Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 19 juin 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Article 8

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Édouard Philippe avait dit son soutien aux contrats de chantier, en indiquant que c’était pour lui un instrument intéressant parce qu’il maintenait le CDI comme norme. Dans la même logique, vous allez sans doute nous expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que le contrat de projet est un outil pour maintenir le concours comme norme ? Nous ne sommes pas à une incohérence près…

Notre collègue Brisson parlait de « respiration » à propos du contrat de projet. Pour ma part, je crains plutôt que l’on ne fabrique une génération d’agents publics condamnés à vivre en apnée. En effet, le contrat de projet sera un handicap pour les salariés auxquels il sera appliqué, en matière de prêt bancaire ou encore de location immobilière. Ce contrat instaurera, dans leur vie personnelle, une forme d’incertitude durable.

À nos yeux, ce contrat dit « de projet » est, en fait, un CDD au rabais, dépourvu de ses principaux effets juridiques : il ne comporte ni prime de précarité ni possibilité d’être CDIsé ou titularisé.

Nous ne nions pas que les besoins des employeurs publics peuvent nécessiter, pour la réalisation de missions ou de projets très spécifiques, des outils particuliers. Il faut en tenir compte. Mais le recours à des outils favorisant la précarité n’est pas, pour nous, une solution acceptable.

Le contrat de projet, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, concentre tous les facteurs de précarité.

À la différence du contrat de chantier prévu à l’article L. 1223-8 du code du travail, qui est un CDI, le contrat de projet de la fonction publique est à durée déterminée. Cette qualification aurait dû donner lieu à une prime de précarité à l’issue du contrat, mais le Gouvernement a explicitement exclu les contrats de projet du bénéfice des primes de fin de contrat – je vous renvoie à l’article 10 ter du projet de loi, que nous examinerons sous peu.

À la différence du contrat à objet défini, prévu à l’article L. 1242-2 du code du travail « pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire », le contrat de projet de la fonction publique n’est pas du tout encadré dans son périmètre. L’article prévoit en effet que le recours à ce nouveau contrat de projet est possible pour mener à bien un projet ou une opération spécifique.

L’article ne conditionne pas son recours à des besoins temporaires. Pourtant, c’est au nom de ce même caractère temporaire qu’un contrat de projet ne pourra conduire ni à une CDIsation ni à une titularisation.

Le contrat de projet pourra être rompu unilatéralement, si le projet se termine de manière anticipée ou ne peut pas se réaliser. Cette disposition pourra provoquer d’importants contentieux : qu’adviendra-t-il si le salarié considère que l’employeur a estimé à tort que le projet était terminé ou qu’il ne pouvait se réaliser ?

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