Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 16 juillet 2019 à 14h30
Énergie et climat — Discussion générale

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

C’est seulement par voie d’amendement que le secteur du logement a été ajouté à l’Assemblée nationale !

Le projet de loi porte une seule ambition, ou presque : atteindre la neutralité carbone en 2050. C’est un bon objectif, mais encore faut-il savoir comment on y parvient. En la matière, le texte ne comportait qu’une seule mesure concrète – la fermeture des quatre dernières centrales à charbon d’ici à 2022 –, qui n’y suffira pas. Comme si l’essentiel était renvoyé à la convention citoyenne pour le climat, et si le Gouvernement comptait se défausser sur des citoyens tirés au sort…

En s’inscrivant dans la mécanique de la loi de 2015, ce texte organise aussi le dessaisissement du Parlement : on nous demande d’entériner dans la loi des évolutions décidées à l’avance, dans un projet de décret. En inversant ainsi la hiérarchie des normes, c’est un vrai problème de démocratie que l’on pose. Fort heureusement, grâce aux initiatives combinées de l’Assemblée nationale et de notre commission, c’est la dernière fois que nous vivons une telle situation : pour la prochaine PPE, c’est bien le Parlement qui fixera le cap et les priorités d’action, et ce sont la PPE et la stratégie bas-carbone qui seront chargées de les décliner !

Nous allons encore plus loin, en corrigeant une autre anomalie démocratique : celle qui fait que, aujourd’hui, c’est par simple décret qu’est fixé le volume des CEE, qui représentent pourtant plus de 3 milliards d’euros par an prélevés sur les consommateurs, soit 3 % à 4 % de leurs dépenses d’énergie. En 2023, c’est la loi qui fixera ce volume, sur la base d’une évaluation du gisement faite par l’Ademe.

En matière de nucléaire, la loi a au moins le mérite de reconnaître que la date de 2025 était non seulement irréaliste, mais surtout contre-productive sur le plan du climat, puisqu’il aurait fallu faire appel à des moyens thermiques supplémentaires pour assurer notre approvisionnement. Mais, désormais, c’est la question du nouveau nucléaire qu’on laisse en suspens, alors que le GIEC juge lui-même que le nucléaire fait partie des solutions pour limiter le réchauffement climatique.

Dans le cadre contraint fixé par les articles du texte initial, notre commission a cherché à promouvoir sa vision d’une bonne politique énergétique. Pour donner de la visibilité aux filières dans lesquelles la France a encore une carte industrielle à jouer, nous avons fixé des objectifs ambitieux, mais réalistes : atteindre au moins 27 gigawatts de capacités hydroélectriques installées en 2028 ; augmenter les capacités d’éolien en mer d’au moins un gigawatt par an d’ici à 2024, pour traduire dans la loi l’annonce faite par le Premier ministre dans son discours de politique générale ; cibler 8 % de biogaz en 2028 pour respecter l’objectif des 10 % fixé par la loi en 2030, alors que ce n’est pas le chemin que prend la PPE, ce qui est quand même un comble !

Sur le soutien au biogaz, j’entends bien les considérations budgétaires ; nous y sommes très attentifs, car c’est toujours le consommateur d’énergie qui paie à la fin. Mais j’observe qu’on consacre 7 milliards à 8 milliards d’euros par an pour l’électricité renouvelable, parfois pour des filières qui sont matures ou en passe de l’être, et que, dans le même temps, on hésite à mettre les quelques centaines de millions nécessaires au démarrage d’une filière non intermittente, riche en emplois localisés et porteuse de nombreuses externalités positives. Certes, comme en toute chose, il faut éviter les excès et s’assurer de la disponibilité de la ressource à l’échelle locale.

Pour accompagner nos industries françaises et européennes, ce sont aussi nos dispositifs de soutien qu’il faut revoir. Notre commission a voulu poser un principe : la prise en compte dans tous les mécanismes d’aides publiques du bilan carbone des projets. On veut mesurer notre empreinte carbone dans tous les secteurs. Il n’y a pas de raison que les énergies renouvelables fassent exception. Au contraire ! C’est leur objet même de décarboner notre énergie. Ce sera bon pour le climat et pour nos entreprises. Le droit européen ne s’y oppose pas, pourvu que ce bilan carbone soit analysé de manière transparente et non discriminatoire.

Pour encourager l’essor des énergies renouvelables, la commission a aussi consolidé ou ajouté plusieurs dispositifs, que ce soit pour simplifier encore les augmentations de puissance des installations hydroélectriques concédées, sans remise en concurrence ; faciliter le déploiement de centrales photovoltaïques sur les sites dégradés en zone littorale ; ou concilier le développement du solaire au sol aux abords des routes avec la préservation des surfaces agricoles.

Pour ne pas déstabiliser la filière du biogaz, nous avons aussi reporté de dix-huit mois la réforme des garanties d’origine et prévu un accès privilégié des collectivités à ces garanties pour préserver le lien avec les territoires. Sur ce point, je vous proposerai d’aller encore plus loin en séance.

En matière de rénovation énergétique des logements, la commission a souhaité tourner la page de la mise sous séquestre, qui avait un temps été imaginée à l’Assemblée nationale. Elle a réaffirmé la primauté de l’incitation, de l’information et de l’accompagnement sur la sanction. Non seulement la contrainte touche aussi les propriétaires occupants ou bailleurs aux revenus modestes, mais elle se révèle souvent contre-productive, notamment parce qu’elle sort un grand nombre de logements du marché. Nous avons donc renforcé l’information des locataires et des acheteurs, en ajoutant notamment le montant des dépenses théoriques dans le DPE, tout en rendant les dispositifs plus progressifs, avec un report à 2024 du conditionnement de la révision des loyers en zone tendue à l’atteinte d’une certaine performance énergétique.

La commission a aussi cherché à mieux accompagner les salariés concernés par la fermeture des centrales à charbon, ainsi que les consommateurs dans le cadre de la fin totale ou partielle des tarifs réglementés. Pour les premiers, nous avons réaffirmé le rôle de l’État dans la mise en place des mesures de reclassement et dit qu’il devra être tenu compte, quand ce sera possible, du statut des salariés. Pour les consommateurs, nous avons réintroduit le principe, déjà voté par le Sénat dans la loi Pacte, d’un prix de référence indicatif du gaz, qui sera calculé par la CRE et qui pourra servir de point de repère.

Enfin, sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’Arenh, la solution proposée par le Gouvernement répond à l’évidence à un enjeu de court terme, celui d’éviter la hausse des tarifs en cas d’atteinte du plafond. Elle n’exonère pas d’une réforme globale d’un système qui est aujourd’hui à bout de souffle. Sur ce point comme sur la réorganisation envisagée d’EDF, nous serons vigilants, je pense, sur toutes les travées, pour qu’un élément fort de notre patrimoine commun ne soit pas remis en cause.

En attendant, et même s’il s’agit d’une solution transitoire, on ne peut pas passer par pertes et profits la juste rémunération du parc historique. Pour concilier cet objectif avec celui, tout aussi légitime, de la stabilité des prix, la commission a lié le relèvement du plafond à la révision du prix et a mentionné explicitement la prise en compte de l’inflation, puisque le prix n’a pas évolué depuis 2012. On nous dit que la Commission européenne n’acceptera jamais la révision du prix. Si tel était le cas, pourquoi le Gouvernement fait-il croire que cette révision pourrait avoir lieu ?

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