Il s’agit aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi visant à favoriser le développement des médiateurs territoriaux, qui a été déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe du RDSE. À cet égard je tiens à remercier Nathalie Delattre, qui est à l’origine de cette proposition de loi, pour le travail mené sur ce texte ; nous avons eu l’occasion, cela a été souligné, d’échanger régulièrement en amont, pour le faire évoluer de manière constructive.
Les travaux de la commission des lois, monsieur le rapporteur, sont allés en grande partie dans le bon sens, laissant davantage de libertés aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Nous y reviendrons plus en détail dans un instant.
À l’origine de cette proposition de loi se trouve un constat que vous avez dressé, madame Delattre, à partir de l’exemple vertueux de la ville de Bordeaux, laquelle a institué un médiateur territorial pour prévenir la judiciarisation – parfois excessive – de certains différends.
Pour faire simple, face à un différend, les deux parties peuvent saisir un médiateur, qui leur propose alors une solution, qu’elles sont évidemment libres d’accepter ou non. De telles pratiques sont bien connues dans le cadre du droit des entreprises.
Plusieurs collectivités ont déjà mis en place un médiateur. En effet, sur le fondement des données de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales, on peut estimer à environ une cinquantaine le nombre total de médiateurs existants dans les collectivités territoriales et les EPCI.
L’objectif qui se trouve derrière cette proposition de loi est évidemment louable, puisqu’il s’agit de développer et de généraliser de bonnes pratiques, qui permettent parfois de répondre à un besoin de proximité exprimé par nos concitoyens.
Pour ce faire, vous avez articulé votre texte autour de deux grands axes.
Le premier vise à instituer obligatoirement un médiateur territorial dans les communes de plus de 60 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, les conseils départementaux et les conseils régionaux.
Le second tend à fixer un cadre clair à l’intervention du médiateur territorial et à son statut.
Nous avons échangé avant l’examen du texte en commission des lois, et je vous l’avais dit : dans sa version initiale, celui-ci comportait quelques écueils – j’emploie ce terme avec bienveillance.
Je reviens quelques instants sur la rédaction initiale. Dans celle-ci, il était prévu d’obliger certaines collectivités et leurs groupements à instituer un médiateur territorial. L’adoption d’une telle disposition aurait créé une contrainte nouvelle, alors même – vous avez l’habitude de me l’entendre dire ici, mesdames, messieurs les sénateurs – que le Gouvernement s’est fixé un objectif d’allégement et de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, notamment aux communes.
Lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier, le Président de la République a été clair sur la place et le rôle des maires au sein de la République, ainsi que sur sa volonté de faciliter l’exercice de leur mandat.
Comme vous le savez, et comme le Premier ministre l’a indiqué ce matin même, je porterai prochainement un projet de loi structuré autour des thématiques de l’engagement et de la proximité, et articulé autour du parcours de l’élu local.
Il s’agira de répondre à plusieurs interrogations. Avant l’élection : comment encourager les citoyens à s’engager dans un mandat local ? Pendant le mandat : comment rendre plus facile le quotidien de celles et ceux qui se sont engagés – en clair, comment ne pas les décourager ? Enfin, après le mandat : comment remercier ceux qui se sont engagés et les accompagner dans leur reconversion ? C’est toute la question des modalités selon lesquelles la République peut apprendre à remercier celles et ceux qui l’ont servie.
Pour avoir accompagné le Président de la République lors des 96 heures de débats qu’il a eues avec plus de 5 000 élus locaux, je puis vous dire que le message exprimé par les maires était limpide : « Faites-nous confiance et cessez de nous imposer des normes ! »
L’obligation figurant dans la proposition de loi initiale allait donc à contre-courant, à la fois, de ce que les élus locaux disent sur le terrain et de ce que de nombreux sénateurs défendent ici, notamment dans le cadre de textes que nous avons examinés ensemble récemment. On peut, à ce titre, se référer à la proposition de loi instituant des funérailles républicaines.
Je remercie donc le rapporteur, tout autant que Mme Delattre, d’avoir déposé et fait adopter un amendement en commission tendant à rendre optionnelle, pour toutes les collectivités et leurs groupements, l’instauration de ce médiateur territorial.
Par ailleurs, cette proposition de loi fixe un cadre très précis au médiateur territorial. Actuellement, il n’y a pas de règles en la matière. Votre texte, madame Delattre, vient donc pallier ce que vous considérez, aujourd’hui, comme un manque, en proposant un socle de règles communes. Cela signifie donc que les règles seront les mêmes, que l’on parle d’une petite commune rurale ou d’une grande ville comme Bordeaux.
Je vous l’avais expliqué, si je comprends votre souhait de donner un cadre global, légitime et visible à cette fonction de médiateur territorial, tel que le texte est en ce moment encore rédigé, avant l’exercice du pouvoir d’amendement des sénateurs, on perd toute possibilité d’adaptation aux particularités d’une commune ou d’un EPCI. Il faut peut-être, là aussi, commencer à faire vivre la notion de « différenciation territoriale » dans les textes.
La crainte du Gouvernement – exprimée, de nouveau, avec bienveillance – est finalement que cette proposition de loi ne vienne rigidifier l’instauration d’un médiateur, voire la freiner dans certaines collectivités disposant de moyens modestes.
Je vais en donner quelques exemples.
Tout d’abord, qui peut devenir médiateur territorial ? À l’article 1er, il est prévu que le médiateur ne puisse exercer une fonction publique élective ou être un agent de la collectivité ou du groupement, ou d’une collectivité appartenant audit groupement.
Évidemment, l’idée, très légitime, est d’éviter que le médiateur ne soit juge et partie. Sauf que certaines collectivités ont déjà choisi d’avoir un médiateur élu. Et c’est parfois aussi le gage de la proximité, car l’élu connaît la collectivité, mais aussi les citoyens. Ce lien peut être utile dans de petites communes.
Il est à noter que le texte prévoit que le médiateur territorial soit le correspondant du Défenseur des droits : cette notion, intéressante, mérite d’être définie plus précisément, tout comme l’articulation avec les services du Défenseur des droits, dont l’organisation et le fonctionnement, il faut le rappeler, relèvent de la loi organique.
Ensuite, qu’en est-il de la durée de la fonction ? Celle qui a été retenue est de cinq ans, renouvelable une fois et non révocable. Pourquoi pas, mais – cela n’aura échappé à personne dans cet hémicycle – cette durée de cinq ans n’est pas alignée sur la durée du mandat municipal. N’y a-t-il pas là le risque de contraindre la collectivité ?
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, je pose beaucoup plus de questions que je n’en résous dans mon propos, ce qui montre ma position bienveillante à l’égard de ce texte.
Des collectivités ont développé des formules diverses. Les faire entrer dans un cadre rigide contraignant, uniforme au plan national ne nous paraît pas souhaitable. Je formule le vœu, en tout cas, que nous tenions compte de ce point dans nos débats.
Je vous avais proposé, madame la sénatrice, de réfléchir à une articulation pour éviter d’imposer un tel cadre uniforme à des plus petites communes. Je sais que les délais d’examen étaient contraints et que le temps vous a sûrement manqué pour creuser la question. Cela étant, les travaux en commission ont déjà permis de faire évoluer le texte, et cette évolution mérite d’être saluée.
Aussi, d’après moi, ce texte mériterait d’être encore travaillé, comme nous nous apprêtons à le faire. Nous devons réfléchir ensemble aux éventuels effets de bord qu’il pourrait créer sur le terrain, notamment en termes de rigidité et d’obligation.
Cette proposition de loi constitue, en tout cas, une base extraordinairement intéressante de travail, en vue du projet de loi à venir. Je m’en remettrai donc, toujours avec bienveillance, à la sagesse du Sénat quant à son adoption.
Je ferai donc de même que pour la proposition de loi du sénateur Pierre-Yves Collombat et des membres de son groupe, texte qui a été examiné hier : j’entends me servir, au sens noble du terme, des travaux menés au Sénat et m’en inspirer avant la présentation devant le conseil des ministres du projet de loi qui sera construit autour de l’engagement et de la proximité.
Tous les éléments qui donneront lieu au consensus le plus large possible seront utilisés pour élaborer ce texte, qui sera soumis, au mois de septembre prochain, à votre examen.