Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour examiner les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires.
Alors que la première lecture a permis un travail constructif entre les deux assemblées, une question épineuse les a néanmoins divisées, rendant tout compromis impossible en commission mixte paritaire. Elle demeure en nouvelle lecture : la gouvernance prévue par l’Assemblée nationale pour ce qui a vocation à devenir une agence des territoires, au premier rang desquels les territoires les plus fragiles, ne nous convient pas ; elle ferait de cette énième institution une réponse inadéquate à un problème plus qu’actuel.
Mes chers collègues, où en sommes-nous ? De quoi s’agit-il ?
Si l’Agence nationale de la cohésion des territoires ne constitue pas le remède miracle aux inégalités et disparités territoriales que le mouvement des « gilets jaunes » a mises sur le devant de la scène politique, elle représente bien un premier pas pour y répondre sur le long terme et, en ce sens, les élus doivent y être associés.
Le débat, disais-je, a été constructif entre les deux assemblées : les principaux apports du Sénat, qui visaient à améliorer le fonctionnement de l’institution et à définir son périmètre d’intervention, ont été confortés lors de la première lecture du texte par l’Assemblée nationale.
Toutefois, en ce qui concerne la gouvernance de l’agence, il y a discorde. Alors que le Sénat défendait l’instauration d’une parité, au sein du conseil d’administration, entre les représentants des élus locaux et nationaux, d’une part, et les représentants de l’État, de ses établissements publics et du personnel de l’agence, d’autre part, les députés ont redonné la majorité aux représentants de l’État, contre le souhait exprimé par la Haute Assemblée.
De nouveau, au stade de la commission mixte paritaire, les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord concernant la gouvernance de la future institution, malgré la volonté du Sénat d’aboutir à un compromis.
La Haute Assemblée a proposé un amendement par lequel elle acceptait la représentation majoritaire de l’État au conseil d’administration, à condition que les représentants des élus disposent d’un droit de veto en cas de désaccord des trois quarts d’entre eux avec une décision dudit conseil d’administration.
Nous comprenons très bien pourquoi l’État est réticent à accepter une telle solution de compromis : il revient à celui qui finance de décider. Toutefois, dans le cas présent, à la veille d’un nouvel acte de décentralisation censé ouvrir la voie à la différenciation, pour définir avec chaque territoire une réponse adaptée et sur mesure, il serait inopportun de laisser à l’État seul un pouvoir de décision unilatérale au sein d’une agence conçue pour être au service des collectivités, de leurs projets, de leur cohésion.
En nouvelle lecture, le texte n’a été que peu modifié par l’Assemblée nationale ; les députés ont simplement adopté une dizaine d’amendements rédactionnels ou visant à apporter des précisions juridiques opportunes.
Toutefois, à l’article 3, l’Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à modifier la composition et le fonctionnement du conseil d’administration, ces nouvelles dispositions s’inspirant de la position sénatoriale. Mais ne soyons pas dupes : le dispositif introduit en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale est un ersatz de ce que nous attendons et ne changerait rien au droit de regard réel des collectivités territoriales. Si le dispositif accorde un droit de veto aux élus locaux, celui-ci n’ouvre droit qu’à une seule nouvelle délibération, sans vrai pouvoir de blocage pour les représentants des élus par la suite. Cela traduit un manque de confiance dans les bienfaits de la concertation entre les élus et l’État en vue d’une meilleure cohésion territoriale.
C’est donc très naturellement que notre commission, sous la houlette du rapporteur, Louis-Jean de Nicolaÿ, dont je salue au passage l’excellent travail, a incorporé au texte la solution de compromis que nous avons proposée en commission mixte paritaire.
Le groupe Union Centriste, en cohérence avec la position exprimée par le Sénat depuis le début de l’examen de la proposition de loi, soutiendra donc le texte ainsi amendé. En donnant aux représentants des élus la possibilité de s’opposer à une décision du conseil d’administration à la majorité qualifiée, on ne joue pas le rapport de force : on garantit leur association étroite aux décisions de l’agence, pour que celle-ci puisse véritablement assurer sa mission, à savoir accompagner la logique de projets qui anime aujourd’hui la France rurale et développer dans ce domaine la coordination entre l’État et les collectivités territoriales.