Monsieur le président, cette intervention sur l’article 33 vaudra défense de l’amendement n° I-348.
Le présent article prévoit la mise en place de nouvelles modalités externalisées de financement des lignes dites « d’équilibre et d’aménagement du territoire », appelées à faire l’objet d’une convention entre l’État et la SNCF, au titre des obligations de service public de cette dernière, reconnues à l’échelon communautaire.
Est ainsi proposée la création d’une taxe à la charge des entreprises de services de transports ferroviaires de voyageurs, dont le produit serait affecté à un nouveau compte d’affectation spéciale afférent à ces services nationaux conventionnés de transports de voyageurs.
En effet, certaines lignes aujourd’hui exploitées par la SNCF sont lourdement déficitaires. Ce déficit a été évalué par la SNCF et l’État à 190 millions d’euros pour l’exercice 2009, sans compter les dépenses de renouvellement du matériel roulant, qui atteindraient de 1, 5 milliard à 2 milliards d’euros au cours des quinze prochaines années.
L’équilibre financier de l’exploitation de ces lignes d’équilibre ou d’aménagement du territoire repose aujourd’hui sur l’existence d’une péréquation interne à la SNCF entre les produits et les charges de l’ensemble des lignes exploitées. En particulier, les lignes à grande vitesse, globalement excédentaires, contribuent au financement de l’exploitation des lignes Corail.
Deux faits justifient aujourd’hui, selon le Gouvernement, l’évolution des modalités d’organisation et de financement des lignes Corail annoncée par le Président de la République en clôture des assises des territoires ruraux, le 9 février 2010.
Premièrement, le règlement européen dit « règlement OSP » – obligations de service public – entré en vigueur conduit à assimiler l’exploitation des lignes d’équilibre ou d’aménagement du territoire à une obligation de service public, susceptible de faire l’objet d’une compensation par l’État. Le monopole dont dispose actuellement la SNCF sur ces lignes constitutives d’un service public implique donc la mise en place d’une contractualisation.
Deuxièmement, l’ouverture à la concurrence, depuis le 13 décembre 2009, des services de transports ferroviaires internationaux de voyageurs préfigurerait celle des services de transports ferroviaires nationaux de voyageurs. Celle-ci remettrait en cause l’équilibre financier de la SNCF et entamerait donc sa capacité à financer les pertes liées à l’exploitation des lignes Corail.
Nous nous inscrivons en faux contre une telle vision des choses, car le règlement OSP n’induit pas la mise en concurrence des transports régionaux. De plus, l’ouverture à la concurrence des services de transports ferroviaires nationaux de voyageurs ne constitue pas un passage obligé, auquel il faudrait se préparer. Les directives européennes, en tous cas, ne l’imposent pas aujourd’hui. Il n’est donc pas utile de légiférer sur ce point à ce stade.
Que l’État devienne l’autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire, les TET, au sens où les régions sont celles des trains express régionaux, les TER, est intéressant, surtout si sont vraiment pris en compte les objectifs de pérennisation, de stabilisation et d’amélioration de la qualité de service affichés dans l’ « engagement national pour les trains d’équilibre du territoire » signé à Troyes, le 4 novembre dernier, entre le Président de la République et le président de la SNCF.
En revanche, au regard du financement proposé, force est de constater que si l’État veut bien devenir le donneur d’ordres, il laisse le soin à la SNCF d’être le principal trésorier.
Sur les 210 millions d’euros de subvention annuelle, 100 millions d’euros proviendraient d’une contribution de solidarité territoriale prélevée sur le chiffre d’affaires de la SNCF Voyages et 75 millions d’une taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires dont le résultat fiscal serait supérieur à 300 millions d’euros, soit, à ce jour, la SNCF !
Pour finir, 35 millions d’euros seraient financés par le mode routier au travers d’une taxe sur les autoroutes. C’est donc bien la SNCF qui, à hauteur de 85 %, financerait la subvention.
Dans ce cadre, il est clair que, pour équilibrer ses comptes, la SNCF jouera essentiellement sur le levier de l’augmentation des tarifs. Preuve en est le rapport de la commission des finances, qui indique clairement qu’en contrepartie la SNCF devrait bénéficier d’un assouplissement de l’encadrement des tarifs du TGV.
Nous continuons donc de prôner l’abandon des politiques d’ouverture à la concurrence, le maintien au sein de la SNCF d’activités intégrées et, plus généralement, le maintien de la contribution, par l’État, aux obligations de service public incombant à la SNCF, et pas simplement la création de nouvelles taxes qui se répercuteront nécessairement sur les usagers.
Nous connaissons dans d’autres secteurs cette logique de création de fonds de compensation qui ne permet pas de garantir un service public moderne et évolutif.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.