Intervention de Elisabeth Doineau

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Organisation et transformation du système de santé — Discussion des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 20 juin dernier, j’ai eu l’honneur de présider, pour la première fois, une commission mixte paritaire, celle qui s’est tenue sur ce projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. C’est une première expérience que je qualifierai d’heureuse puisqu’elle s’est soldée par un accord. J’en ai été ravie !

Cette issue n’était pas nécessairement la plus évidente quelques jours plus tôt. L’un des principaux points de blocage portait sur l’article 2, plus précisément sur l’obligation, introduite par le Sénat, pour les futurs médecins généralistes de faire leur dernière année de troisième cycle « en autonomie » dans une zone sous-dotée. La commission mixte paritaire a convenu de ramener la durée à un semestre en « autonomie supervisée ».

Les députés et les sénateurs ont, sur ce point, fait preuve d’un sens des responsabilités qui honore le Parlement. Alors oui, certains regretteront que leurs amendements n’intègrent pas le texte final. J’en connais quelques-uns parmi vous. Mais des compromis ont dû être concédés. J’ai moi-même renoncé à certains de mes amendements pour que, en définitive, le texte soit soutenu par le plus grand nombre, ce qui facilitera son appropriation sur les territoires.

Notre responsabilité pour demain est la suivante : que les professionnels s’emparent de l’ensemble des outils mis à disposition par ce projet de loi et de ceux qui existent déjà pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens. Il est question non pas de reproduire la même organisation des soins de la Bretagne à la région Occitanie, mais de donner à l’ensemble des acteurs des territoires les moyens organisationnels et techniques appropriés.

Les Français nous attendent sur le terrain pour construire avec les usagers, les professionnels de santé et les élus locaux un projet structuré et adapté. Nous voulons faire du sur-mesure en somme, pour gommer progressivement les inégalités territoriales dans l’accès aux soins.

C’est pourquoi je me félicite de ce que perdure dans le texte final l’instauration d’une concertation au moins une fois par an entre le directeur général de l’ARS et les élus locaux sur l’organisation territoriale des soins. Dans le même esprit, les élus pourront demander à inscrire toute question à l’ordre du jour. Ils pourront, enfin, solliciter l’organisation d’une réunion spécifique lorsque les circonstances le justifieront.

Que retenir, in fine, du texte issu de la commission mixte paritaire ?

Concernant les études en santé, nous avons entériné la suppression du numerus clausus, péage injustement trop sélectif. Désormais, le nombre d’étudiants autorisés à passer en deuxième année sera décidé au niveau de chaque université, en liaison avec les agences régionales de santé suivant les besoins des territoires.

Ensuite, nous avons convenu que la diversification et la multiplication des lieux de stage sont une priorité, si ce n’est « la » priorité. Les stages sont un levier majeur pour faire découvrir aux futurs professionnels les réalités des territoires fragiles ainsi que la richesse des modes d’exercice, et mieux orienter ainsi les vocations. Mais il n’est pas possible de développer les stages sans, dans le même temps, développer l’émergence des maîtres de stage. L’année dernière, leur nombre a augmenté de 14 %, soit 10 736 praticiens référencés. C’est important, mais il nous faut aller plus loin.

En termes d’organisation, l’accent est mis sur le développement des projets territoriaux de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé. Je souscris à ces orientations, qui doivent prendre désormais leur pleine mesure. Mises à la disposition des professionnels de santé et constituées à leur initiative, ces organisations ont tous les atouts pour s’adapter au contexte local, pour structurer les liens ville-hôpital et pour fédérer les coopérations.

En contrepartie d’un financement maximal de 380 000 euros, l’objectif est de faciliter l’accès à un médecin traitant et d’améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville.

Rappelons que 8, 6 % des Français n’ont pas de médecins traitants, ce qui les exclut du parcours de soins prévu par la loi et les prive d’un suivi régulier et adapté, ainsi que d’un meilleur remboursement des frais engagés.

En complément du projet territorial, j’avais proposé que les médecins puissent être désignés conjointement médecins traitants dès lors qu’ils participent à une même communauté professionnelle territoriale de santé. La commission mixte paritaire a jugé cette mesure prématurée. J’entends l’argument. Cette proposition devra néanmoins être réévaluée lorsque les CPTS seront plus matures et auront maillé l’ensemble du territoire. Ces dernières décennies, nos dirigeants ont fortement manqué d’anticipation sur les besoins en santé des Français. Il n’est pas juste que nos concitoyens en payent les conséquences. Des points d’ajustements sont à mon sens nécessaires.

J’ajouterai un point de vigilance sur les CPTS : là où les professionnels sont si peu nombreux qu’ils sont trop accaparés par la patientèle, dégager un temps suffisant à consacrer à la réflexion d’une nécessaire organisation territoriale relève de l’exploit.

Il faut en tenir compte et répondre à cette réalité.

Si les assistants médicaux doivent d’abord permettre de libérer du temps médical, il est probable que ce temps disponible soit en définitive utilisé uniquement pour participer au travail de coordination.

Dans cet esprit de réorganisation territoriale de l’offre de soins, le projet de loi crée les hôpitaux de proximité. Ils assureront le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers : médecine, gériatrie, réadaptation, entre autres. Ils n’auront cependant pas d’activité d’obstétrique ou de chirurgie, sauf dérogation.

Mais la presse se fait régulièrement l’écho d’accouchements inopinés hors établissement à la suite de la fermeture d’une maternité. Madame la ministre, vous devez apporter une réponse forte à cette angoisse des jeunes et futurs parents avec le « pack maternité », qui devrait être intégré au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Pourriez-vous envisager d’y travailler en amont avec quelques parlementaires et, éventuellement, avec le groupe-contact national que vous avez mis en place ? Les élus ont en effet de fortes attentes à cet égard.

Enfin, je tiens à attirer votre attention sur deux points qui ont été rappelés par mes collègues.

D’une part, malgré votre volonté d’apurer la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne, celle-ci ne sera pas réglée pour un certain nombre d’entre eux, ce qui créera de facto une injustice ou du moins un sentiment d’injustice qui ne peut être oublié.

D’autre part, je note la désaffection significative des étudiants pour les métiers d’aide-soignant, d’infirmier, et d’autres professions du soin et de l’accompagnement des personnes âgées et handicapées. Est-ce une question de représentation ou de rémunération ? Les écoles ont actuellement beaucoup de mal à atteindre leurs objectifs, comme j’ai pu le constater en Côte-d’Or la semaine dernière. Quelques ajustements du dispositif Parcoursup seraient sans doute nécessaires.

Pour conclure, je suis convaincue de la nécessité du dialogue et de l’accompagnement. Il convient de communiquer au plus près du terrain pour fédérer tous les acteurs et favoriser le partage des responsabilités afin d’imprimer une véritable dynamique.

Le chantier de la réorganisation de notre système de santé passera davantage par le terrain que par la loi. Votons donc définitivement ce projet de loi et mobilisons-nous sur le terrain !

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