Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 21 mai 2019 à 15h00
Création d'une taxe sur les services numériques — Article 1er

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je voudrais insister sur l’intérêt de ne pas borner le mécanisme fiscal qu’il nous est proposé d’adopter.

J’ai le souvenir d’un débat similaire au cours duquel M. Karoutchi, longtemps représentant permanent de la France auprès de l’OCDE, nous expliquait que, dans le cadre des négociations menées au sein de cette organisation, le fait, pour tel ou tel pays, d’avoir déjà mis en œuvre des dispositions constituait un atout avant que ne soient rendus les arbitrages finaux, fruits d’un rapport de force.

Si, dès le début, nous donnons le sentiment de défendre avec faiblesse notre position, nous donnerons à penser que nous menons la négociation sans certitude. Au sein de l’OCDE, je l’ai dit, celle-ci ne sera pas facile, et quand nous aurons face à nous les Américains, en n’étant que faiblement soutenus par les Européens, je crains même qu’elle n’aboutisse pas. En revanche, si nous établissons un rapport de force positif en créant cette taxe, je reste convaincue que cette décision de la France aura des effets rebonds, si je puis dire, dans d’autres pays, parce que ceux d’entre eux qui approuvaient la position française pourront s’appuyer sur notre décision pour agir.

Par ailleurs, en matière de taxation, on trouve toujours toutes sortes d’alibis : le bon niveau est le niveau non pas français, mais européen ; ou bien alors il faut engager une négociation au sein de l’OCDE. En réalité, c’est que cette impuissance du politique donne un pouvoir de plus en plus fort à ces multinationales. Même si je ne suis pas d’accord avec le niveau de taxation envisagé – je pense qu’on peut aller plus loin, notamment en nous adossant à la directive, mais nous en discuterons –, comme le ministre, je considère qu’il ne s’agit pas d’une aide d’État.

Encore une fois, puisque nous nous adossons à un projet de directive européenne, c’est bien la preuve que cette taxation ne peut pas être assimilée à une aide d’État ! Et la Cour de justice de l’Union européenne ne pourra pas qualifier comme tel un dispositif émanant de la Commission européenne que la France appliquerait de façon unilatérale !

Monsieur de Montgolfier, demander à la Commission d’arbitrer en lieu et place de la France, ce serait un peu diluer notre capacité politique.

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