet amendement.

L'amendement n° 6 vise à clarifier la répartition des compétences entre le maire de Paris et le préfet de police. À la différence de ceux que nous venons d'examiner, il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions déjà prévues par le projet de loi. En effet, dès lors que le maire et le préfet de police animent ensemble la politique de prévention de la délinquance, il n'y a plus lieu de prévoir que le préfet de police associe le maire à la prévention de la délinquance. Cette disposition reste en revanche tout à fait pertinente s'agissant de la lutte contre l'insécurité.

M. Goujon propose que le plan de prévention de la délinquance de Paris soit arrêté conjointement par le préfet de police et le préfet de Paris, compte tenu de leurs compétences respectives. Je n'y suis pas hostile.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 6 et au sous-amendement n° 319.

Avec l'amendement n° 318 rectifié, monsieur Peyronnet, vous souhaitez apporter une contribution à la clarification des rôles respectifs des différents niveaux de collectivités locales. M. le rapporteur vous a fait part des interrogations que suscite votre amendement. Le Gouvernement partage ces interrogations dans une large mesure.

Initialement, cet amendement était présenté par M. Bockel. Vous avez observé que nous avons retenu un certain nombre de ses propositions. Toutefois, je ne peux être favorable à l'amendement n° 318 rectifié et j'en demande le retrait.

J'en viens à l'amendement n°104 rectifié. L'article 1er prévoit que les départements passeront des conventions avec les communes et avec les établissements publics de coopération intercommunale pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance.

Sur ce point, le souci du Gouvernement est clairement de garantir la coordination entre ces différentes collectivités, afin qu'elles définissent conjointement les territoires prioritaires et, surtout, les moyens qu'elles engagent.

Le Gouvernement ne souhaite pas rendre cette convention facultative. La coordination des acteurs publics en matière de prévention de la délinquance est, sans doute plus que dans tout autre domaine, une nécessité et non pas une possibilité.

L'auteur de l'amendement a souligné, dans une observation pleine de bon sens, que l'obligation générale posée par le projet de loi était sans doute excessivement contraignante et très vraisemblablement peu réaliste. Que cette nécessité ne soit pas partout de même intensité, c'est une évidence. M. de Broissia nous propose d'ailleurs, dans l'amendement n° 129 rectifié, de limiter ces obligations aux seules villes de plus de 10 000 habitants et aux EPCI qui sont dotés d'un conseil intercommunal de prévention de la délinquance, c'est-à-dire au coeur de cible du projet de loi.

J'ajoute que la signature de la convention suppose un accord entre les parties sur le contenu de celle-ci et sur les moyens.

Au-delà de cette obligation apparente, le projet de loi préserve la liberté des collectivités locales, à laquelle vous êtes, monsieur Mercier, à juste titre très attaché.

Je vous invite donc à retirer l'amendement n° 104 rectifié au bénéfice de l'amendement n° 129 rectifié.

S'agissant précisément de l'amendement n° 129 rectifié, la nécessité de coordonner les actions de prévention de la délinquance que mène le conseil général dans son champ de compétences avec celles des communes et de leurs groupements n'a pas la même portée dans une commune rurale et dans une commune urbaine. C'est la raison pour laquelle il est proposé de limiter le champ de cette coordination aux communes et groupements qui constituent, comme je viens de le dire, le coeur de cible du texte et qui sont dotés des instances facilitant cette coordination, c'est-à-dire le conseil local ou le conseil intercommunal de prévention de la délinquance.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement n° 248 a le même objet que celui de M. Mercier. J'en demande donc le retrait au profit de l'amendement n° 128 rectifié.

En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 7 qui tend à supprimer le mot « notamment ».

Madame Boumediene-Thiery, je ne comprends pas très bien l'objet de votre amendement de suppression n° 164 puisque le sixième alinéa de l'article 1er renforce la dimension intercommunale de prévention de la délinquance.

S'agissant du caractère liberticide du régime de vidéosurveillance, je tiens à rappeler à la Haute Assemblée que le Conseil constitutionnel, qui a été saisi, n'a pas trouvé matière à censurer ces dispositions.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 164.

J'en viens à l'amendement n° 300. La LOPSI dispose effectivement que les systèmes de vidéosurveillance peuvent être mis en oeuvre par les autorités compétentes, en l'occurrence par les maires qui sont investis des pouvoirs de police.

Il faut donc qu'un EPCI qui décide de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance recueille d'abord l'avis du maire de la commune d'implantation. Cette précaution me paraît indispensable et c'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Enfin, l'amendement n° 242 rectifié bis est très proche de l'amendement n° 241 rectifié bis. Ses auteurs souhaitent que les informations et documents communiqués aux membres du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ne puissent être divulgués à des tiers. Qu'il soit intercommunal ou local, le conseil de sécurité et de prévention de la délinquance n'a pas vocation, je le répète, à examiner les situations individuelles ; il doit jouer un rôle de pilotage sur son territoire. Je ne souhaite pas qu'il y ait de confusion sur ce point. Si tel était le cas, cette confusion devrait désormais être dissipée.

Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° 242 rectifié bis. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

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