Vous le savez parfaitement, il n’existe aucune frontière sur internet, et les jeunes n’ont aucune difficulté à s’affranchir des sites qui leur sont prétendument dédiés.
Nos collègues représentant les régions viticoles, nombreux parmi nous aujourd’hui, nous alarment, comme chaque fois : le secteur viticole est en crise – constat que nous partageons pleinement, et nous sommes solidaires de leurs propos –, les petits producteurs français de vin ont besoin de la publicité et de l’internet dans le cadre de la concurrence mondiale. Mon sentiment est qu’en réalité ils se trompent.
Autoriser la publicité sur internet, ce serait en fait donner une arme aux grands groupes industriels, qui ont bien plus de moyens que les petits producteurs français pour s’offrir des campagnes publicitaires d’envergure. J’y insiste, comme déjà au mois de juillet 2008 : cette publicité ne touche pas seulement le vin, mais concerne tous les alcools, dont les alcools forts, y compris les alcools forts étrangers. Ces derniers pourront s’offrir des pages de publicité contre lesquelles nos petits producteurs ne pourront pas lutter.
Le lobby de l’alcool – appelons les choses par leur nom, et je ne vise pas les viticulteurs ! – ne cesse de dénoncer un prétendu hygiénisme moralisateur. Pourtant, la majorité de la population souhaite maintenir sous contrôle l’usage de l’alcool, prenant en considération les efforts des familles, des médecins, des éducateurs à la santé, des associations et même des élus locaux, qui, tous, travaillent à limiter les conséquences et les drames sanitaires et sociaux liés à l’alcool, en particulier chez les jeunes. Voilà quelques années, dans ma commune, j’ai créé, comme bien d’autres je suppose, un centre d’alcoologie. Il obtient d’excellents résultats, mais qui se cantonnent dans le plan curatif. Aujourd’hui, il faut remplacer le curatif par le préventif et, surtout, ne pas autoriser la publicité telle qu’elle est envisagée ici.
Je rappelle que l’alcool est la substance psychoactive la plus consommée en France et la deuxième cause de décès. Les boissons alcoolisées ne sont pas des produits alimentaires comme les autres. Elles sont impliquées dans 33 % des accidents mortels sur la route, notamment chez les jeunes, cette proportion s’élevant à 66 % le week-end, ainsi que dans de nombreux cas de violences, d’accidents du travail, de violences faites aux femmes : c’est bien souvent l’alcoolisme qui en est la cause immédiate !
Je rappelle aussi que la France est l’un des plus gros consommateurs de boissons alcooliques au monde. N’en déplaise à certains, réduire la consommation d’alcool est un enjeu prioritaire de santé publique. Alors que les inquiétudes face aux ravages causés par l’alcool chez les adolescents s’accroissent – au cours des dernières années, le nombre de comas éthyliques chez les moins de quinze ans a augmenté de 40 %, et les pratiques inquiétantes, comme la « biture express », se développent –, il n’est pas admissible que les actions de prévention et de sensibilisation soient balayées par l’autorisation de publicité sur le média préféré des jeunes.
Internet ne peut pas être tenu à l’écart de la lutte contre l’alcoolisme. Les mêmes règles doivent s’appliquer à tous les supports de communication, qu’ils soient écrits ou audiovisuels. C’est exactement l’objet de l’amendement de Mme Payet, qui vise à interdire la publicité tout en permettant la promotion sur les sites « des producteurs, des fabricants, des importateurs, des négociants, des concessionnaires, des entrepositaires, des distributeurs, des grossistes et des détaillants de boissons alcooliques, des éleveurs ou de leurs organisations professionnelles ou interprofessionnelles » : cela fait tout de même déjà beaucoup de monde ! Ainsi, rien n’interdira à nos producteurs viticoles d’avoir une vitrine sur internet, mais sans qu’il soit besoin pour eux de faire de la publicité et d’ouvrir cette publicité à tous les producteurs d’alcool.
Mes chers collègues, je vous invite, puisque nous débattons de questions de santé publique, à prendre tous ces éléments en considération.