Je remercie le président Hervé Marseille d’avoir entendu le besoin des sénateurs frontaliers de s’exprimer. J’associe à mes propos nos collègues Sylvie Vermeillet, du Jura, Jean-François Longeot, du Doubs, Jean-Marie Bockel et Claude Kern, d’Alsace, Jean-Marie Mizzon, de la Moselle.
Je veux tout d’abord me réjouir que l’approbation de ces accords-cadres, signés en 2016, au terme de négociations menées depuis 2014, puisse connaître une nouvelle étape devant le Parlement. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour nos concitoyens, comme pour les élus de nos territoires, à laquelle il est urgent de répondre.
Ce texte jette les bases d’une nouvelle échelle de coopération. Bien que de portée générale, il constitue un signal politique fort qui, je le souhaite, permettra ensuite, grâce à des volontés politiques locales, de dépasser tous les obstacles et toutes les réticences administratives, de part et d’autre de nos frontières.
Nos concitoyens doivent pouvoir accéder plus facilement et plus rapidement à des soins de qualité au plus près de leur lieu de résidence, qu’il s’agisse de secours d’urgence, de soins programmés ou du traitement de pathologies chroniques. La logique des bassins de vie doit primer. C’est une réalité qui ne se traduit pas encore assez dans les faits en matière de santé.
Vous comprendrez que, sénateur de la Haute-Savoie, élu d’un territoire frontalier, je centre mes propos sur ce territoire.
Il faut savoir que 175 000 Français traversent chaque jour la frontière pour se rendre à leur travail en Suisse, 74 % d’entre eux étant domiciliés en Haute-Savoie.
Nos territoires doivent donc pouvoir relever ce défi de la coopération transfrontalière, pour juguler le risque sanitaire lié aux carences de l’offre de soins.
En effet, la Haute-Savoie doit faire face à de grandes difficultés en la matière. La première est d’ordre démographique, puisque nous connaissons une pénurie massive de professionnels de la santé, nos voisins suisses leur offrant des conditions de travail beaucoup plus avantageuses. Ainsi, 817 médecins français travaillent en Suisse – ce nombre a doublé entre 2008 et 2014 –, et comment ne pas évoquer la situation des autres professionnels de santé, à commencer par les infirmières et infirmiers ?
Le coût de la vie dans nos régions frontalières amplifie largement cette situation qui, en contribuant à un turnover important du personnel, rend complexe la gestion des établissements de santé. Sans prise en compte de la cherté de la vie dans la rémunération du côté français, nous n’apporterons pas de réponse véritablement adéquate et pérenne à cette problématique.
À cela s’ajoute le coût exorbitant des actes de soins pratiqués en Suisse, qui ne facilite pas l’accès de nos concitoyens à leur offre de soins et à un remboursement de la caisse française. Je ne peux passer sous silence ici les nombreux actes médicaux pratiqués en France pour le compte de citoyens suisses qui viennent profiter à la fois de la qualité de notre système de santé et des prix qui y sont pratiqués.
C’est dire l’intérêt pour nous de renforcer la coopération sanitaire entre les deux pays. Développer des synergies dans la médecine de pointe et la recherche pour améliorer les pratiques médicales ; faciliter l’échange d’informations sur les risques sanitaires ; élaborer des réponses aux problèmes d’une démographie médicale et paramédicale insatisfaisante ; favoriser l’échange de bonnes pratiques ; réduire les coûts sociaux en diminuant les distances à parcourir, les déplacements, les interruptions de travail, les durées de séjour hospitalier ; réaliser et mutualiser des diagnostics sur des besoins du territoire pour optimiser les infrastructures médicales et paramédicales des deux versants frontaliers : ce sont là autant d’atouts à déployer.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement veille maintenant à la mise en œuvre rapide de coopérations locales, en adaptant au besoin l’organisation hospitalière sanitaire française aux exigences nouvelles de la coopération entre la France et la Suisse. Comment, par exemple, développer vraiment les partenariats entre les hôpitaux universitaires de Genève et l’ensemble des hôpitaux des deux groupements hospitaliers de territoire de la Haute-Savoie, ainsi d’ailleurs que la coopération entre ces deux GHT ?
Nous avons maintenant la possibilité de faire de nos frontières un outil de solidarité, une ressource pour renforcer les potentialités des territoires et leur attractivité de part et d’autre. C’est au niveau local de viser la complémentarité et non la concurrence, en associant l’ensemble des acteurs. Le travail qui reste à accomplir est immense.