Comme le ministre l’a rappelé, ce projet de loi est directement issu d’un projet européen.
En mai 2018, le Sénat avait adopté une résolution européenne – approuvée par tous, me semble-t-il – relative à cette taxe sur les services numériques. De fait, ces différents amendements visent soit à en modifier le contour, soit à modifier les seuils de redevabilité.
La commission a préféré, par cohérence, s’en tenir au projet européen, quand bien même celui-ci n’a pas abouti, à savoir 750 millions d’euros de chiffre d’affaires mondial et un champ limité à la valeur créée par les utilisateurs français – le seuil de 25 millions d’euros, cumulatif, diffère quant à lui du projet européen.
La question de l’équité entre le commerce physique et le commerce en ligne n’est pas réglée par ce texte de loi, et c’est là un vrai sujet – pour le coup, je suis d’accord avec le Gouvernement. C’est un problème extrêmement complexe, qui dépasse les seuls impôts nationaux et peut concerner tout aussi bien des impôts locaux, comme la Tascom. Cette dernière frappe aujourd’hui les commerces physiques, mais non les entrepôts, y compris ceux du e-commerce, ni même le e-commerce.
Ce sujet est d’autant plus complexe que le modèle n’est pas unique : certaines enseignes pratiquent aussi bien la vente directe sur place que la vente en ligne ou des modèles mixtes, à savoir vente en ligne et retrait en magasin. Dans ce dernier cas, par exemple, il devient très difficile de définir les périmètres.
Cette question mériterait une approche beaucoup plus globale. Frapper également la vente en ligne, comme le suggèrent les auteurs des premiers amendements, pourrait emporter des conséquences extrêmement importantes pour des enseignes que nous connaissons bien et dont certaines ont su prendre le virage du numérique, ou sont en train de le prendre. Toutes les grandes enseignes réfléchissent à la façon d’assurer à la fois une présence physique sur l’ensemble du territoire et une présence numérique forte.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 37 rectifié, qui vise à élargir l’assiette de la taxe aux services de vente en ligne. Encore une fois, il s’agit d’un sujet important, mais hors du champ de cette taxe, dont nous devons nous efforcer de garder la cohérence.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 27, qui nous semble déjà satisfait : les communications électroniques entrent bien dans le champ de la taxe. Il ne s’agit pas uniquement des communications effectuées via une tablette ou un ordinateur, mais aussi par téléphone.
De même, la commission est défavorable à l’amendement n° 29, qui vise à introduire un critère d’établissement stable. Si nous essayons d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires, ce qui n’est pas forcément le plus satisfaisant, c’est justement parce que nous ne parvenons pas à déterminer ce que serait un établissement stable. Introduire de nouveau cette notion nous semblerait contre-productif.
L’amendement n° 2 rectifié vise à modifier le seuil du chiffre d’affaires en retenant une moyenne sur trois ans. Ce dispositif nous semble incompatible avec celui que nous avons adopté voilà quelques instants, qui limite la taxe pour trois ans : par définition, on ne peut connaître de manière rétroactive le chiffre d’affaires. La taxe serait donc inopérante, raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 52 rectifié, quasiment identique au précédent.
L’amendement n° 53 rectifié reprend le même dispositif, mais sur deux ans. Pour les mêmes raisons, la commission y est défavorable.
L’amendement n° 11 tend à supprimer le caractère cumulatif des deux seuils de 750 millions d’euros et de 25 millions d’euros, ce qui reviendrait à frapper énormément d’entreprises. S’arrêter à 25 millions d’euros de chiffres d’affaires d’activités numériques provoquerait en effet des dégâts considérables.
Il me semble que l’on peut s’accorder sur l’appréciation du Gouvernement : un seuil de 750 millions d’euros ne concerne que des entreprises ayant déjà une taille internationale, et pas forcément françaises. Passer d’un dispositif cumulatif à un dispositif alternatif entraînerait un changement d’assiette considérable. Nous sortirions alors de la logique de la taxe telle qu’envisagée dans le projet européen. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 12 vise à abaisser le seuil de 750 millions à 500 millions d’euros. Je ne vois pas en quoi cela serait plus pertinent, et ce d’autant plus que le seuil de 750 millions d’euros avait été assez largement approuvé. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 13, qui tend à abaisser le seuil du chiffre d’affaires national de 25 millions à 15 millions d’euros.
Toutes les opinions se sont exprimées au travers de ces différents amendements : certains trouvent que la taxe est trop large, d’autres qu’elle ne l’est pas assez… Le choix de la commission est d’en rester à l’équilibre trouvé dans le projet européen, aujourd’hui repris par le Gouvernement. Le sujet est extraordinairement complexe et assez incertain sur le plan juridique. La France fait office de précurseur en la matière.