Intervention de François Bonhomme

Réunion du 9 mai 2019 à 10h30
La caducité du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance de l'union européenne rendra-t-elle une autonomie budgétaire aux états membres — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a maintenant plus de sept ans, le 2 mars 2012, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union européenne a été signé. Par ce traité, vingt-cinq des vingt-huit États membres de l’Union européenne se sont engagés, et engagés librement, de manière souveraine, à respecter des règles de discipline budgétaire.

Il est tout particulièrement important de s’attarder sur l’essence même de ce traité, car je note avec regret que certains confondent encore, sans doute délibérément, austérité et discipline. Je reviendrai sur ces deux concepts un peu plus tard, car il convient, avant tout, de rappeler quels ont été les germes de ce traité et quelles en sont les ambitions.

Le TSCG entend astreindre les États de la zone euro qui en sont signataires à financer leurs dépenses par leurs recettes, afin de limiter le recours à l’emprunt. Ce traité est la contrepartie logique des interventions de la Banque centrale européenne, la BCE, qui ont permis d’éviter l’éclatement de la zone euro.

Dans le contexte de la crise économique que nous avons connue et que nous connaissons, les États membres ne sont pas parvenus à respecter les règles strictes prévues par le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 en vue de la création de l’euro, le 1er janvier 1999. Ils se sont livrés à des excès d’endettement et de déficits préjudiciables à l’ensemble de la zone euro, outrepassant, somme toute, la limite des 3 % de déficit autorisé et ce, plusieurs années durant.

Aussi, en 2011, ce nouveau traité est venu proposer des règles communes de gouvernance économique et budgétaire, afin de veiller à ce que les pays soient contraints de s’astreindre à une certaine discipline budgétaire. Le TSCG prévoit également une coordination et une convergence des politiques économiques. Les États concernés sont tenus de communiquer leurs plans nationaux d’émissions de dette publique et de s’assurer que les grandes réformes économiques qu’ils entendent réaliser sont débattues au préalable et, au besoin, coordonnées.

Par conséquent, en son article 1er, le TSCG prévoit logiquement que les parties contractantes « conviennent, en tant qu’États membres de l’Union européenne, de renforcer le pilier économique de l’Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l’Union européenne en matière de croissance durable, d’emploi, de compétitivité et de cohésion sociale ».

En contrepartie d’une solidarité financière, le pacte budgétaire européen introduit une règle d’or, qui engage les États signataires à ce que la situation budgétaire de leurs administrations publiques soit « en équilibre ou en excédent ».

Ce rappel historique me semble nécessaire pour notre discussion. En effet, il est important de le rappeler, le TSCG est avant tout venu en réponse à la crise de la zone euro. Cela permet de garder à l’esprit que le volet « responsabilité » dont il est porteur revêt une importance primordiale.

Cette responsabilité est indispensable, car chacun sait que l’un des risques majeurs de la zone euro est de voir poindre des politiques budgétaires tout à fait insoutenables.

La discipline est indispensable au fonctionnement de l’Union européenne. A contrario, vouloir s’extraire du TSCG, c’est avant tout prendre le risque d’ouvrir la porte à des politiques budgétaires insoutenables et, à terme, à l’implosion des banques, à une nouvelle crise économique et à l’explosion de la zone euro. Voilà le véritable risque et l’enjeu qui nous occupe !

En outre, ces règles économiques ne tombent pas du ciel. Il ne s’agit pas d’un artefact créé de toutes pièces. Au-delà des notions de discipline et de sérieux économique, indépendamment du contexte dans lequel elles sont apparues, ces règles ont une raison d’être en elles-mêmes, à savoir l’interdépendance entre les États membres. Nous sommes liés les uns aux autres, que nous le voulions ou non ; et, en l’espèce, nous le voulons.

En effet, quand bien même les règles du TSCG seraient caduques, les marchés financiers viendraient nous rappeler, sans doute douloureusement, à cette réalité de l’interdépendance entre les États.

Enfin, présenter le TSCG comme un carcan ou un instrument de servitude obligeant les États à s’appliquer une austérité permanente et généralisée n’est pas conforme à la réalité de ce traité. En effet, d’aucuns ne pourront nier que le TSCG a eu pour résultat non de renforcer, mais d’assouplir, de facto, le pacte de stabilité. Bien qu’il ne l’ait pas modifié, le TSCG a introduit des règles qui sont plus souples et, surtout, qui sont définies en termes de solde structurel.

Permettez-moi, à ce titre, de souligner que les notions de TSCG et de politique budgétaire expansionniste ne sont pas incompatibles. Le TSCG oblige à l’équilibre ; il ne condamne pas à l’austérité.

Aussi, mes chers collègues, l’argument d’une certaine frange de la gauche – force est de lui reconnaître une certaine constance, fût-ce dans l’erreur –, qui consiste en l’équation « Europe égale austérité », ne prend pas avec le TSCG. À ceux qui nous opposent ce qu’ils considèrent comme le dogme de l’austérité, je rappelle que les dérives budgétaires nationales créent des crises, et qu’il nous incombe à tous de faire preuve d’intelligence budgétaire et de responsabilité.

C’est à cette responsabilité que nous rappelle le TSCG.

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