Intervention de François Bonhomme

Réunion du 27 mai 2019 à 21h45
Conservation et restauration de la cathédrale notre-dame de paris — Article 9

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le ministre, cet amendement visant à rétablir la dérogation me semble emblématique de la position d’aventurier équilibriste dans laquelle vous vous trouvez depuis que le Président de la République a fixé un délai de cinq ans pour restaurer la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Cet article confirme qu’aucune circonstance ne saurait justifier une loi d’exception. Par le passé, des chantiers de grande ampleur, comme celui de la cathédrale de Strasbourg, ont été menés sans s’affranchir des règles. On ne sait toujours pas pourquoi vous avez souhaité que l’État se soustraie aux règles qu’il impose à tous les citoyens. Ces règles sont des protections ; s’en affranchir représente un véritable danger et constitue un fâcheux précédent au regard des futures opérations de rénovation et de reconstruction.

Vous êtes resté sourd aux interpellations de tous ceux qu’inquiète votre volonté de passer outre le code du patrimoine, le code de l’urbanisme, le code de l’environnement, le code de la construction et de l’habitation, le code de la commande publique, le code général de la propriété des personnes publiques, au seul motif d’accélérer la restauration pour tenir les délais présidentiels. Le calendrier de la restauration a été calé sur les jeux Olympiques de 2024, sans que l’on comprenne pourquoi. Aucune échéance n’a jamais été imposée pour la construction d’un monument ! Peut-être le Président de la République a-t-il cédé à l’émotion, oubliant au passage que le temps du patrimoine n’est pas celui des hommes.

La méthode, quant à elle, est pour le moins cavalière et trompeuse pour le Parlement. J’ai ainsi appris vendredi dernier, à l’occasion de l’attribution du prix Pritzker, que le Président de la République souhaitait désormais que le concours d’architecture soit étendu aux abords, c’est-à-dire, excusez du peu, au parvis, au jardin, au square… Vous cherchez donc à étendre le champ des dérogations prévues pour la cathédrale elle-même aux abords de celle-ci, en vous affranchissant, le cas échéant, des règles relatives à l’archéologie préventive. Il s’agit là d’une attitude désinvolte, d’une démarche « précipitée et indécente », a dit Alexandre Gady, spécialiste de l’architecture, traduisant un besoin infantile que l’on rencontre parfois chez certains dirigeants, pourtant démocratiques, de laisser une marque derrière eux, marque qui peut se transformer en stigmate une ou deux générations plus tard.

Votre attitude me paraît contradictoire avec votre intention déclarée de conforter l’unité nationale qui s’était fait jour dans les heures ayant suivi l’incendie. Malheureusement, vous faites prendre un risque à notre pays avec cette loi d’exception, car vous n’avez pas le droit à l’erreur au regard d’un tel enjeu. Il ne reste plus qu’à allumer un cierge en priant pour que ce risque ne se réalise pas !

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