Les rapports d'une centaine de pages présentent à la fois un inconvénient et un avantage : chacun y trouve ce qui correspond le mieux à ce qu'il souhaite démontrer. La conclusion générale de ce rapport est excellente et me convient parfaitement : comme on l'enseigne à Sciences Po, elle ferme une porte et ouvre une fenêtre, celle de la ville moyenne. Mais nous ne sommes pas près de revoir une France des villes moyennes, en perdition à cause de la désindustrialisation de notre pays. Lorsqu'une économie passe du secondaire au tertiaire, elle se métropolise, avec en arrière-plan des choix de politique économique qui dépassent le cadre national.
En revanche, je suis très réservé sur le chapitre intitulé : « La gratuité des transports collectifs : un choix politique », pages 31 et 32. C'est effectivement un choix politique. Il aurait mieux valu l'intituler « Plaidoyer pour la gratuité des transports collectifs urbains » - car le rural a manifestement été évacué. Juste avant de conclure qu'il faut « dépassionner un débat qui souffre trop souvent de positions de principe et d'idées préconçues », le rapport note : « Comme le disait si justement le biologiste Albert Jacquard »... On évite généralement ce genre d'appréciations - d'autant que, sans méconnaître les compétences d'Albert Jacquard en biologie, comme les starlettes il avait un avis sur toute chose.
Ce rapport sous-entend ainsi que penser autre chose que ce qui est écrit sur ces deux pages, c'est être un passionné, prisonnier de ses idées préconçues. C'est un plaidoyer de la première à la dernière ligne. Vous évaluez ce que coûte l'entretien du réseau routier, sans faire état des taxes payées par les automobiles et les camions. Or il m'avait toujours semblé que ces derniers étaient les vaches à lait de l'État... Il n'aurait pas été inutile de chiffrer ce que rapportent ces usagers, sans compter le versement transport des entreprises, dont je les entends sans cesse se plaindre.
On peut aussi se demander combien coûte au contribuable la SNCF, perpétuellement en déficit - sans compter son régime de retraites - alors que sa contribution au transfert modal de la route vers le rail diminue chaque année.
Que coûtent les transports en commun urbains au contribuable ? Vous avez fort bien souligné que c'est à Paris que les usagers contribuent le moins au financement du transport collectif : 30 % viennent de leur poche contre 70 % ailleurs. C'est donc quand la participation de l'usager devient marginale que la gratuité est envisagée. Quand il ne paie pas grand-chose, c'est déjà trop...
Certaines comparaisons me préoccupent : le rapport suggère que les mobilités soient gratuites - pour les seuls urbains évidemment. Or la santé, c'est la vie et la mort. L'éducation, c'est la différence entre une vie active et une vie inactive. Ce sont deux besoins fondamentaux, que l'on ne peut pas mettre au même niveau que les transports collectifs. On a toujours la possibilité de ne pas se déplacer. Qui trop embrasse mal étreint : je ne voterai pas ce rapport.