Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 13 juin 2019 à 9h30
Politique générale — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

Monsieur le Premier ministre, hier et aujourd’hui, je vous ai bien écouté, et je crains que vous n’ayez oublié la crise sociale qui traverse notre pays.

Le Président de la République nous avait dit que rien ne serait plus comme avant. Il avait évoqué la France divisée et appauvrie qu’il avait découverte au gré de son tour de France, à l’occasion du grand débat. Vous nous aviez parlé, ici même, des leçons à tirer de la crise des « gilets jaunes » – deux mots que vous n’avez d’ailleurs pas prononcés hier lors de votre discours devant l’Assemblée nationale.

Nous n’étions pas d’accord sur les remèdes, mais des constats étaient partagés. Aujourd’hui, tout cela semble oublié dans la présentation de votre action politique des prochains mois : l’acte II est annoncé comme si la crise sociale n’avait été qu’un entracte après l’acte I. Vous êtes remonté sur votre nuage de certitudes…

Hier comme aujourd’hui, nous attendions un projet social pour la France, un contrat social pour les Français. C’est ce que demande avec constance mon groupe depuis le mois de décembre, notamment dans cet hémicycle. Or ce projet social d’envergure, nous ne le voyons toujours pas venir.

Vous auriez pu venir nous expliquer que la réforme des retraites se ferait dans un esprit de justice sociale et qu’aucun report de l’âge de départ à la retraite, sous quelque forme que ce soit, n’est envisagé. Nous aurions alors entrevu une remise en question de vos choix antérieurs.

Au lieu de cela, en contradiction avec le discours tenu par Jean-Paul Delevoye depuis des mois, nous voyons poindre une réforme paramétrique. Le tour de passe-passe de l’âge pivot ou de l’âge d’équilibre à 63, 64 ou 65 ans revient de fait à contraindre les personnes aux revenus faibles, ceux qui ont souvent les métiers les plus pénibles et répétitifs, à retarder leur départ à la retraite pour maintenir leur revenu à un niveau décent.

Pendant ce temps, les personnes les mieux rémunérées pourront capitaliser pour s’assurer des revenus complémentaires de retraite et choisir de partir avant l’âge pivot en compensant le nouveau malus que vous vous apprêtez à créer.

Je le répète : instaurer un nouvel âge pivot n’entraînera le report de l’âge de départ à la retraite que des plus faibles revenus ! Avec cet âge pivot, vous allez contraindre les moins riches à travailler plus longtemps, tout en laissant le choix aux plus riches de poursuivre ou non.

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