Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 2 mai 2019 à 14h30
Droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Dans l’exposé des motifs, on lit également que, « compte tenu de l’ampleur des montants versés chaque année au titre des cotisations en matière d’assurance santé – 35, 9 milliards d’euros en 2016 –, la proposition de loi vise à accroître la concurrence sur le marché de l’assurance complémentaire santé ». Pourtant, il n’y a aucun lien logique, d’après moi, entre le volume annuel des cotisations et l’accroissement souhaité de la concurrence.

De la même manière, on avance des chiffres au sujet de l’augmentation des tarifs des complémentaires santé entre 2018 et 2019, sans préciser que cette évolution est proche de celle des charges de prestations et qu’elle résulte de l’impossibilité pour les organismes complémentaires d’assurance maladie, les OCAM, contrairement à la sécurité sociale, d’être en déficit.

Enfin, les auteurs du texte comparent les frais de gestion des OCAM et de la sécurité sociale, soulignant que les organismes complémentaires ont dépensé 20 % des cotisations pour leurs frais de gestion, quand ceux de la sécurité sociale sont inférieurs à 4 %. Je pense que là sont le cœur du problème et l’origine de cette proposition de loi.

En matière d’assurance, le législateur a déjà fait évoluer les modalités de résiliation, comme Mme le ministre l’a rappelé. En 2014, en effet, la loi Hamon a permis à l’assuré de mettre un terme à son contrat d’assurance dommages, à son contrat d’assurance automobile, à son contrat d’assurance habitation et à son contrat d’assurance emprunteur, et ce à tout moment et sans pénalité. Il aurait été intéressant d’étudier les effets de cette loi, en particulier sur les prix, avant d’en étendre le principe aux contrats de complémentaire santé.

J’ai fait cet exercice : les chiffres font apparaître un nombre limité de résiliations, ayant pourtant entraîné des frais de gestion relativement importants pour les compagnies d’assurances et, in fine, les particuliers. Résultat, les cotisations de l’assurance dommages des particuliers n’ont pas diminué…

Plus généralement, le principe de l’assurance est de mutualiser et de provisionner. Nous, législateurs ou citoyens, exigeons des groupes d’assurance une solidité financière de plus en plus importante. Parallèlement, nous créons des lois pour faciliter les résiliations et exercer une pression encore plus forte sur les prix. Est-ce logique ?

Toutefois, le fond du sujet n’est même pas là : il tient dans la comparaison entre les frais de gestion des différents organismes complémentaires et ceux de la sécurité sociale. En effet, comme je l’ai déjà souligné, quelque 80 % des cotisations sont reversées en prestations et 20 % paient les frais de gestion, alors que ceux de la sécurité sociale sont inférieurs à 4 %.

Rappelons que les cotisations de sécurité sociale sont obligatoires : il n’y a donc pas de frais de commercialisation, de publicité ni de communication. En outre, ces cotisations sont gérées et recouvrées par les Urssaf ; le coût de ces opérations n’est pas pris en compte dans les frais de gestion de 4 %. Enfin, la sécurité sociale est en déficit chaque année, ce dont nous ne tenons pas compte dans le calcul des frais de gestion.

Mes chers collègues, comparons ce qui est comparable ! Nous constaterons alors que les frais de gestion de la sécurité sociale sont supérieurs à ceux des organismes complémentaires, qui subissent sans cesse les effets de la concurrence. Depuis 2001, le nombre des mutuelles a été divisé par trois et celui des instituts de prévoyance par deux. Si le bénéfice et le marché étaient si florissants, comme nous pourrions le penser, nous constaterions un développement et non une diminution des acteurs du secteur.

Depuis plusieurs années, l’État fait le choix de diminuer le niveau des prestations de santé ou la prise en charge. En conséquence, les remboursements en frais médicaux de la sécurité sociale ont diminué, tandis que les frais pris en charge par les complémentaires santé ont augmenté. L’augmentation constatée entre 2018 et 2019, soulignée par M. Lévrier il y a quelques instants, en est la conséquence directe.

Pour limiter les coûts, les mutuelles et les organismes complémentaires ont développé des réseaux de santé, surtout en optique. Il s’agit de limiter et de contrôler les dépenses dans l’intérêt des consommateurs, ces derniers étant libres d’en profiter ou non.

Or l’article 3 bis supprime les remboursements différenciés dans les réseaux de soins. Que faut-il en déduire ? D’un côté, on cherche l’intérêt du consommateur en lui permettant de résilier à tout moment sa complémentaire santé et de mener une guerre des prix pour gagner du pouvoir d’achat ; de l’autre, dans le même texte, on souhaite la suppression des réseaux de santé, qui ont pourtant prouvé qu’ils limitaient les coûts de santé et amélioraient le pouvoir d’achat des bénéficiaires…

En somme, sous couvert de rendre du pouvoir d’achat, un objectif que nous partageons tous, on nous propose un texte dont l’adoption serait contre-productive. Cette proposition de loi est le type même de la fausse bonne idée !

La santé n’est pas un marché comme un autre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion