Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, même si l’on peut regretter que la commission mixte paritaire n’ait pu aboutir à un accord, on doit se satisfaire de l’examen en nouvelle lecture de cette proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, très attendue par les élus locaux. À cette occasion, je veux exprimer, encore une fois, nos interrogations et nos doutes sur le bon fonctionnement de cette agence.
Le texte a été enrichi en première lecture successivement par le Sénat et par l’Assemblée nationale, notamment en ce qui concerne les missions attribuées à l’agence. Celles-ci sont marquées par une extrême ambition. Ainsi, à l’article 1er, l’Assemblée nationale a étendu le champ d’intervention prioritaire de l’agence aux territoires caractérisés par des contraintes géographiques ou des difficultés en matière démographique, économique, sociale ou environnementale. De même, une attention particulière est portée, à juste titre, aux zones mentionnées à l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, à savoir les zones rurales, celles où s’opère une transition industrielle et les régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents. Enfin, l’agence assurera la promotion des projets innovants de ces territoires.
Le champ d’action s’élargit encore plus à l’article 2, aux termes duquel « l’Agence a pour mission, en tenant compte des particularités, des atouts et des besoins de chaque territoire, de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales […] dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur de l’accès au service public, de l’accès au soin […], du logement, des mobilités, de la mobilisation pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers urbains en difficulté, de la revitalisation commerciale et artisanale des centres-villes et des centres-bourgs, de la transition écologique, du développement économique, du développement des usages numériques. À ce titre, elle facilite l’accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d’ingénierie juridique, financière et technique, qu’elle recense. »
Ainsi, les missions de l’agence sont nombreuses, diverses et variées, cohérentes, certes, mais tentaculaires, touchant à tous les secteurs et domaines des territoires concernés.
La première question à se poser est de savoir si l’agence aura véritablement les moyens de faire face à l’immensité des besoins. Nous savons que les projets sont nombreux et, même si nous nous réjouissons que la mise en place d’un contrat unique de cohérence territoriale, proposée par le Sénat à la suite du rapport Morvan, ait été approuvée par l’Assemblée nationale, on peut penser que la tâche sera immense.
N’oublions pas que l’agence fonctionnera à moyens constants et devra faire face à des missions nouvelles sans abandonner celles qu’assumaient jusqu’à présent le CGET, l’Agence du numérique et l’Épareca, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux. Les organismes partenaires tels que l’ANAH ou l’Ademe ont un plan de charge bien rempli, tant les problématiques liées au logement, à l’environnement et à la maîtrise de l’énergie sont importantes. De même, le Cérema est sur une trajectoire de réduction substantielle de ses effectifs, à hauteur de plus de 100 personnes par an jusqu’en 2022. Sans moyens supplémentaires, il sera donc difficile à l’agence de fonctionner.
Une deuxième question concerne le mode opératoire. Là aussi, on peut se féliciter de ce que l’Assemblée nationale ait repris des dispositions que nous avions défendues en vain au Sénat, notamment le recensement des différentes formes d’ingénierie existantes, qui peuvent être mobilisées en appui en faveur du développement des territoires, ainsi que pour faciliter et développer les coopérations territoriales, notamment entre les métropoles, les communautés urbaines et les territoires environnants.
Je pense que les comités locaux de cohésion territoriale que le Sénat a créés dans chaque département devront être constitués rapidement, de façon qu’ils puissent, au-delà de la simple information des demandes d’accompagnement émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, faire des recommandations pour que cet accompagnement puisse s’opérer dans les meilleures conditions.
Mes chers collègues, la fracture territoriale, qui nous préoccupe tous, ne pourra être réduite que par la conjonction d’actions fortes et cohérentes. En tant qu’ensemblier, l’agence que nous souhaitons créer peut y contribuer. Cela suppose toutefois des moyens importants, qui doivent être mobilisés partout où ils se trouvent, et une organisation réactive et agile, afin de ne pas décevoir ceux qui croient encore à la possibilité d’agir au plus près de nos concitoyens, c’est-à-dire au cœur même des territoires.