Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 5 juin 2009 à 9h30
Réforme de l'hôpital — Article 22

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Claude Jeannerot, inscrit sur cet article, mais retenu par des engagements pris de longue date, et qui m’a chargé de vous transmettre ces quelques réflexions.

Madame la ministre, nous ne pouvons que saluer votre volonté d’inscrire enfin l’éducation thérapeutique dans la loi française. Votre démarche est cohérente et répond à la définition que l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, donnait en 1998 de l’éducation thérapeutique, qui « a pour objet de former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir-faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle optimal de sa maladie ».

L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu qui fait partie intégrante des soins médicaux. Elle comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage et le support psychosocial, tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants. L’enjeu de l’éducation est important, puisque 8 millions de Français sont pris en charge par le régime général de l’assurance maladie pour des affections de longue durée.

Aujourd’hui, des associations de malades entourent déjà ces patients, mais il est indispensable qu’elles puissent bénéficier d’un financement pérenne plutôt que de se demander, tous les ans, si leur budget sera reconduit.

En 2007, les affections de longue durée représentaient 65 % des remboursements de l’assurance maladie. Le nombre de personnes en affection de longue durée augmente actuellement de 4 % par an, ce qui représente près de 10 millions de personnes, auxquelles il convient d’ajouter les 18, 5 millions de personnes qui souffrent d’une maladie chronique, soit, au total, plus de 28 millions de personnes, c'est-à-dire 44 % de la population.

Les programmes d’éducation thérapeutique ont une influence essentielle sur l’accompagnement des malades et la maîtrise de la consommation médicale. Or, accentuer la prévention est le moyen de réduire les dépenses pour les traitements médicaux. Le projet de loi reconnaît leur importance, mais ne définit ni les programmes ni les financements.

Les textes proposés par la commission pour les articles L. 1161-2 et L. 1161-3 du code de la santé publique prévoient que le contenu des programmes d’éducation thérapeutique du patient et les actions d’accompagnement seront définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Nulle trace donc de la politique que vous souhaitez mener dans ce domaine !

J’ajoute que nous sommes également préoccupés par l’absence de dispositions précises concernant la formation et les compétences requises pour délivrer une éducation thérapeutique de qualité.

Le texte proposé par la commission pour l’article L. 1161-1 du code de la santé publique dispose que « les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient sont déterminées par décret ». Or, compte tenu de l’importance du sujet, du retard pris et du déficit global qu’accuse notre pays en matière de prévention, il nous semble important que le Parlement ne soit pas dessaisi de ces questions. Qui sera habilité à dispenser l’éducation thérapeutique? Sur la base de quelles compétences ? Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ces questions, qui, en tout état de cause, exigent que le Parlement soit consulté et puisse en débattre ?

Nous nous félicitons de constater que ce texte affirme, dès le départ, que l’éducation thérapeutique du patient fait partie de la prise en charge de celui-ci et de son parcours de soins. Le problème, c’est de mettre ces déclarations positives en pratique. À cet égard, nous avons quelques préoccupations.

À l’hôpital, comme en ville, les pratiques éducatives ne peuvent être rémunérées par le seul paiement à l’acte. À l’hôpital public, le rythme imposé par la T2A, la tarification à l’activité, et le désengagement financier de l’État a réduit les crédits et le temps dédié à la prévention.

La T2A implique une recherche de la rentabilité qui ne peut que nuire à la prévention, puisque ce sont les activités de l’hôpital qui déterminent ses ressources. Les difficultés sont du même ordre pour la médecine de ville, puisque le temps que les médecins consacreraient à l’éducation thérapeutique diminuerait d’autant celui qu’ils consacrent aux soins. Demander à des médecins de dégager du temps pour faire de l’éducation thérapeutique, c’est leur demander de diminuer le nombre de leurs actes, et donc d’amputer leurs revenus, ce qui est irrecevable.

Quelles sont vos propositions pour encourager les médecins à faire de l’éducation thérapeutique ? Ne pourrions-nous pas nous inspirer des préconisations issues des États généraux de l’organisation de la santé, tendant à élaborer un mode de rémunération complémentaire ?

Madame la ministre, nous n’émettrons pas de critiques sur cet article, mais nous souhaitons vraiment que les différents éléments de l’éducation thérapeutique soient mis en valeur, soutenus et financés.

Il faut encourager et développer cette approche qui conjugue plusieurs aspects, tels que l’éducation du patient pour sa santé, l’éducation du patient à sa maladie et les actions d’éducation liées au traitement préventif et curatif.

Pour garantir une éducation thérapeutique de qualité, il est primordial que le patient soit préservé de tout contact de nature promotionnelle, comme le souligne le rapport de l’IGAS de décembre 2007 consacré à « l’encadrement des programmes d’accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques ».

Le président Obama est en train de réformer le système américain en s’inspirant de notre modèle ; nous ne devrions pas essayer d’américaniser le fonctionnement de notre système, alors même que nous avons pu voir les effets catastrophiques du leur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion