Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 2 mai 2019 à 21h45
Reconnaissance du crime d'écocide — Article 1er

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Nous ne pouvons nier que la présente proposition de loi représente un pas majeur vers la reconnaissance des détériorations massives et durables infligées à la faune et à la flore par les activités humaines. Reste que, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, pour que de telles sanctions soient efficaces et effectives, elles devront à l’avenir devenir dissuasives à l’échelle supranationale, en s’incorporant dans les statuts de Rome de la Cour pénale internationale, la CPI.

Or pour qu’une telle introduction dans le droit pénal international soit possible, il semble nécessaire de trouver une qualification des crimes environnementaux susceptible de convenir à tous les États membres de la CPI.

En tant qu’historienne, je me suis interrogée sur la sémantique du terme « écocide ». S’agit-il du bon mot ? Celui-ci est-il adapté et proportionné ? Ne rappelle-t-il pas trop la notion de génocide, ce qui pourrait déplaire à certains États, comme l’Allemagne, déjà heurtée, ou l’Arménie ? Ne faut-il pas prendre en compte les sensibilités historiques des nations face à un terme si lourd de sens ? Une telle formule ne serait-elle pas considérée comme susceptible de desservir la lutte contre les préjudices environnementaux, en lui donnant le même seuil de gravité que le génocide ? Ne pourrait-on pas renommer l’écocide, comme Mme Cabanes l’a suggéré, crime contre la sûreté de la planète, expression moins connotée ?

J’ai pris en compte toutes ces considérations et suis finalement arrivée à la conclusion que l’écocide est entré dans le vocabulaire des associations et des experts. On ne peut pas aller contre le chemin parcouru par les mots, qui, comme des cailloux, roulent à leur rythme et font leur chemin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion