Je voudrais vous féliciter, monsieur le ministre, sans ironie aucune. Vous êtes effectivement en train de casser une rhétorique qu’on entend depuis vingt ans dans la bouche des différents ministres qui se succèdent – ce n’est pas propre à votre gouvernement. Chaque fois que nous posons un problème, on nous explique que nous avons raison, mais qu’il est impossible de faire quoi que ce soit. En effet, nous dit-on, la bonne échelle pour résoudre ce problème est celle de l’Union européenne, et, même si nous menons ce combat avec ardeur, vous n’êtes pas sans savoir qu’il faut l’unanimité… Encore une fois, on pourrait taxer les revenus financiers, mais cela dégraderait notre compétitivité : la bonne échelle, c’est l’Union européenne…
J’ai eu ce même débat, voilà peu, avec le ministre de la transition écologique et solidaire sur la taxation du kérosène. Ce dernier a reconnu que l’idée était bonne, mais qu’une telle mesure conduirait les avions à aller se ravitailler dans d’autres pays et que, par conséquent, la bonne échelle, c’est l’Union européenne.
Et voilà, monsieur le ministre, qu’après avoir mené une bataille de deux ans, comme vous l’avez rappelé dans vos propos introductifs, vous prenez le taureau par les cornes – pardonnez-moi l’expression – et décidez, en l’absence d’accord, d’instaurer une taxe à l’échelle nationale ! Je vous en félicite et vous en remercie ! Il y aura désormais une jurisprudence Bruno Le Maire. Quand un ministre ou une ministre viendra nous expliquer qu’on ne peut rien faire au motif que la bonne échelle est celle de l’Union européenne, nous lui rappellerons – je serai le premier à le dire – que c’est faisable.
Cela étant, sans revenir sur tous les arguments développés par mon collègue Pascal Savoldelli, nous avons matière à débat, monsieur le ministre, puisque de nombreux éléments nous laissent insatisfaits : l’assiette, le seuil, etc. En particulier, nous regrettons que ce ne soit pas les activités qui soient taxées, ce qui crée des disparités y compris au sein même des Gafa. Ainsi, le modèle d’Amazon n’est pas exactement celui de Google : s’agissant des publicités, par exemple, la seconde entreprise sera très ponctionnée, la première beaucoup moins.
Enfin, je profiterai des trente secondes de temps de parole qu’il me reste pour relayer les propos d’un responsable de Google – j’ai effectivement eu l’occasion, avec une délégation du parti communiste, de me rendre dans cette entreprise. À mon grand étonnement, celui-ci nous a expliqué, à la fin de la visite, qu’il était content de recevoir des parlementaires, car il avait un problème à nous soumettre : comme la question des aides publiques fait débat dans la société et que Google pratique déjà l’optimisation fiscale, peut-être n’était-il pas nécessaire que l’entreprise bénéficie du CIR ou du CICE… Ce responsable trouvait cela un peu indécent !
Dès lors – nous avons déjà débattu de la question du conditionnement des aides publiques, notamment du CICE, et vous n’avez jamais voulu me répondre sur ce sujet –, accepteriez-vous que des grandes entreprises comme les Gafa, puisqu’elles le souhaitent, puissent rendre les aides publiques qu’elles ont perçues. C’est une proposition dont nous pourrions discuter et, monsieur le rapporteur, nous pourrions même envisager un amendement en ce sens à l’occasion de l’examen du prochain budget de la France. J’y insiste, cette question, qui est une véritable question, a été soulevée, non pas par nous, mais par les représentants de Google en France.