Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d’abord, de vous transmettre les excuses de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui n’a pu être présente ce matin, car retenue aux côtés du Premier ministre à la réunion du comité interministériel de la transformation publique.
La Haute Assemblée a adopté en première lecture, en novembre dernier, la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, déposée par le groupe du RDSE, dont je salue le président. Nous en débattons aujourd’hui en nouvelle lecture, après l’échec de la commission mixte paritaire réunie le 3 avril dernier.
Le Gouvernement a constaté que, en dépit d’efforts de diplomatie et de dialogue, aucun compromis n’avait pu être trouvé entre les membres de la commission mixte paritaire. C’est dommage, mais c’est ainsi !
Je ne rappellerai pas la genèse du projet de création d’une Agence de la cohésion des territoires, annoncé par le Président de la République en juillet 2017. Je ne referai ni la description de son fonctionnement ni la présentation des bénéfices pour les territoires que nous en attendons tous. Ces sujets ont été abondamment débattus.
La création de l’ANCT marque tout d’abord un changement de méthode au travers de la mise en place d’un outil de coordination des opérateurs de l’État qui constitue, par l’intermédiaire des préfets de département, un guichet unique vers lequel les élus pourront se tourner pour obtenir une aide et un soutien à leurs projets. C’est aussi un changement de méthode en ce qu’elle permet de sortir d’une logique verticale, celle d’un État « prescripteur » qui aménage le territoire sur la base d’appels à projets, pour lui substituer une logique ascendante, celle d’une action de l’État et de ses opérateurs à partir des besoins et projets exprimés et portés par les élus d’un territoire. L’État se met ainsi au service des territoires.
L’ANCT sera également un outil au service de toutes les collectivités, pour tous les territoires, qu’ils soient de métropole ou d’outre-mer, qu’il s’agisse de communes, d’intercommunalités, de départements, de métropoles, de régions ou même de territoires dont les périmètres ne sont pas ceux délimités par les « frontières administratives ».
En l’espèce, nous souhaitons que l’intervention de l’ANCT ne se limite pas aux territoires institutionnels, mais qu’elle profite aux territoires qui portent des projets – je pense aux pôles d’équilibre territoriaux et ruraux, les PETR, aux pays. Cela n’est pas incompatible avec le fait que l’ANCT déploiera prioritairement son action dans les territoires les plus fragiles, là où les moyens manquent le plus pour réaliser des projets et où les besoins en ingénierie, en copilotage, en soutien financier sont les plus forts.
Enfin, l’ANCT apportera une aide sur mesure, en partant des volontés et des besoins locaux. En coordonnant les services et les opérateurs de l’État, l’agence pourra mobiliser et, surtout, fédérer leurs ressources techniques et financières.
Cet appui sera complémentaire de celui que les collectivités territoriales ou le secteur privé peuvent eux-mêmes en apporter. L’ANCT interviendra en complémentarité, et non en concurrence avec les ressources dont disposent les collectivités territoriales et leurs agences locales.
De cette manière, l’intervention de l’agence ne sera pas uniforme : là où il n’y a pas de besoins, là où les élus locaux ne souhaitent pas qu’elle intervienne, elle n’interviendra pas ; là où il y a des besoins, là où les élus le souhaitent, elle apportera un soutien en complément de leurs éventuelles ressources.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte d’initiative sénatoriale a fait l’objet d’une véritable coproduction législative entre les assemblées parlementaires. De nombreux amendements, déposés par plusieurs groupes et adoptés au Sénat et à l’Assemblée nationale, ont apporté des enrichissements en ce qui concerne tant les domaines d’intervention de l’Agence, ses priorités, son mode de fonctionnement que sa gouvernance.
En la matière, j’insiste pour que cet outil soit le plus souple et le plus adaptable possible. Nous y avons tous intérêt si nous souhaitons le succès de la nouvelle agence.
Cela explique pourquoi le Gouvernement s’est montré particulièrement soucieux que les règles de fonctionnement et de composition des comités locaux de cohésion territoriale, dont la Haute Assemblée avait souhaité la création, ne soient pas fixées avec trop de rigidité.
La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales l’a affirmé à plusieurs reprises, et je tiens à le réaffirmer devant vous : la définition de la composition de ces comités sera déterminée au niveau local, en concertation entre préfets et élus locaux. Nous adresserons une circulaire en ce sens aux préfets, pour leur demander d’associer à ces comités, dès lors que leur présence est nécessaire, des acteurs tels que les agences de l’eau ou les comités de bassin. En la matière, le Gouvernement est attaché à ce que la loi laisse la souplesse nécessaire aux intelligences locales pour déterminer le bon format et le bon mode de fonctionnement de ces comités.
S’agissant toujours de la gouvernance, nous connaissons le désaccord entre, d’un côté, le Gouvernement et l’Assemblée nationale, et, de l’autre, la Haute Assemblée à propos des équilibres au sein du conseil d’administration.
En première lecture, vous aviez ainsi souhaité que les représentants des collectivités territoriales disposent de la moitié des sièges dans ce conseil. Je tiens à rappeler que le Gouvernement est tout à fait favorable à ce que les représentants des élus locaux disposent d’une large place au sein du conseil d’administration de cette agence. Cela n’est pas incompatible avec la conservation d’au moins la moitié des sièges pour les représentants de l’État. Au demeurant, un tel équilibre est totalement cohérent, au regard du fait que l’ANCT sera une agence de l’État, composée d’agents de l’État et dont le budget fonctionnera à partir des crédits de l’État. Le principe selon lequel « qui paye décide » doit tous nous guider.
Je tiens également à rappeler que, dans le cadre des discussions qui se sont tenues pour tenter de parvenir à une CMP conclusive, les députés ont fait des pas supplémentaires pour renforcer le poids des élus au sein du conseil d’administration :
Tout d’abord, ils ont fait passer le représentant de la Caisse des dépôts et consignations – la banque des territoires – du côté des représentants de l’État, ce qui a permis de donner un siège supplémentaire aux collectivités.
Ensuite, ils ont proposé de donner aux représentants des collectivités le pouvoir de demander une seconde délibération sur un point inscrit à l’ordre du jour du conseil qui ne leur conviendrait pas.
Toutefois, la Haute Assemblée demandait à ce que cette possibilité de demander une nouvelle délibération soit étendue à l’infini, sous la forme d’une nouvelle délibération permanente : dès lors qu’un point inscrit à l’ordre du jour ne recueillerait pas l’avis favorable d’une partie des représentants des élus locaux, ces derniers seraient fondés à demander, autant de fois qu’ils le souhaiteraient, une nouvelle délibération. Instituer ainsi un pouvoir de blocage permanent ne nous paraissait pas acceptable, car cela aurait, dans les faits, permis à une minorité d’entraver le fonctionnement normal de l’agence.
Cela étant, nous voulons être très clairs sur le point suivant : nous n’imaginons pas un seul instant que l’État, dans le cadre du fonctionnement d’une agence au service des territoires entièrement tournée vers le soutien aux projets locaux, ne recherche pas le consensus le plus large sur les questions débattues au sein du conseil. Nous imaginons encore moins que l’État passe en force sur une question qui ferait l’objet d’un large rejet de la part des représentants des collectivités territoriales.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, attaché au dialogue et à la construction de solutions consensuelles, a soutenu l’introduction par les députés du mécanisme de la seconde délibération, dès lors que celui-ci ne saurait être détourné pour en faire un moyen de blocage. Le Gouvernement présentera donc un amendement visant à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ce point.
C’est sous le bénéfice de ces observations que le Gouvernement vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter la proposition de loi qui vous est soumise en nouvelle lecture, afin que le processus législatif entamé en octobre dernier puisse maintenant aller à son terme dans les meilleurs délais. Le Gouvernement pourra alors passer aux travaux pratiques et mettre très rapidement l’agence en œuvre, au service des territoires et de leurs projets.