Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le cinéma dispose depuis 1947 d’un établissement dédié, le Centre national du cinéma et de l’image animée, ou CNC, doté de moyens significatifs et en mesure de faire dialoguer et coordonner les différentes composantes du secteur, il n’en va pas de même pour la musique. En réalité, il s’agit du dernier art vivant qui ne dispose pas d’un centre national, au contraire de la danse, du livre, du théâtre, des arts de la rue, du cirque et, donc, du cinéma. C’est ce que Didier Selles, conseiller maître à la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le ministre, faisiez remarquer en 2011 – vous étiez alors député-maire de Coulommiers – dans un rapport intitulé « Création musicale et diversité à l’ère numérique », commandé par le ministre de la culture de l’époque, Frédéric Mitterrand. Écrit dans le contexte d’une industrie musicale largement en crise, notamment sous l’effet de la numérisation et du développement du streaming, ce rapport préconisait la création d’un centre national de la musique.
Comme vous le rappeliez, monsieur le ministre, ces quinze dernières années, l’industrie du disque a connu une crise de grande ampleur, notamment du fait du piratage de masse, avec une baisse de son chiffre d’affaires de l’ordre de 60 % entre 2002 et 2015. Il était nécessaire que la filière musicale, qui pèse 1, 5 milliard d’euros, contre 1, 3 milliard d’euros pour le cinéma, puisse disposer d’un outil multidimensionnel de soutien à l’ensemble du secteur.
Il faudrait cependant apporter des réponses à deux questions afin de rassurer les acteurs de la filière musicale et de les convaincre de se rassembler au sein d’une maison commune : elles portent d’une part sur la gouvernance de l’établissement, dont les modalités devraient être déterminées par voie réglementaire, d’autre part sur son financement, qui sera discuté lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Nous allons donc devoir nous prononcer sur la création d’une structure sans connaître son budget prévisionnel.
Ces deux questions sur lesquelles les parlementaires votent à l’aveugle cristallisent les inquiétudes des acteurs. L’Alliance des entreprises de la musique, par exemple, qui regroupe les syndicats du spectacle vivant, de l’édition phonographique et de l’édition de musique, a apporté un soutien unanime au projet du CNM. Toutefois, elle reste vigilante sur les questions budgétaires, puisqu’elle fait remarquer que les crédits d’impôt du spectacle vivant ont déjà été rabotés lors du vote de la dernière loi de finances.
Il appartient au Gouvernement de confirmer son engagement de donner un souffle neuf à la politique musicale en assurant au nouvel établissement les moyens de remplir sa mission.
La volonté de ceux qui ont imaginé le Centre national de la musique a été de ne pas « nationaliser » les structures associatives qu’ils projettent d’intégrer à la nouvelle structure. Aussi la dissolution des associations doit-elle être décidée par ses membres. Si les professionnels n’avaient aucune garantie sur l’efficacité de la structure et décidaient de ce fait de changer d’avis, la fusion proposée pourrait ne pas avoir lieu. Restons donc vigilants.
Il y a aussi, à l’heure du numérique, un véritable problème d’inégalité de répartition de la richesse créée entre producteurs et artistes. Selon l’Adami, la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes, qui représente les artistes-interprètes, sur 9, 99 euros d’abonnement mensuel au streaming, seulement 46 centimes vont aux artistes, contre 4, 57 euros aux producteurs et 1, 96 euro à la plateforme. Il est inconcevable que, au titre du streaming musical, qui par ailleurs représente aujourd’hui la majeure partie du marché et continue de se développer, le talent de l’artiste génère vingt-deux fois plus d’argent qu’il ne lui en rapporte. La nouvelle structure devra également se pencher sur ce problème.