Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 4 juillet 2019 à 10h30
Droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après quelques atermoiements, la droite sénatoriale a largement soutenu le principe de la résiliation sans frais des contrats des complémentaires santé à n’importe quel moment, se joignant à la majorité La République En Marche de l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire.

Souvenez-vous, chers collègues du groupe Les Républicains, c’est votre majorité qui a fait adopter ici même, en séance publique, des amendements tendant à réécrire la proposition de loi pour revenir à la version du texte issue de l’Assemblée nationale, sur laquelle les députés de votre parti s’étaient abstenus.

Cette convergence pour vanter les mérites d’une plus forte concurrence sur le fameux marché des complémentaires santé ne nous a pas convaincus du bien-fondé de la résiliation des contrats en cours d’année. Même votre détermination, dont je ne doute pas, madame la ministre, n’empêchera pas les dérives des mutuelles. Nous ne vivons pas au pays des Bisounours, nous sommes dans un système capitaliste où la mise en concurrence fait rage !

Si nous ne sommes pas convaincus, c’est notamment parce que les complémentaires santé, particulièrement les mutuelles, n’ont pas la même structure budgétaire que les sociétés d’assurance.

Depuis la crise de 2008 et l’application de la directive européenne dite Solvabilité 2, les mutuelles sont obligées de disposer d’un montant minimal en euros pour garantir la solvabilité de l’établissement en cas de krach. Cette obligation ne peut pas être correctement respectée si, dans le même temps, les adhérents peuvent résilier à tout moment leur contrat, y compris après un an d’adhésion. Cette volatilité des adhérents est contraire au droit européen, mais également au principe de solidarité des membres d’une mutuelle.

Nous faire croire qu’accroître la concurrence sur le marché des complémentaires santé diminuera les tarifs des contrats, en s’appuyant sur l’exemple de l’assurance automobile, nous semble pour le moins inadapté.

Les principes mutualistes prévoient l’absence de sélection des adhérents, l’égalité de traitement, la transparence et la solidarité entre mutualistes. Le principe d’annualité des cotisations est en outre un élément du modèle économique permettant de ne sélectionner ni le risque couvert ni la personne.

Ces principes trouvent leur traduction dans la comptabilité interne des mutuelles avec, d’un côté, des cotisations stables, et, de l’autre, des prestations qui sont supérieures pour les moins bien-portants et, au contraire, inférieures pour les bien-portants. Ce mécanisme solidaire dans lequel les plus jeunes cotisent le plus souvent pour les plus âgés fonctionne malgré une taxation à 14 % des contrats et l’obligation de solvabilité à hauteur des fonds propres.

Demain, ce mécanisme, qui a résisté à de nombreuses attaques, pourrait pourtant ne pas se remettre de cette proposition de loi. Avec des variations qui ne manqueront pas d’apparaître en cours d’année à cause de nouveaux contrats et des ruptures, le risque est de voir les mutuelles gonfler leurs réserves de cotisations et réduire les prestations.

Comment prétendre, dès lors, comme le fait le Gouvernement, qu’il s’agit de redonner du pouvoir d’achat aux Françaises et aux Français ?

Actuellement, la concurrence entre les organismes complémentaires est déjà très forte en période de fin d’année civile. Il est à craindre que la résiliation en cours d’année entraîne une concurrence exacerbée en permanence et une augmentation des frais de gestion pour financer les frais de publicité.

Toutes vos réformes amplifient la marchandisation de la santé, madame la ministre. Comme nous l’avions dénoncé en première lecture, en imposant des règles identiques aux instituts de prévoyance, aux assurances santé et aux mutuelles, vous allez, au lieu de conforter, en l’améliorant, l’esprit mutualiste, accélérer le processus de rapprochement du mode de gestion des mutuelles à but non lucratif de celui des sociétés d’assurance à but lucratif et renforcer les mastodontes de la « bancassurance », afin de faire primer le fonctionnement assurantiel sur la logique de solidarité.

Ce projet va à l’encontre des objectifs qu’affiche votre gouvernement, madame la ministre, puisqu’il amplifiera le renoncement aux soins d’un public toujours plus large, d’où l’opposition résolue de notre groupe, qui continuera à dénoncer le désengagement de l’État du financement de la sécurité sociale. En effet, c’est bien là le fond du problème.

La solution pour empêcher tous ces renoncements aux soins, toutes les inégalités que votre gouvernement amplifie, c’est le 100 % sécurité sociale ! Et ne nous dites pas que ce n’est pas possible : les financements pour y parvenir existent, notre groupe en a fait maintes fois la démonstration ici même.

Je viens en outre d’entendre M. Milon en faire l’éloge. J’en déduis qu’une très large majorité sur les travées de notre Haute Assemblée s’entendra pour parvenir à ce 100 % sécurité sociale ! On verra lors des prochains votes, notamment lorsque nous examinerons le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, s’il s’agit d’un accord de fond ou d’un simple accord de façade.

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