Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 5 juin 2009 à 21h30
Réforme de l'hôpital — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

En tout cas, je préfère la manière dont Mme la ministre nous a répondu, même si nous n’étions pas d'accord avec elle.

Je souhaite également remercier M. le rapporteur, ainsi que l’ensemble de nos collègues.

Mais il est incontestable que nous avons trop souvent dû, notamment au début de l’examen du projet de loi, interrompre la séance pour retourner en commission et examiner en urgence des amendements déposés par le Gouvernement, parfois à la dernière minute. Nous avons dû souvent improviser, ce qui n’est pas un gage de cohérence.

Je voudrais rapidement évoquer chacun des quatre volets de ce projet de loi dit « HPST ».

D’abord, H comme « hôpital ». L’hôpital sortira-t-il renforcé de ce débat, comme vous nous le promettez ? Nous ne le croyons pas.

Cette énième réforme de la gouvernance, qui consacre l’avènement, en bonne logique sarkozyenne, de l’« hôpital entreprise » autour d’un « patron » appelé avant tout à être un bon gestionnaire financier, n’était pas celle qui était attendue par les professionnels concernés. D’ailleurs, ils l’ont dit haut et fort. Même si le travail du Sénat a permis un certain rééquilibrage des pouvoirs au sein de l’hôpital, la rupture est consommée.

Le débat s’est focalisé sur la gouvernance, alors que les véritables problèmes de l’hôpital sont ailleurs. Pour nous, l’application de la tarification à l’activité doit être revue, la convergence tarifaire avec les établissements privés doit être annulée et les missions de service public, comme la prise en charge de tous les patients et de toutes les pathologies, sans exclusive, doivent être financièrement reconnues. Or vous avez refusé toutes ces propositions.

P comme « patients ». Il aurait fallu dire plutôt M comme « médecins ». En effet, dans le titre II de ce texte, on trouve bien plus de dispositions relatives aux professions de santé diverses et variées que de dispositions favorables aux intérêts des patients.

Après le passage du texte au Sénat, les patients ne sont pas du tout à la fête. Vous refusez encore et toujours de vous attaquer à la question des dépassements d’honoraires.

En outre, il ne reste que des demi-mesures en matière d’accès aux soins et de lutte contre les refus de soins. Et encore, madame la ministre, c’est bien aux groupes de gauche que vous devez d’avoir sauvé l’essentiel !

En ce qui concerne la démographie médicale, je suis persuadé que la situation s’aggravera inévitablement si nous ne prévoyons pas dès aujourd’hui des mesures fortes. Ma conviction profonde est que la liberté d’installation ne doit plus être un sujet tabou.

Devant l’insuffisante efficacité des seules incitations financières, il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin et de freiner les installations dans les zones excédentaires. Sans drame, les infirmiers et infirmières ont montré l’exemple, dans une démarche conventionnelle, en subordonnant, dans les zones trop denses, les installations aux départs. Aujourd’hui, les médecins ne peuvent pas rester à l’écart de ce mouvement ; ils doivent s’engager dans une démarche similaire.

Au lieu de les y pousser, chers collègues, vous les encouragez à rester figés sur leurs positions conservatrices. Ce sont les patients qui en paieront le prix. Nous ne pouvons pas l’accepter. Vous faites perdre dix ans à la solution du problème des déserts médicaux. L’augmentation du numerus clausus, fût-il régional, sans mesures d’accompagnement, ne fera qu’aggraver la situation que nous connaissons aujourd’hui.

S comme « santé ». Dès le départ, dans ce texte, la prévention et la santé publique étaient réduites à la portion congrue. Nous avons tous tenté d’étoffer un peu ces dispositions, parfois avec votre soutien, madame la ministre, et nous vous en remercions, mais au final, il n’y a aucune cohérence dans le titre III. On n’y trouve qu’une ribambelle de dispositions diverses et variées. Certaines ont peut-être un intérêt, mais, en tout état de cause, l’ensemble ne permet pas d’élaborer une politique de santé publique digne de ce nom.

Enfin, T comme « territoires ». La création des agences régionales de santé, les ARS, est sûrement la plus grande innovation de ce projet de loi. Au départ, c’était même une idée qui faisait consensus. Mais le problème, c’est que vous avez fait de ces ARS des superstructures technocratiques qui consacrent l’avènement de véritables préfets sanitaires. En effet, un pouvoir sans partage est accordé aux directeurs d’ARS, en même temps qu’est renforcée la chaîne de responsabilité exécutive contrôlée par l’État et que sont affaiblis ou isolés les intérêts locaux et les acteurs territoriaux.

La commission a bien tenté de rééquilibrer tout cela, mais le Gouvernement a réussi à revenir au texte initial.

Au final, nous sommes inquiets et nous nous demandons comment tout cela tiendra la route. Les ARS seront submergées par leurs tâches administratives et gestionnaires et elles s’inscrivent dans une logique d’étatisation, qui n’est assurément pas la meilleure façon de prendre en compte les réalités sanitaires locales.

La création des centres hospitaliers territoriaux, les CHT, constitue à nos yeux un point positif dans la mesure où le dispositif a été amendé par la commission des affaires sociales, qui lui a donné, dirai-je, la souplesse nécessaire.

En bref, on est loin de l’ambition initiale qui était la vôtre, madame la ministre, de moderniser l’ensemble du système de santé. On en est loin parce que, en fait, votre texte ne répond pas aux défis majeurs auxquels est soumis notre système de santé : là où s’imposait une réforme globale, accompagnée d’investissements structurels majeurs, vous proposez une vision cloisonnée et étriquée de notre système. Pour l’hôpital, comme pour la médecine de ville, vous êtes passés, je crois, madame la ministre, chers collègues de la majorité, à côté d’une formidable occasion.

C’est donc sans aucun état d’âme que le groupe socialiste du Sénat votera contre ce projet de loi, sur lequel il demande un scrutin public.

Nous continuons de penser, madame la ministre, que la levée de la déclaration d’urgence de ce texte est nécessaire afin de prendre le temps d’analyser les changements effectués par le Sénat et qui, quoique vous en disiez, sont importants. À défaut, la commission mixte paritaire à venir ressortira probablement au marathon et occultera le nécessaire débat public. L’Assemblée nationale est fondée à réclamer le retour du texte dans son enceinte.

Je ne doute pas que le rapporteur se soit déjà mis quelque peu d’accord, sur l’essentiel, avec son collègue de l’Assemblée nationale, …

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