Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 20 juin 2019 à 10h30
Agence nationale de la cohésion des territoires — Adoption en nouvelle lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié et des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir épuisé les leviers législatifs traditionnels, il semble que le Gouvernement redécouvre l’aménagement du territoire et les élus locaux. Ainsi, nous discutons aujourd’hui de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, et nous discuterons demain de dispositions relatives à l’exercice des mandats locaux très largement inspirées des travaux du Sénat et d’un texte portant adaptation de la loi NOTRe.

Pendant deux ans, comme l’a rappelé au mois de novembre dernier notre excellent rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, le présent texte n’a pas semblé être une priorité absolue. Avec la réforme de la taxe d’habitation ou la hausse de la TICPE, nous avions déjà pu constater la légèreté avec laquelle ce gouvernement traitait nos territoires.

Aujourd’hui, c’est donc le retour du concret ! Cependant, ce retour prend une forme singulière. Clairement, il ne s’agit pas de faire renaître de ses cendres la Datar, disparue en 2014 pour engendrer le CGET.

Le format de cette agence, envisagée comme le regroupement sous une seule bannière de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, de l’Agence du numérique et d’une large partie du Commissariat général à l’égalité des territoires, a tout de suite suscité des interrogations. Le premier à s’interroger a été le préfet Serge Morvan. Son rapport de préfiguration, remis au Premier ministre le 18 juin 2018, prévoyait, en effet, l’intégration de l’ANAH et de l’ANRU à la nouvelle agence, avec la possibilité pour celle-ci d’assurer la pleine gestion des crédits de ces organismes.

À l’origine, cette agence devait être la « start-up des territoires », comme l’évoquait la mission de préfiguration. Il s’agissait alors de promouvoir « une organisation interne profondément novatrice, privilégiant le travail en mode projet pour favoriser, notamment, l’innovation ; son ADN sera celui d’une entreprise au service de ses clients ». Nous nous sommes finalement éloignés de cet esprit, et il est encore trop tôt pour le regretter.

Comme la plupart de mes collègues, je ne suis pas fondamentalement hostile à la création de cette agence. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur l’opportunité d’y intégrer l’Agence du numérique et, surtout, sur les délais de cette intégration. À ce stade de la discussion, ces questions ne me semblent plus pertinentes.

Toutefois, si je ne suis pas hostile à cette création, elle ne m’exalte pas particulièrement. Je crains surtout que, une fois de plus, au regard d’une absence de résultats, d’un manque de vision et d’une imagination en berne en matière d’aménagement du territoire, on demande au législateur d’actionner sans discernement les leviers qui sont encore à sa disposition. En d’autres termes, je crains que l’on demande au Parlement de fermer les yeux sur le tour de passe-passe opéré à périmètre budgétaire constant par le Gouvernement.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la crise des « gilets jaunes » est d’abord une crise de la mobilité, donc de l’aménagement du territoire. Par conséquent, il n’est pas étonnant que le Gouvernement cherche des réponses sur ce thème.

C’est exactement, me semble-t-il, ce que notre rapporteur a souhaité faire : trouver une réponse concernant la raison d’être de cette agence. Nous avons très bien compris qu’elle ne serait pas la Datar d’Olivier Guichard. Nous avons compris aussi que la fragmentation des politiques publiques participant à l’aménagement du territoire ne serait pas profondément remise en cause par ce texte.

Le postulat du rapporteur était simple : le Gouvernement doit prendre ses responsabilités sur le plan financier. Un État plus responsable et des élus associés : telle a été la ligne directrice des travaux de notre commission, en première comme en nouvelle lecture, notamment pour améliorer la gouvernance nationale et locale de l’agence. Le Gouvernement ne peut pas, d’un côté, se montrer pusillanime sur les questions financières, et, de l’autre, ostraciser les élus au sein du conseil d’administration de l’agence.

Chacun sait que l’examen de ce texte serait déjà terminé si le Gouvernement avait bien voulu garantir aux élus locaux un droit de veto. Pour le reste, nous ne contesterons pas le bien-fondé des modifications apportées par l’Assemblée nationale. En définitive, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi telle que modifiée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Je conclurai en citant un passage du décret du 14 février 1963 – une belle année ! – créant la Datar : « Cette délégation sera un organisme de coordination et d’impulsion. Son rôle sera, à partir des objectifs généraux définis par le plan, de préparer et de coordonner les éléments nécessaires aux décisions gouvernementales en matière d’aménagement du territoire et d’action régionale et de veiller à ce que les administrations techniques ajustent leurs actions respectives dans ce domaine. »

Espérons que, demain, à défaut de proximité, l’État redevienne stratège.

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