Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il nous fallait aujourd’hui construire un système d’assurance maladie, il ne fait pas de doute que nous procéderions autrement : nous ne ferions pas le choix de plusieurs traitements successifs d’un même acte, ce qui se traduit par des coûts de transaction élevés ; nous ne ferions pas le choix d’un système inégalitaire, dans lequel les mieux portants sont mieux couverts pour un coût moins élevé ; nous ne ferions pas le choix de la coexistence de quelque 500 organismes complémentaires en situation de concurrence.
Notre système actuel à deux étages est le fruit de l’histoire, et, comme le Gouvernement en fait l’expérience en matière de retraite, la refonte globale d’un système présente bien des écueils, qu’aucun gouvernement n’a souhaité affronter en matière de santé.
Les gouvernements successifs se sont pourtant essayés à la réforme, mais avec des objectifs peu clairs, des orientations pas toujours cohérentes et, sans surprise, des résultats mitigés.
La CMU complémentaire, ou CMU-C, puis l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, ont permis de couvrir les plus modestes, mais avec de forts effets de seuils et un taux de non-recours très élevé. L’accord national interprofessionnel de janvier 2013 a opéré une généralisation, au profit des seuls salariés. Les contrats responsables encadrent le contenu des garanties, avec l’objectif d’agir sur les prix, en laissant peu de marges sur le contenu. La fiscalité, levier fortement mobilisé, ponctionne une partie des profits réalisés, mais se retrouve dans les cotisations. Plus récemment, avec le reste à charge zéro, on tente une reconquête de pans entiers de la couverture sociale, délaissés par le régime de base : l’optique, le dentaire, l’auditif, en encadrant davantage encore les complémentaires.
Il résulte de ces différentes mesures un marché très administré, un corset réglementaire et fiscal sophistiqué, mais qui reste peu protecteur de ceux qui n’entrent dans aucun dispositif spécifique : les jeunes, les inactifs, les retraités.
Très complexe, le système comprend de larges poches d’inefficience, alors que les besoins en matière de santé vont croissant et nécessitent de valoriser chaque euro disponible pour les défis qui sont devant nous : le vieillissement de la population, la chronicisation des maladies ou encore les innovations coûteuses.
Avec cette proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, le Gouvernement privilégie un autre levier, celui du renforcement de la concurrence entre les acteurs, en assouplissant les possibilités de résiliation des contrats au-delà de l’actuelle possibilité de résiliation annuelle à la date anniversaire du contrat.
L’évaluation de l’impact de cette mesure est difficile : baisse des coûts et hausse du pouvoir d’achat pour les uns, risque de nomadisme et de démutualisation pour les autres ; les débats ont été nourris, y compris au sein de la commission des affaires sociales.
Il me semble peu probable que cette disposition bouleverse l’économie des contrats collectifs des grandes entreprises. Celles-ci ont les moyens de sélectionner au mieux l’organisme qui leur convient et de gérer leur calendrier de résiliation, par ailleurs enserré dans un processus de négociation collective.
Pour les plus petites entreprises, comme pour les adhésions individuelles, le texte apporte une souplesse supplémentaire par rapport à la possibilité de résiliation annuelle. Comment les acteurs vont-ils s’en saisir et quelles vont en être les conséquences sur le marché ?
Si l’on en croit les précédents, en particulier celui de la loi Hamon, le marché ne devrait pas s’en trouver bouleversé à l’excès, moins, sans doute, que par les ratios de solvabilité imposés par les normes internationales ou par la mise en œuvre du reste à charge zéro. Les cotisations ne devraient pas non plus baisser drastiquement sous l’effet de cette seule possibilité de résilier à tout moment.
Au total, le texte soumis à notre examen me paraît renforcer les possibilités de choix de leur complémentaire santé pour les souscripteurs individuels, en particulier les retraités, et les petites entreprises. Il leur appartiendra de s’en saisir.
Pour le reste, ce texte ne répond pas, à lui seul, aux enjeux du secteur, qui restent considérables. À titre personnel, je tiens que la sécurité sociale doit se réapproprier l’ensemble des besoins de santé de base essentiels de nos concitoyens, conformément aux objectifs de ses fondateurs.