Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois que nous pouvons engager cette discussion générale dans un esprit constructif partagé.
Nous le constatons tous, le code électoral présente un certain nombre de défauts de cohérence.
J’en rappelle sommairement l’histoire. Établi en 1956, avec, à l’époque, une conception de la codification beaucoup moins « carrée » et architecturée qu’aujourd’hui, ce code a fait l’objet d’un très grand nombre de réformes, d’où un phénomène d’empilement juridique, accompagné d’une harmonisation parfois incomplète, qui a provoqué des difficultés, soit de pertinence, soit de cohérence interne du texte.
Or nous bénéficions – depuis les élections de 2002, si je ne me trompe – d’une bonne pratique adoptée par le Conseil constitutionnel : dans sa fonction de juge des élections, celui-ci rend publique, à l’issue des différents contentieux engagés, une série d’observations, pour porter à la connaissance du public et, naturellement, des autres pouvoirs publics les améliorations qu’il conviendrait d’apporter au droit électoral, ou, d’ailleurs, à d’autres sujets connexes de droit public.
C’est ce qu’il a fait le 21 février dernier, puisque la durée des contentieux dépasse maintenant un an et demi, en rendant publiques un certain nombre d’observations et de recommandations pour l’évolution de notre droit électoral.
Grâce aux services de la commission et à son président, que je remercie, nous avons pu établir une proposition de loi et une proposition de loi organique traitant des sujets sur lesquels il nous a paru efficace de faire évoluer le code électoral.
Les domaines couverts par ce code étant extrêmement vastes, nous nous sommes limités à trois sujets : l’application du contrôle des comptes de campagne et les sanctions d’inéligibilité qui en découlent – c’est le principal sujet – ; la mise en cohérence des dates et événements de fin de campagne ; la clarification du contenu légal des bulletins de vote.
Je tiens à insister sur le premier thème, qui a donné lieu aux recommandations les plus détaillées du Conseil constitutionnel.
Compte tenu du très grand nombre de candidats aux élections législatives – son accroissement est dû, nous le savons, à l’intérêt pour chaque organisation de présenter beaucoup de candidats, afin de collecter un maximum de voix, lesquelles sont prises en compte pour le financement pérenne des partis politiques –, le travail d’examen des comptes, puis, sur les comptes dont l’irrégularité a été reconnue, celui d’instruction en vue d’éventuelles sanctions d’inéligibilité par le Conseil constitutionnel sont devenus massifs et exigent que l’on se concentre sur l’essentiel.
Le Conseil constitutionnel a donc recommandé de dispenser de compte de campagne et, donc, de ne soumettre ni au contrôle, ni aux sanctions un certain nombre de candidats qui comptaient très peu dans la collecte des suffrages, ayant obtenu un faible pourcentage de voix, et dont les montants de dépenses paraissaient négligeables.
Nous avons essayé, dans la proposition de loi, d’établir un tel critère, afin de pouvoir identifier les candidats « minimaux », dirais-je, auxquels serait accordée une dispense de compte de campagne, ce qui réduirait la charge de travail des institutions en aval.
Le Conseil constitutionnel faisait également remarquer, à l’observation de ses propres décisions individuelles, que, du fait de la durée des contentieux, une même sanction d’inéligibilité – deux ans par exemple – portant sur des infractions ou des manquements de même importance n’avait pas les mêmes conséquences pour deux candidats différents, suivant que la date d’expiration de la période d’inéligibilité englobait l’élection suivante ou non.
Il nous a demandé de chercher une solution législative, de sorte que toutes les sanctions de même importance qu’il serait amené à prononcer emportent les mêmes conséquences en termes d’invalidation électorale. Nous avons essayé d’élaborer une solution, mais ce n’est pas simple.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a fait l’observation suivante – et, effectivement, on peut trouver là la source de contentieux qui sont difficiles à régler, car ils portent sur des questions de fait très délicates – : alors que tous les autres actes de campagne, notamment ceux qui ont trait aux moyens audiovisuels et à la distribution de documents écrits, doivent prendre fin le vendredi soir, minuit, précédant le dimanche électoral, la seule règle fixée pour les réunions électorales est de respecter le jour des élections lui-même. On peut donc organiser des réunions électorales jusqu’à minuit moins cinq, la veille du scrutin.
Le Conseil constitutionnel a souligné que, si ces réunions rassemblaient un public d’une certaine importance et qu’elles aboutissaient à la diffusion de messages négatifs pour un candidat donné, celui-ci n’aurait aucun moyen de répondre. Dès lors, il a suggéré que, en touchant d’ailleurs à de très vieilles lois découlant de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion, on limite le terme final des réunions électorales au vendredi soir, comme pour les autres actes de campagne.
Enfin, constatant que la jurisprudence, aussi bien du Conseil d’État, pour les élections locales, que du Conseil constitutionnel, pour les élections parlementaires, comportait des variations s’agissant du contenu du bulletin de vote – j’ai redécouvert, à cette occasion, que les règles concernant ce contenu figuraient au chapitre du code électoral intitulé « Propagande », ce qui est tout de même un peu décalé par rapport à l’objet même du bulletin de vote, lequel est, non plus un outil de communication, mais un support du vote le plus objectif possible –, il nous a paru souhaitable d’éliminer, par la loi, la référence à des personnes tierces, non candidates dans la circonscription, sur ledit bulletin.
Puisque subsiste, dans un texte distinct du code, une loi que nous avons votée en 1990, lors d’une réforme électorale, visant à fixer le principe d’une absence totale de réforme à impact électoral dans l’année précédant l’élection concernée, il m’a en outre semblé plus judicieux que ces dispositions de « précaution » figurent dans le code électoral lui-même.
Tel est donc le champ limité que nous avons retenu, avec l’approbation de la commission, pour cette actualisation et amélioration du code électoral.
Je veux souligner le très bon travail collégial qui a été réalisé en commission, autour des interventions du président et du rapporteur, et remercier le Gouvernement pour ses propositions, également judicieuses.
Au fond, en discutant de cette proposition de loi et de cette proposition de loi organique, il me semble que nous jouons pleinement le rôle, propre au Sénat, d’amélioration législative.