Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 21 mai 2019 à 15h00
Création d'une taxe sur les services numériques — Article 1er, amendement 64

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Que l’on ne se méprenne pas : la commission soutient cette taxe. Preuve en est, son avis sera favorable sur l’amendement n° 64, tout juste défendu par M. le ministre, qui propose un certain nombre de mesures techniques, plutôt que le report de la taxe. Néanmoins, ce dispositif n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés juridiques.

M. le ministre l’a reconnu très volontiers : nous serons le premier pays à instaurer cette taxe. Elle a été envisagée par l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre, autant de pays qui ne l’ont pas mise en place. Il faut donc être extrêmement prudent en la matière. À ce titre, je vous rappelle que nous avons aussi été le premier pays à mettre en place la taxe de 3 % sur les dividendes, et on a bien vu ce que cela nous a coûté ! Nous avons été le premier pays à mettre en place une taxe à 75 % sur les revenus salariaux, et on a bien vu ce que le Conseil constitutionnel en a pensé !

Vraiment, la prudence s’impose. Une taxe qui, miraculeusement, toucherait environ trente sociétés, en épargnant pratiquement toutes les sociétés françaises, me conduit forcément à me poser certaines questions, en particulier sur les réactions au plan européen. C’est la raison pour laquelle un amendement présenté ultérieurement tendra à notifier cette taxe auprès de la Commission européenne pour vérifier si ce n’est pas une aide d’État. Il s’agit bien, en procédant de la sorte, non pas de reconnaître de fait que cette taxe en est une, mais de sécuriser le dispositif sur le plan juridique. La pire situation serait effectivement celle dans laquelle nous devrions avoir à procéder à des remboursements. Je peux citer des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne considérant que la taxe pourrait être discriminatoire dans la mesure où, en pratique, elle ne s’appliquerait à quasiment aucune société française.

Mon souhait n’est pas de contrecarrer la taxe ; j’entends la sécuriser afin de ne pas nous retrouver à devoir rembourser les sociétés, comme cela nous est arrivé pour la taxe de 3 % sur les dividendes. À l’époque, tout le monde nous a expliqué que cette taxe était merveilleuse ; quelque temps plus tard, on est venu nous dire que cela ne fonctionnait pas et qu’il fallait rembourser les sommes perçues ! Cela explique que je propose un certain nombre de sécurités juridiques.

Pourquoi la commission a-t-elle souhaité limiter cette taxe dans le temps, en ciblant les années 2019, 2020 et 2021 ? Nous avons acquis la conviction que cette mesure était nécessaire en préparant l’examen de ce projet de loi, notamment au travers de l’audition des représentants de l’OCDE.

Pour le coup, dans ce cadre, les négociations progressent. L’Europe – les représentants du groupe CRCE y ont fait allusion – n’est plus le niveau auquel il faut travailler : les discussions ont échoué, et des oppositions ont été très clairement exprimées par certains pays, comme le Danemark ou la Suède. En revanche, on a pu constater que, dans le domaine fiscal – je pense, par exemple, à la question du secret fiscal –, c’est chaque fois au niveau de l’OCDE que les dossiers progressent. Or, le meilleur moyen de faire progresser le présent dossier, c’est sans doute de se donner un délai court et d’indiquer clairement que nous souhaitons aboutir avant 2021. Si, d’ici là, nous échouons, nous pourrons remettre cette taxe en discussion au Parlement, qui pourra toujours la prolonger ou en améliorer le dispositif.

Fixer une échéance ne signifie pas que la taxe disparaîtra en 2021. Cela obligera le Gouvernement à revenir devant le Parlement pour justifier de son extension éventuelle et nous préciser le degré d’avancement des discussions au sein de l’OCDE. Cette solution nous apparaît comme étant la meilleure, et, après discussion avec l’OCDE, c’est sans doute le meilleur moyen de mettre la pression sur nos partenaires.

En conséquence, au motif qu’ils vont à l’encontre de cette position de la commission, nous demandons le retrait de tous les amendements, à l’exception, comme je l’indiquais, de l’amendement n° 64 du Gouvernement. Cet amendement technique permet, effectivement, d’améliorer les conditions d’entrée en vigueur de la taxe.

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