Intervention de François Bonhomme

Réunion du 18 juin 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Discussion générale

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le secrétaire d’État, nous voilà enfin parvenus à la discussion de ce projet de loi de transformation de la fonction publique, et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous avez annoncé la couleur : transformer la fonction publique, fichtre ! On peut dire que votre texte affiche une ambition qui n’est pas mince !

Transformer la fonction publique, cela signifie faire évoluer les situations, les pratiques et le quotidien de près de 5, 5 millions d’agents publics en France. Cela implique aussi d’améliorer le recrutement, la formation et le déroulement des carrières. Cela signifie, enfin, se pencher sur les principes déontologiques qui organisent la fonction publique. En somme, il s’agirait de réinventer celle-ci sans revenir sur la tradition française du service public et sur les grandes lois statutaires de 1983 et 1984.

Vous affirmez que votre projet de loi parvient à cet équilibre, qu’il transforme la fonction publique sans en renier les fondements, voire même qu’il « refonde le contrat social » qui lie les agents au service de notre pays. Qu’en est-il de la réalité de ces dires ? Devant le bric-à-brac de mesures contenues dans le présent texte, on cherche en vain une vision d’ensemble.

Le président de la commission des lois, Philippe Bas, avec le sens de la formule et de la litote qui lui est propre, évoquait une « boîte à outils » ! Cette métaphore traduit le caractère désordonné et parfois hétéroclite du projet de loi.

Sans prétendre à l’exhaustivité, je reviendrai sur quelques-unes de ces mesures.

En premier lieu, il me semble qu’un certain nombre de dispositions répondent aux attentes des employeurs territoriaux et vont dans le bon sens.

Faciliter le recrutement de contractuels, notamment dans les plus petites des collectivités territoriales, donnera une souplesse de gestion grandement attendue par les élus locaux.

Si j’étais malicieux, je dirais que nous aurions été curieux de savoir ce que, encore député de l’« ancien monde », vous auriez pu en dire… Comme il faut être bienveillant – et nous le sommes –, je préfère saluer votre souplesse et votre agilité, qui ne sont pas anecdotiques, ainsi que la vivacité avec laquelle vous défendez une telle disposition. Disons que cela relève des mystères de la conversion ! L’engagement politique comporte sa part d’énigme, il faut le reconnaître.

Cela confirme au moins que ce sont souvent les plus fraîchement convertis à une cause nouvelle qui se révèlent parfois les plus fervents et les plus ardents pour la défendre.

Je retiens également un intéressement croissant des fonctionnaires à l’activité de leur service, qui me semble constituer une évolution positive, au même titre que l’harmonisation du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, j’espère que la fusion de la HATVP et de la commission de déontologie de la fonction publique, fruit des travaux de l’Assemblée nationale, pourra favoriser la diffusion, toujours plus large, d’une culture de la déontologie dans la fonction publique.

Enfin, le projet de loi comporte des mesures intéressantes relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qu’il nous faut saluer, ainsi que des mesures en faveur des personnes handicapées.

Je note au passage que ces dispositions ont été significativement améliorées par des amendements de nos collègues Catherine Di Folco et Didier Marie, qui ont repris les préconisations de leur récent rapport d’information intitulé Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique. Je souhaite que ces éléments trouvent leur place dans le texte final.

Réformer la fonction publique est utile et même nécessaire. J’espère que la discussion de ce projet de loi fera émerger des voies et des outils concrets pour cela. Car il faut que ce texte améliore très concrètement la qualité des services rendus par les administrations aux Français, en particulier dans les territoires, tout en offrant aux agents publics une plus grande fluidité de leurs parcours.

Cela étant dit, sans céder au pessimisme, je n’attends pas de ce texte le changement profond que nos concitoyens souhaitent. Un certain nombre de questions demeurent en effet. Par exemple, quelles missions doivent être remplies par des fonctionnaires, et quelles missions peuvent l’être par des agents contractuels ?

Recourir de manière accrue aux contractuels peut certainement présenter un intérêt. Mais le faire sans l’inscrire dans une démarche plus cohérente revient à prendre le risque du désordre dans les services et de l’incertitude sur la maîtrise des masses financières en jeu.

Une telle démarche impliquerait aussi un travail plus approfondi sur les modalités de recrutement et des concours. Or le projet de loi n’offre pas de réflexion globale satisfaisante sur ces sujets cruciaux. On n’y retrouve guère les ambitions d’une réforme politique d’ampleur. Au lieu de cela, ce texte privilégie un chapelet de mesures techniques qui ne sont parfois pas sans contradiction entre elles. Cette situation laisse craindre une occasion manquée, même après quinze mois de discussions entre le Gouvernement et les représentants des agents publics.

Enfin, on reste sceptique devant votre projet de recourir aux ordonnances. Monsieur le secrétaire d’État, était-il nécessaire de remettre à une ordonnance d’importants éléments de réforme du recrutement et de la formation des hauts fonctionnaires, avant même la publication du rapport Thiriez ?

Sur un sujet aussi important que celui de l’avenir de la fonction publique, il serait préférable de se borner à recourir aux ordonnances dans les cas spécifiques où leur plus-value paraît incontestable.

Par exemple, on ne peut qu’accueillir favorablement la codification, par ordonnance et à droit constant, du droit de la fonction publique.

On pourra toujours considérer que ce projet de loi a le mérite de mettre le sujet de la fonction publique sur la table, et, conformément à ses habitudes, le Sénat s’efforcera d’apporter une contribution riche et utile.

À ce titre, je tiens à saluer tout particulièrement le travail considérable des rapporteurs de la commission, Catherine Di Folco et Loïc Hervé. Ceux-ci ont fait œuvre d’orfèvre, afin d’améliorer le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Leur attention s’est notamment portée vers les enjeux locaux, comme les conditions de la mobilité des personnels vers les polices municipales.

Nous restons donc sur notre faim, même si nous nous efforcerons d’être une force de proposition agissant en faveur d’une réforme réelle de la fonction publique, afin de pouvoir aboutir à un texte qui soit véritablement une amélioration.

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