Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce traité intervient exactement cinquante-six ans après le traité de l’Élysée entre nos deux peuples, qui était le moyen le plus sûr de préserver la paix ; d’autres pays européens nous ont rejoints depuis.
Aujourd’hui, d’autres défis sont à relever. Le monde évolue très vite. Le duopole sino-américain se livre à une compétition sans merci pour s’assurer un leadership mondial. La prise de contrôle des réseaux internet est une illustration parmi tant d’autres. D’autres grands États, comme l’Inde et le Brésil, ambitionnent également de prendre place parmi les grandes nations planétaires.
Et, pendant ce temps, les pays européens peinent à parler d’une seule voix. Que pèsent 80 millions d’Européens par-ci ou 60 millions par-là, face à 1, 4 milliard de Chinois, à 300 millions d’Américains ou à 1, 3 milliard d’Indiens ? Ensemble, les 550 millions d’Européens peuvent, et doivent, faire entendre leur voix et défendre leurs valeurs.
Les critiques d’une coopération franco-allemande sont souvent le résultat de manipulations nationalistes. Cette idéologie a déjà montré de quelles catastrophes elle était capable.
Le groupe Les Indépendants ne voit pas dans ce traité un abandon. Il y voit l’expression d’une souveraineté ouverte, coopérative et tournée vers l’avenir.
Le général de Gaulle, dans un discours prononcé en Allemagne et en allemand, déclarait en 1962 : « [La] base sur laquelle peut et doit se construire l’union de l’Europe […], c’est l’estime, la confiance, l’amitié mutuelles du peuple français et du peuple allemand. »
Notre groupe considère ce traité, qui vise à renforcer les liens entre la France et l’Allemagne, comme une heureuse initiative. Nous avons une forte relation commerciale avec notre voisin d’outre-Rhin. En 2017, l’Allemagne est le premier client, mais aussi le premier fournisseur de la France.
Pour autant, ce traité nous semble insuffisant quant au chapitre des coopérations industrielles qui font défaut à l’Europe pour faire face aux grandes puissances. De même, il aurait pu intégrer une coopération concernant la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales, qui coûtent chaque année des milliards à des États membres de l’Union.
Ce traité met en lumière le bilinguisme des zones frontalières. C’est le quotidien des populations transfrontalières – mon collègue Claude Kern vient de le rappeler –, qui se connaissent, se côtoient et vivent ensemble. C’est une chance.
Le rapprochement de nos pays en matière culturelle est assez naturel. Nous partageons les mêmes valeurs : la démocratie, l’État de droit, le respect des minorités ou encore le respect de la vie privée.
Ces échanges mutuels nous apportent beaucoup et sont une source d’avancées concrètes. Je pense notamment à la chaîne de télévision publique franco-allemande à vocation culturelle européenne, Arte.
Notre proximité dépasse la sphère culturelle. Dans le domaine de la sécurité notamment, la France et l’Allemagne ont des intérêts communs. À nos yeux, la coopération en matière de sécurité tant extérieure qu’intérieure ne peut qu’améliorer la qualité du travail de nos services et la sûreté de nos concitoyens.
Avec 47 milliards d’euros, le budget de la défense de l’Allemagne dépasse celui de la France depuis cette année. Bien que les groupes politiques allemands soient très partagés sur les questions de défense, nous devons rapprocher davantage nos nations pour réduire la trop forte dépendance de l’Europe à l’égard des États-Unis.
Au-delà de ce traité, le Fonds européen de la défense est également un excellent outil. Il devrait permettre de canaliser des moyens financiers au bénéfice de nos entreprises.
Les projets franco-allemands d’avion de chasse et de char attestent de l’opportunité d’une telle coopération. Les différences de vues, récemment mises en lumière par les divergences en matière d’exportation d’armes, nous rappellent l’utilité et la nécessité d’une coordination entre les gouvernements allemand et français tout en respectant le choix de chacun.
Nous avons besoin d’harmoniser nos doctrines, afin d’augmenter encore notre intégration. L’Europe s’essouffle face à l’hégémonie de ceux qui profitent de telles divisions. Nous devons reconstituer une capacité d’action stratégique à l’échelon européen.
Le couple franco-allemand a un rôle essentiel à tenir, afin de rester le moteur de l’Union européenne, d’autant qu’il ne faut pas sous-estimer les risques de démantèlement européen.
En 2018, les élections en Italie, fondatrice de l’Europe, sont de nature à nous inquiéter. En 2019, la Ligue de Matteo Salvini a gagné les élections européennes et a rejoint le Rassemblement national dans un même groupe. Hier, les députés britanniques pro-Brexit ont tourné le dos à l’hymne européen. C’est bien sûr choquant.
Dans ce contexte de départ du Royaume-Uni, une forte intégration franco-allemande est nécessaire, mais elle ne suffira pas à elle seule à faire vivre l’Union européenne.
Le groupe Les Indépendants est convaincu que l’Europe à beaucoup à perdre dans la division. Notre richesse et nos talents comptent dans le monde, à la condition que nous soyons unis.
L’actualité montre chaque jour la difficulté à prendre une décision au sein d’un club de vingt-huit membres. « Unie dans la diversité » est un slogan qui trouve ces limites ; comme le disait Georges Clemenceau : « Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois, c’est déjà trop. »