Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen de ce projet de loi autorisant l’approbation de deux accords-cadres de coopération sanitaire transfrontalière. La France a déjà conclu des accords de ce type avec d’autres pays, tels que l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique.
À l’ère de l’ultramobilité et de la dématérialisation des frontières, ces accords permettent des coopérations sanitaires transfrontalières aussi nécessaires qu’attendues, tant par les citoyens français que par les élus.
Je rappelle que, en 2018, l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale avait été repoussé au motif de mettre en place un groupe de travail au sein de la commission des affaires étrangères. Le sujet est important, mais il n’est pas nouveau. Il a donné lieu à des mobilisations sérieuses eu égard à des situations juridiques très complexes pour les ressortissants français.
Ce sont pas moins de 270 000 résidents français qui sont concernés par ces accords. Parmi eux, 93 000 Hauts-Savoyards franchissent la frontière chaque jour. Vous comprendrez ma pleine et entière implication sur ce sujet en tant que sénatrice de la Haute-Savoie.
Nonobstant le caractère international de ce texte, la prise en compte de la dimension territoriale de la problématique est indispensable. Je tiens à saluer le travail réalisé par notre collègue rapporteur René Danesi, issu lui aussi d’un territoire frontalier. Il a parfaitement abordé les enjeux et l’ancrage territorial de la coopération sanitaire transfrontalière. Le Sénat assume pleinement son rôle de défenseur des territoires, et je m’en félicite.
Cependant, ce matin, il ne s’agit pas de nous livrer à une analyse comparée des systèmes de santé et des moyens alloués par la France et ses voisins. Nous savons les différences de conditions d’exercice de la médecine de part et d’autre des frontières ; nous savons les problèmes d’attractivité et de fidélisation des personnes soignants liés à la cherté de la vie dans nos territoires ; nous savons qu’une offre de soins adaptée doit être développée. Nous n’avons pas manqué d’aborder ces sujets récemment, lors de l’examen du projet de loi Santé.
Par ailleurs, nous n’ignorons pas la réalité de la situation en Haute-Savoie. Je sais combien la démographie médicale représente un défi quotidien et une source de préoccupation majeure pour nos concitoyens.
La Haute-Savoie ne fait, hélas, pas exception en matière de pénurie de médecins généralistes et de personnels soignants. Aux contraintes montagnardes s’ajoutent les besoins inhérents au fort dynamisme touristique de ce département. La Haute-Savoie, ce sont en effet 650 000 lits touristiques et deux saisons pendant lesquelles il faut assurer la gestion, l’acheminement, l’accueil et les soins de malades et d’accidentés supplémentaires.
Je profite de cette occasion pour rendre un hommage appuyé à tous les professionnels engagés dans notre département : personnels soignants, sauveteurs, sapeurs-pompiers, gendarmes et policiers. Leur professionnalisme fait notre fierté !
Affichant le taux de croissance démographique le plus élevé de France – c’est une chance autant qu’un défi permanent –, la Haute-Savoie doit répondre aux besoins sanitaires de la population locale, qui gagne chaque année plus de 11 000 habitants, tout en étant capable de gérer les pics d’affluence touristique, été comme hiver, qui nécessitent la mise en œuvre de moyens spécifiques, cela, ne l’oublions pas, dans un contexte budgétaire des plus contraint pour les collectivités territoriales.
Cette situation nous oblige à la plus grande vigilance, à la prévision et à l’anticipation, ici et avec nos collègues députés. Notre responsabilité est d’instaurer le cadre juridique d’une coopération sanitaire permettant tant l’accès aux soins de qualité que la garantie du respect des droits des patients.
Notre responsabilité, ce matin, est de permettre l’adoption d’un cadre législatif cohérent et juste, évitant les écueils susceptibles d’être sources de contentieux judiciaires pour nos compatriotes.
Monsieur le rapporteur, en commission, vous avez annoncé le très prochain règlement des litiges à la suite de l’arrêt du 15 mars 2018 de la Cour de cassation. Les frontaliers français travaillant en Suisse devraient obtenir la restitution des cotisations sociales versées indûment. Cela va dans le sens de l’apaisement.
C’est dans cet esprit que je salue la négociation et l’adoption d’accords-cadres qui constitueront une réelle avancée et permettront une simplification des démarches.
Concrètement, l’accord-cadre avec la Suisse réglera la question du franchissement de la frontière, en vue de la facilitation de la circulation des services de secours. Tant pour les urgences que pour les soins programmés, c’est une excellente chose.
Sur le plan administratif, l’accord-cadre définit la caisse primaire d’assurance maladie de Haute-Savoie comme le seul référent pour les caisses de sécurité sociale suisses. Cet effort de rationalisation est notable, mais il faudra que des moyens d’information suffisants soient déployés pour que les spécificités relatives au droit local puissent être prises en compte.
Cet effort devra également s’accompagner d’une mobilisation et d’une intégration, à terme, des acteurs régionaux.
Enfin, cet accord-cadre a pour objectif ambitieux la mutualisation des savoir-faire, des moyens matériels et humains au bénéfice des patients.
Certes, des efforts resteront à accomplir, et je salue la mise en place de commissions mixtes de suivi prévue par cet accord. Je tiens d’ailleurs à préciser que je partage l’avis du rapporteur : ces commissions ne pourront rester composées uniquement de représentants d’autorités sanitaires. Elles devront être élargies à des acteurs locaux et à des professionnels directement intéressés par cette coopération transfrontalière particulière, dont la réussite reposera sur la proximité et le pragmatisme – deux impératifs pour répondre aux besoins de nos concitoyens.