Intervention de Claude Raynal

Réunion du 11 juillet 2019 à 14h30
Orientation des finances publiques règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 — Suite du débat et rejet en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Je suis curieux d’entendre cette année votre justification…

En 2018, donc, les dépenses de la mission se sont élevées à 11, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 14, 95 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution, par rapport à 2017, de près de 2, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 700 millions d’euros en crédits de paiement. Cette sous-consommation de crédits, majoritairement d’intervention, destinés aux publics les plus fragiles a des conséquences sociales très claires.

La montée en puissance des parcours emplois compétences, les PEC, qui ont remplacé les contrats aidés, reste inférieure à celle qui était prévue en loi de finances.

En ce qui concerne les plans d’investissement dans les compétences, les PIC, 72, 4 % des crédits de paiement ont été in fine consommés, alors que vous aviez été alerté sur l’insuffisance de l’accompagnement prévu pour consommer efficacement ces crédits, pourtant fort utiles à leurs bénéficiaires.

Enfin, évoquons rapidement la garantie jeunes. Là aussi, l’exécution révèle une sous-consommation évidente. Voilà, monsieur le ministre, je viens d’illustrer, en citant le cas d’une seule mission – mais je pourrais multiplier les exemples –, les conséquences de votre politique qui a conduit à une diminution de l’effort fiscal pour les plus aisés et à l’annonce d’actions non financées. Vous êtes amené, pour équilibrer vos comptes, à rogner sur des dépenses votées, sans apporter d’ailleurs aucune justification satisfaisante en la matière.

Au-delà de cette méthodologie budgétaire, qui n’est pas sans interroger, vous vous targuez de résultats meilleurs que ceux de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.

Le déficit du budget de l’État est cependant resté très élevé l’an dernier. Il excède de 33, 4 milliards d’euros le niveau qui permettrait de stabiliser la dette exprimée en points de PIB.

Alors que, sous le quinquennat Hollande, la charge de la dette était passée au second rang des dépenses de l’État, elle repasse, cette année, au premier rang, signe de votre échec à maîtriser réellement nos finances. Pourtant, nous avons fait, lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, des propositions de recettes supplémentaires, mais vous n’avez pas voulu nous écouter. Ne parlons pas de l’impôt sur le patrimoine, du pacte Dutreil, de la niche Copé au bénéfice des grands groupes !

Nous vous avons également invité à « muscler » votre taxe sur les services numériques, qui reste à un niveau de rendement très faible.

Nous vous avons suggéré, à de multiples reprises, de contenir le poids des niches fiscales. Comme l’a souligné le rapporteur général de notre commission des finances, elles ont continué à largement augmenter au titre de 2018. Rien n’y fait à ce jour !

Pour autant, je veux faire preuve d’optimisme et je me dis que mieux vaut tard que jamais. Du moins est-ce le message que je vous adresse aujourd’hui, monsieur le ministre. En effet, vous semblez, de toute évidence, dans l’incapacité d’engager des réformes structurelles pour contenir le poids de la dépense publique, du moins sans pénaliser les personnes qui ont besoin du soutien de la puissance publique.

Votre politique consiste à aider les multinationales, soutenir les grandes fortunes et équilibrer les comptes de la Nation sur le dos des plus faibles. Ce n’est pas acceptable !

Contrairement à vos affirmations toujours très positives, la publication par l’Insee des comptes de la Nation pour 2018 permet d’avoir une approche beaucoup plus nuancée : non, c’est clair, la politique du Gouvernement ne produit pas les résultats escomptés !

La croissance a été de 1, 7 % en 2018, en recul par rapport à l’année précédente. La consommation contribue moins à la croissance qu’en 2017, avec 0, 7 point.

Enfin, le taux de marge des sociétés non financières décroît également. Si l’on ajoute à cela le retour à un accroissement des inégalités, on ne peut que conclure que la politique conduite par le Gouvernement est injuste sur le plan social et inefficace sur le plan économique.

L’Insee met par ailleurs en avant le fait que, globalement, le seul secteur tirant véritablement son épingle du jeu en 2018 est celui des sociétés financières, dont l’activité se redresse. L’expression « président des très riches » qui fut accolée au Président de la République est donc aujourd’hui toujours d’actualité.

Vous vous en doutez bien, mes chers collègues, d’une part, du fait de ces résultats économiques, d’autre part, en raison de la méthode consistant à sous-consommer des crédits pour équilibrer le budget, le groupe socialiste et républicain votera contre ce projet de loi de règlement pour 2018 !

Je veux enfin, mes chers collègues, évoquer rapidement le rapport préparatoire au débat d’orientation budgétaire. Malgré tous les indicateurs que je viens d’évoquer, le Gouvernement et votre ministère semblent considérer que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Il est vrai, c’est indéniable, que la baisse des taux vous donne des marges de manœuvre supplémentaires. Cependant, une remontée des taux, ne serait-ce que moyenne, aurait des conséquences budgétaires dangereuses. Imaginons une remontée des taux de un point en dix-huit mois : quelles nouvelles politiques publiques en feraient alors les frais ? À défaut de réponse, la question mérite, selon nous, d’être posée !

Je souhaite évoquer un dernier point, monsieur le ministre. À chacune de mes interventions dans le cadre de nos débats budgétaires, j’ai le plaisir de vous rappeler les vôtres, ce que je ne vais pas manquer de faire ! Dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement prévoyait un déficit de 0, 3 % en 2022 et une dette à 91, 4 % du PIB. Aujourd’hui, vous annoncez que le déficit public sera ramené à 1, 2 % du PIB en fin de quinquennat et que la dette sera maintenue autour de 97 %.

En juillet 2017, ici même, vous disiez : « Ces engagements sont chiffrés, monsieur le rapporteur général, vous pourrez le vérifier à la fin du mandat : faire baisser de trois points les dépenses publiques, de cinq points la dette et de deux points le déficit. Ces engagements sont extrêmement ambitieux. »

Quelques mois plus tard, M. Le Maire, qui n’assiste plus à cette séance, indiquait : « Je souhaite à présent passer à un cap “trois, huit, un”, l’objectif étant désormais de réduire la dette publique de huit points, pour qu’elle représente moins de 90 % du PIB en 2022. Je considère en effet que nous le devons à nos enfants et aux générations à venir. »

Où en sommes-nous pour 2022 sur la base du nouveau programme de stabilité ? S’agissant de la dépense publique, zéro. Concernant la dette, un. Pour le déficit, un. Autant dire que l’on passe du « trois, huit, un » ambitieux à un « zéro, un, un » plus modeste. Était-ce bien la peine, monsieur le ministre, d’être aussi affirmatif en 2017 ?

Sans doute auriez-vous dû être un peu plus modeste en début de quinquennat. D’autant plus que, à ce jour, nous n’avons vraiment pas beaucoup de réponses à nos questions portant sur de nombreuses dépenses annoncées, dont certaines sont mises en œuvre, mais ne sont pas budgétées. Je pense, par exemple, à la taxe d’habitation ou à la baisse de l’impôt sur le revenu. Vous parlez de suppression de niches fiscales et de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État : c’est tout de même un peu léger, me semble-t-il.

Un autre point mérite d’être évoqué, comme d’autres l’ont fait avant moi : le budget social de la Nation.

Nous attendions un excédent de 100 millions d’euros pour l’année 2019. Nous en sommes déjà à 1, 7 milliard d’euros de déficit, sans compter les 2, 7 milliards d’euros découlant des mesures d’urgence adoptées à la fin de 2018. Monsieur le ministre, comment l’État va-t-il financer et compenser cela ? Nous n’en savons rien ! La même remarque vaut pour les administrations publiques locales, les APUL, qui pourraient tout à fait choisir d’augmenter leurs investissements, plutôt que d’accumuler leurs résultats, comme l’espère le Gouvernement.

En définitive, monsieur le ministre, ce débat d’orientation des finances publiques ne nous rassure pas du tout. Il montre des manques inquiétants, des ambitions clairement à la baisse et suscite, pour le dire franchement, plus d’interrogations quant à l’avenir que de certitudes !

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