Venons-en au fond du texte. Devant les députés, madame la ministre, vous avez indiqué que c’était l’une des premières fois que l’on définissait « l’absence de reste à charge comme le résultat de l’intervention combinée des deux étages de l’assurance santé, l’assurance maladie obligatoire et la complémentaire ». Vous ajoutiez : « C’est, pour tous les Français, un progrès pour l’accès aux soins. »
Nous ne partageons pas votre avis. Bien au contraire, nous estimons qu’il s’agit d’un important recul pour l’assurance maladie, qui ne peut prendre en charge à 100 % les soins, tant elle est fragilisée par les mauvais coups qui pleuvent sur ce système solidaire depuis des années. L’obstination du gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, à la priver du principe des cotisations est, à ce titre, un véritable coup de boutoir !
Il s’agit aussi d’un recul pour toutes les personnes qui renoncent aux soins à cause du coût des contrats. Selon le comparateur des assurances, le coût annuel d’une mutuelle santé atteint 1 732 euros par an, en moyenne, pour un retraité, 981 euros pour les personnes à la recherche d’un emploi et 482 euros pour les étudiants.
J’ajoute que la dernière publication de la Drees a chiffré à 4 millions le nombre de personnes non couvertes par une complémentaire santé, alors même que celles qui en sont dépourvues renoncent deux fois plus aux soins que les autres.
Vous voulez nous faire croire qu’accroître la concurrence sur le marché de l’assurance complémentaire santé, en permettant de résilier sans frais et à tout moment les contrats, va diminuer leurs tarifs, mais c’est faux.
Le marché – c’est dans sa nature ! – suit l’unique objectif de la rentabilité financière ; les effets bénéfiques en matière de baisse de tarifs sont donc rarement au rendez-vous, ou alors au prix d’une dégradation de la qualité des biens et des services. Nous avions d’ailleurs entendu le même discours lors de l’introduction d’un quatrième opérateur téléphonique. Finalement, les prix ont certes baissé, mais 10 000 emplois ont été détruits, et nous avons pris un retard considérable dans le déploiement du haut débit.
La concurrence accrue entre les opérateurs à tout moment de l’année pourrait même s’avérer contre-productive, puisque les frais de gestion vont mécaniquement augmenter à cause d’un plus grand turnover dans les contrats des adhérents et de l’augmentation des frais de publicité.
Cette offensive libérale va, de surcroît, affaiblir les principes mutualistes qui fondent notre protection sociale : la non-sélection du risque, l’égalité de traitement, la transparence, l’action sociale.
En imposant des règles identiques aux instituts de prévoyance, aux assurances santé et aux mutuelles, vous allez encore accélérer le processus de rapprochement du mode de gestion des mutuelles à but non lucratif de celui des sociétés d’assurances à but lucratif.
En ouvrant la possibilité de résilier un contrat au bout d’une année, vous remettez en cause le principe d’annualité des cotisations, un élément du modèle économique qui permet de ne sélectionner ni le risque couvert ni la personne.
Demain, avec des contrats plus courts, il faudra segmenter davantage les populations en fonction de leurs risques spécifiques face à la maladie, et les seniors seront alors les grands perdants de la réforme. Dans un secteur de plus en plus concentré, votre texte ne fera que renforcer les mastodontes de la « bancassurance » pour faire primer le fonctionnement assurantiel sur la logique de solidarité.
Madame la ministre, vous auriez pu consolider notre système de protection sociale et aller progressivement vers un remboursement à 100 % par la sécurité sociale. Ce n’est pourtant jamais le choix qui est fait dans les textes que vous nous proposez.
J’ai entendu l’intervention d’Alain Milon, et je partage nombre de ses propos, à l’exception de sa conclusion, qui tend à aller vers le libéralisme.