Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Réforme de la politique agricole commune — Discussion d'une proposition de résolution européenne dans le texte de la commission

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin dernier, le Sénat a adopté à l’unanimité – et vous étiez des nôtres à l’époque, monsieur le ministre – une proposition de résolution européenne appelant à la préservation d’une politique agricole commune forte.

À cette occasion, j’avais relevé le paradoxe temporel de la proposition de réforme administrative et financière de la PAC proposée par la Commission. Il peut se résumer ainsi : c’est justement à l’heure où l’on parle d’une Europe en crise que la Commission européenne a délibérément choisi de sacrifier sa politique la plus européenne et la plus intégrée. Cette situation n’a pas changé et il est important de le rappeler à la veille des élections européennes. Modifier ainsi la PAC serait plus qu’une faute : ce serait un véritable renoncement.

Un renoncement à l’égard de femmes et d’hommes travaillant jour et nuit, avec passion, pour nourrir le continent. À l’heure où il est si faciled’obtenir des produits alimentaires importés de moindre qualité, comment peut-on justifier de telles coupes drastiques dans les budgets européens, lesquelles viennent saper la compétitivité de nos exploitations au détriment de la sécurité sanitaire du continent ?

C’est un renoncement au regard de l’ambition agroenvironnementale de l’agriculture européenne. Comment pourrait-on demander aux agriculteurs de faire beaucoup plus avec beaucoup moins ?

C’est également un renoncement face à une ambition stratégique que tous les autres grands pays du monde ont bien comprise. La PAC semble une priorité déclinante pour l’Union européenne, alors qu’il en va bien autrement pour toutes les autres grandes puissances agricoles.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2008 et 2015, alors que l’Union européenne diminuait son budget agricole par habitant de 20 %, la Chine augmentait le sien de 145 %, les États-Unis – un pays déjà largement en tête – de 39 % et le Brésil de 44 %. Et la Commission ambitionne d’accélérer la réduction avec une baisse de 15 % en euros constants du budget de la PAC dans le prochain cadre financier pluriannuel.

Cela fait un an que la position de la Commission est connue. Le Gouvernement a toujours déclaré, en public, être contre ce budget. Or, depuis notre dernier débat, en juin dernier, rien n’a évolué. Les coupes sont toujours là, au même niveau que ce qui avait été annoncé. Ce renoncement, monsieur le ministre, c’est aussi celui du Gouvernement dans la négociation européenne.

Quelques lueurs d’espoir sont apparues, notamment au sein de la commission de l’agriculture du Parlement européen, qui, bien que politiquement contrainte, a proposé quelques avancées. Je pense notamment à la pérennisation jusqu’en 2050 du système des autorisations de plantation de vigne, seul outil de gestion du potentiel de production au sein de la PAC. Mais le bilan reste très terne.

Enfin, et c’est sûrement le plus grave, c’est un renoncement au regard de l’idée européenne en cette veille d’élections.

Les auditions de notre groupe de suivi ont mis en évidence un sentiment, largement répandu dans le monde agricole, de perte de sens de la politique agricole commune. Or la PAC a rempli, depuis 1962, un rôle fondateur essentiel pour garantir une nourriture en quantité suffisante et d’une qualité exemplaire à l’ensemble de l’Union européenne.

Comme aime à le dire le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, c’est une politique ancienne, mais loin d’être une vieille politique. Elle est la clef d’entrée pour relever les principaux défis du XXIe siècle.

La position du Sénat a toujours été très claire et cette proposition de résolution, fruit d’un travail transpartisan, la réaffirme haut et fort.

Pour nos deux commissions, l’agriculture garantit l’indépendance alimentaire du continent européen, tout comme elle veille à la sécurité sanitaire des consommateurs européens. Elle contribue à la vitalité de nos territoires ruraux. Sans elle, les mécanismes d’aide alimentaire ne seraient pas ce qu’ils sont. Elle permet une meilleure préservation de l’environnement grâce à ses externalités positives qui bénéficient à l’ensemble de la société.

L’agriculture doit être notre priorité stratégique. C’est pourquoi aucune réforme de la politique agricole commune ne sera satisfaisante sans une préservation a minima d’un budget, d’une ambition en euros pour la période 2021-2027.

Votre responsabilité, monsieur le ministre, est désormais de lutter contre ce renoncement et de faire évoluer les choses. Après, il sera trop tard !

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