Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 juin 2019 à 9h10
Proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

La proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales a été déposée en juillet 2018 par notre collègue Nathalie Delattre. Observant que plusieurs dizaines de médiateurs avaient déjà été institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, et constatant une attente renouvelée de plus de proximité de la part de nos concitoyens, Mme Delattre a voulu par ce texte encourager le développement de ce mode alternatif de règlement des litiges.

L'objectif est double. D'une part, il s'agit d'imposer l'institution d'un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. D'autre part, ce texte crée un cadre juridique propre à cette catégorie de médiation.

La médiation a pour objet principal de prévenir la judiciarisation des litiges. Elle fait intervenir un tiers, le médiateur, qui s'efforce de proposer aux deux parties une solution de leur différend, qu'elles sont ensuite libres d'accepter ou non. Le médiateur n'est pas investi du pouvoir d'imposer sa décision comme l'est le juge.

Les collectivités territoriales sont libres de mettre en place des médiateurs institutionnels pour résoudre à l'amiable les différends avec leurs administrés. L'association des médiateurs des collectivités territoriales estime à soixante le nombre de médiateurs existant aujourd'hui, et leur action est ressentie plutôt positivement.

Pour autant, dans le silence des textes, leurs modalités de nomination diffèrent : ils peuvent être nommés pour une durée qui coïncide avec la durée du mandat électoral, certains élus ou fonctionnaires sont médiateurs de leur propre collectivité... La plupart des médiateurs subordonnent en outre leur saisine à l'exercice préalable d'un recours gracieux ou hiérarchique auprès de l'administration.

Le droit en vigueur offre aussi plusieurs autres formes de médiation pour prévenir la judiciarisation des litiges entre les collectivités territoriales et leurs administrés. Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, peut être saisi pour tout litige résultant du fonctionnement des collectivités territoriales portant atteinte aux droits et libertés d'une personne. La médiation administrative, rénovée en 2016, offre aussi aux collectivités territoriales un moyen alternatif de règlement de leurs litiges. Enfin, le régime de la médiation de la consommation, issu du droit de l'Union européenne, est également applicable aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre d'un service public industriel et commercial considéré comme un service marchand.

Considérant l'attente de proximité de la part de nos concitoyens, mais aussi compte tenu du droit en vigueur, j'ai cherché, avec Nathalie Delattre, à trouver un consensus sur ce texte. Nous sommes convaincus que les collectivités territoriales ont tout intérêt, lorsqu'elles en ont la possibilité, à instituer un médiateur territorial. Nous voyons ce dernier comme le régulateur bienveillant, et parfaitement adapté au niveau local, des aléas de la vie administrative.

Dès lors, en accord avec Nathalie Delattre, nous souhaitons encourager le recours aux médiateurs territoriaux sans l'imposer, tout en clarifiant le cadre juridique dans lequel ils opèrent. Je vous propose neuf amendements à cet effet, dont sept à l'article 1er, qui est le coeur de la proposition de loi.

Je ne souhaite pas accroître inutilement les charges des collectivités territoriales, et préfère leur laisser la liberté de choisir ou non d'instituer un médiateur territorial. Je vous propose donc de supprimer l'obligation prévue dans le texte initial.

Je vous propose ensuite de saisir l'opportunité de créer un socle de règles communes facilitant l'action du médiateur territorial, tout en l'articulant mieux avec le droit en vigueur. La proposition de loi donne compétence au médiateur territorial pour les litiges relevant des domaines de compétence de la collectivité territoriale ou du groupement qui l'a institué, ce qui est logique. Je vous propose toutefois d'exclure de son champ de compétences les litiges avec une autre personne publique, les litiges de nature contractuelle et les litiges internes relevant de la gestion des ressources humaines. Le texte initial n'excluait que cette dernière catégorie de litiges. L'exception contractuelle permet d'exclure formellement les litiges relevant des dispositions du code de la commande publique et ceux relevant de la médiation de la consommation, ce qui est plus avisé et plus clair. Le texte inclurait bien les litiges entre un usager et une personne chargée d'une mission de service public par la collectivité territoriale ou le groupement, lorsqu'ils ne relèveraient d'aucune des catégories précédemment exclues. Enfin, je vous propose de faire du médiateur territorial le correspondant du Défenseur des droits, pour assurer la complémentarité de leur action sur le terrain.

Je vous propose ensuite de compléter les garanties entourant la nomination et l'exercice des fonctions du médiateur territorial. La proposition de loi rend incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec celles d'élu ou d'agent de la même collectivité territoriale, ou du même groupement. Un de mes amendements complète ce régime en prévoyant une incompatibilité identique pour les élus ou agents des groupements dont serait membre une collectivité territoriale qui nommerait un médiateur.

Je vous propose aussi de compléter le principe d'indépendance du médiateur territorial fixé par le texte initial en soumettant l'exercice de ses fonctions aux conditions prévues à l'article L. 213-2 du code de justice administrative : impartialité, compétence, diligence - et confidentialité de la médiation, tant pour lui que pour les parties.

Je vous propose également de clarifier le régime procédural de la médiation territoriale, en donnant notamment à la saisine du médiateur territorial les mêmes effets juridiques que ceux prévus à l'article L. 213-6 du code de justice administrative : interruption des délais de recours contentieux et suspension des prescriptions.

Dans le même esprit, seraient rendus applicables à l'accord résultant de la médiation territoriale d'autres principes prévus dans le code de justice administrative, notamment celui selon lequel le juge peut toujours homologuer un tel accord et lui donner force exécutoire. Serait toutefois supprimée la faculté d'auto-saisine du médiateur territorial. J'estime en effet inopportun que ce dernier se prononce sur des litiges individuels sans même avoir l'accord de l'administré ou de l'administration en cause.

Je vous propose aussi de supprimer le renvoi au pouvoir réglementaire, considérant que, le législateur définissant les principes de l'action du médiateur territorial dans la loi, il est souhaitable de laisser aux collectivités la liberté de prendre ensuite les mesures qu'elles jugeront utiles pour la mettre en oeuvre.

Enfin, faisons preuve de souplesse dans l'application de la loi dans le temps en adoptant des dispositions transitoires pour les médiateurs déjà en place : je vous propose qu'ils disposent de quatre années pour se conformer à la loi.

- Présidence de M. Philippe Bas, président - 

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