Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 2 mai 2019 à 14h30
Droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Agnès Buzyn :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi examinée aujourd’hui répond à un objectif dont on ne peut douter de l’intérêt, puisqu’il s’agit de faciliter les démarches des administrés et d’agir pour leur pouvoir d’achat.

Cette possibilité est attendue par nos concitoyens, qui souhaitent obtenir davantage de souplesse et ainsi pouvoir résilier leur contrat de complémentaire santé sans frais et à tout moment au terme de la première année de souscription.

Il s’agit de mesures à la fois pragmatiques et concrètes, qui s’inscrivent dans la continuité de la faculté, offerte aux assurés par la loi relative à la consommation de 2014, de résilier leur contrat d’assurance automobile ou emprunteur à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la première souscription.

Je ne puis que regretter le sort réservé à ce texte en commission : les principales dispositions ont été supprimées, sur la base d’arguments dont j’aurai l’occasion de discuter du bien-fondé.

Avant d’aborder le contenu de cette proposition de loi, je reviendrai un instant sur le contexte dans lequel elle s’inscrit, car l’on ne peut faire abstraction du moment que nous vivons.

Au mois de décembre dernier, après avoir annoncé un premier ensemble de mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat des Français, dispositions approuvées par la Haute Assemblée, le Président de la République a réuni à l’Élysée les représentants des mutuelles, des assureurs et des instituts de prévoyance. Comme aux grandes entreprises et aux banques, il leur a demandé de prendre part à la mobilisation pour l’urgence économique et sociale. Les dépenses de complémentaires santé font en effet partie des dépenses dites « contraintes », celles auxquelles les ménages ne peuvent échapper.

Les organismes complémentaires ont répondu à cet appel et se sont engagés à prendre des mesures pour le pouvoir d’achat des assurés : la hausse des tarifs prévue en 2019 pour les contrats d’entrée de gamme devra être neutralisée, et les organismes complémentaires s’engageront dans un travail commun pour faire évoluer à la baisse les frais de gestion, qui représentent environ 20 % des cotisations collectées.

En outre, l’une des propositions qu’a évoquées le Président de la République et que traduit cette proposition de loi est de faciliter les conditions de résiliation, donc de laisser plus de liberté aux ménages et de réduire les tarifs des complémentaires en faisant davantage jouer la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu les critiques qui ont été émises en commission et qui ne manqueront pas de s’exprimer au cours de ce débat, lors de l’examen des amendements de rétablissement. Ainsi, comme j’ai pu le faire à l’Assemblée nationale, je saisis l’occasion qui m’est offerte de m’exprimer à la tribune pour éclairer le débat et répondre à certaines idées reçues qui circulent sur ce texte.

Tout d’abord, cette proposition de loi ne va pas augmenter le coût des primes. Au contraire, le renforcement de la concurrence qu’elle permettra va inciter les complémentaires à les diminuer, notamment en réduisant leurs frais de fonctionnement, afin d’attirer ou de garder des assurés. C’est la raison pour laquelle, selon un récent sondage mené par l’Institut français d’opinion publique, l’IFOP, les Français se prononcent très clairement pour cette mesure : au total, les avis favorables avoisinent les 94 %.

D’ailleurs, la mise en œuvre de mesures similaires dans d’autres secteurs de l’assurance ne s’est pas traduite par des hausses de primes, au contraire. Par exemple, la mise en œuvre de la résiliation annuelle des contrats d’assurance emprunteur depuis le 1er janvier 2018 a conduit certains organismes à diminuer leurs primes de 30 %.

Ensuite, cette mesure ne va pas favoriser les comportements opportunistes. En effet, elle ne permet de résilier un contrat d’assurance complémentaire santé qu’au terme d’un délai d’un an. Un assuré qui souhaiterait souscrire une complémentaire santé avant un acte médical programmé, puis s’en défaire après cet acte, ne pourrait donc pas mettre ses desseins à exécution.

De surcroît, cette mesure ne va pas déstabiliser le marché. Elle favorisera la mobilité des assurés qui souhaitent changer de complémentaire santé. Néanmoins, d’un point de vue global, elle ne modifiera pas drastiquement la situation actuelle, car une résiliation annuelle est déjà possible. Dès lors, chacun peut changer de contrat chaque année. J’ajoute que, au titre de la loi Hamon de 2014, l’on n’a pas identifié d’effet déstabilisateur.

Enfin, cette mesure ne va pas entraîner une démutualisation des risques au détriment des personnes âgées. Les garanties en termes de mutualisation seront inchangées, y compris en faveur des plus vulnérables : les mutuelles et les autres organismes proposant des contrats responsables, qui constituent la quasi-totalité des contrats, ne peuvent recueillir d’informations médicales auprès de leurs membres, ni fixer de cotisations en fonction de l’état de santé des assurés.

Le risque de démutualisation avait déjà été brandi lors de la discussion de la loi Hamon, notamment pour ce qui concerne l’assurance emprunteur. Or il ne s’est pas concrétisé : les tarifs ont fortement diminué à l’avantage de tous, y compris des personnes en risque aggravé de santé.

Ainsi, cette mesure sera favorable à tous les assurés, en particulier les personnes âgées, pour qui les conditions actuelles de résiliation, du fait de leur nature restrictive, sont très défavorables. Ce sont elles qui sont le plus soumises aux augmentations brusques de cotisations des contrats individuels ; et, pour les personnes âgées, qui sont rarement familiarisées aux nouvelles technologies, il peut être difficile de trouver un nouveau contrat dans le délai de vingt jours impartis.

À mes yeux, cette proposition de loi ne traduit pas la moindre défiance quant au rôle des complémentaires santé dans notre système de santé. Bien au contraire – j’ai souvent l’occasion de le dire –, je salue le travail mené en commun avec les organismes complémentaires depuis ma prise de fonctions. Ce travail conjoint a donné lieu à des avancées majeures ; je pense à la réforme du 100 % santé, qui a été construite en lien étroit avec l’ensemble des acteurs, et en particulier avec les fédérations d’organismes complémentaires.

Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, même si son objet peut paraître circonscrit, cette proposition de loi est d’une grande importance : c’est une mesure concrète, qui, en levant les obstacles actuels au changement de complémentaire santé, aura un réel impact sur le quotidien des Français.

Le Gouvernement reste parfaitement favorable à la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Je vous proposerai donc, dans quelques instants, une série d’amendements visant à rétablir les articles supprimés !

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