Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 27 octobre 2008 à 16h00
Revenus du travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Xavier Bertrand, ministre :

Tous nos efforts, toutes les réformes engagées depuis plus d’un an en matière économique et sociale ont permis de donner une place centrale à la valeur travail.

Avec ce texte, comme l’a rappelé le Président de la République, il s’agit de donner au travail la juste part des richesses qu’il contribue à produire et de le faire dans le cadre du dialogue social.

Il est évident qu’une société qui propose la juste rétribution des efforts de chacun et qui privilégie la discussion est plus forte et mieux armée pour affronter la compétition économique ou les difficultés économiques.

Il est également évident que le capital et le travail sont tous les deux indispensables au développement économique et à la vitalité d’une entreprise : l’un ne va pas sans l’autre, et les opposer n’a jamais rien produit de positif.

La participation, ce sont 5 millions de salariés qui ont touché un peu plus de 7 milliards d’euros en 2006.

L’intéressement, ce sont 4, 3 millions de salariés qui ont bénéficié de 7 milliards d’euros. Voilà des outils importants pour continuer à améliorer les revenus des Français.

L’intéressement et la participation donnent donc déjà des résultats, mais nous devons faire plus et mieux, car, aujourd’hui, ces dispositifs restent essentiellement limités aux grandes entreprises : seul un salarié sur dix dans les PME de moins de cinquante salariés en bénéficie.

Or les PME sont des acteurs clés du développement : c’est là que nous saurons trouver de nouveaux gisements de croissance. Il nous faut à la fois dynamiser et faire plus largement connaître les bénéfices de ce système, et ce au plus près du terrain.

Alors que nous traversons une conjoncture économique difficile, il est d’autant plus crucial d’élargir les marges de manœuvre des entreprises et d’offrir davantage de possibilités pour augmenter les revenus.

Aujourd'hui, 6 millions de salariés ne bénéficient ni de l’intéressement ni de la participation. C’est cette situation qu’il nous faut changer.

Ce projet de loi, nous l’avons préparé avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, et nous avons voulu qu’il permette de développer les revenus du travail, rapidement et efficacement. Il comporte deux versants complémentaires : l’intéressement et la participation, pour mieux associer les salariés à la réussite économique des entreprises ; les salaires, parce qu’il faut aujourd’hui moderniser et dynamiser la politique salariale dans notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présenterai maintenant les détails qui concernent l’intéressement, la participation et le SMIC, avant que Laurent Wauquiez vous expose plus précisément la conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises et les branches.

L’intéressement et la participation sont de grandes idées, nous en convenons tous. Dès lors, pourquoi ne pas en faire profiter le plus grand nombre de salariés, notamment dans les PME ?

Ce projet de loi s’inscrit dans une relance plus générale de la participation, cette association entre le capital et le travail lancée, voilà plus de cinquante ans, par le général de Gaulle.

Notre projet de loi fixe des objectifs simples.

Les entreprises doivent tout d’abord distribuer davantage à leurs salariés. Pour cela, il faut développer l’intéressement. Ainsi mettons-nous en place un crédit d’impôt de 20 % sur les sommes supplémentaires versées : c’est simple et c’est immédiat. Si un chef d’entreprise distribue en plus 1 000 euros d’intéressement à ses salariés, il bénéficiera d’un crédit d’impôt de 200 euros.

Pour inciter les entreprises à jouer le jeu sans attendre et pour permettre aux salariés de percevoir immédiatement une prime, le projet de loi autorise les entreprises qui auront déjà signé un accord d’intéressement avant la mi-2009 de verser aux salariés une prime de 1 500 euros exonérée de charges et d’impôt.

Sur ce sujet, j’ai bien entendu la proposition formulée par la commission des finances et par vous-même, monsieur le rapporteur pour avis. Mais, sans crédit d’impôt, nous n’atteindrons jamais l’objectif : nous ne ferons pas bénéficier de l’intéressement un plus grand nombre de salariés, en doublant, comme nous le souhaitons, les montants versés au titre de l’intéressement.

Or nous avons, me semble-t-il, trouvé un point d’équilibre avec les différents acteurs, notamment les parlementaires. Monsieur Dassault, si je comprends bien le sens et la portée de votre proposition, il n’est pas possible, selon moi, de la retenir aujourd'hui, au risque de bouleverser l’équilibre qui a été trouvé et qui repose – j’assume ce choix – sur l’incitation.

En outre, l’Assemblée nationale a permis de prévoir dans les accords d’intéressement des possibilités de reconduction tacite, ce qui facilitera également la vie des entreprises. Ce qui marche, c’est ce qui est simple. Voilà aussi pourquoi cette mesure était de bon sens.

Nous voulons aussi faire confiance aux salariés, en leur laissant la liberté de choix : au moment où ils percevront leur participation, ils pourront soit disposer tout de suite de leur épargne, soit la bloquer.

Il est temps de sortir d’une conception qui consistait à choisir à la place du salarié. Ce n’est pas au ministre du travail, derrière son bureau, de choisir à la place du salarié. C’est à ce dernier de savoir s’il souhaite se constituer une épargne automatique, en prenant avant tout en compte, pour lui-même et par lui-même, sa situation, ses projets, voire ses besoins.

Naturellement, cette réforme n’entrera en vigueur que pour les droits à participation nouvellement distribués ; elle ne modifiera pas les cas de déblocage anticipé qui existent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens également à souligner que cette réforme ne réduira pas non plus l’intérêt et le développement de l’épargne salariale. Celle-ci poursuivra son essor. Je sais que beaucoup d’entre vous, sur toutes ces travées, notamment vous-même, madame le rapporteur, y sont légitimement attachés.

L’Assemblée nationale a complété la liberté de choix par plusieurs dispositions importantes, qui répondent aux attentes formulées par les entreprises elles-mêmes et en leur sein. Elle a ouvert la possibilité d’abonder la participation bloquée comme pour l’intéressement, ainsi que la possibilité de bloquer par accord collectif la partie de la participation qui excède l’application de la formule légale.

En simplifiant les règles, nous voulons développer l’attrait de ces mécanismes, pour les entreprises comme pour les salariés : plus d’intéressement et plus de participation, c’est plus de revenus qui viennent s’ajouter aux salaires.

J’ai bien dit « ajouter », car l’intéressement et la participation ne remplacent pas les salaires : ils viennent en plus des salaires ! C’est d’ailleurs pourquoi ce projet de loi est un tout, que nous vous présentons à deux, Laurent Wauquiez et moi-même.

Ce texte dynamise également la politique salariale, l’échelle des salaires et la négociation sur les salaires.

L’Assemblée nationale a voulu étendre le bénéfice de ces outils aux chefs d’entreprises employant jusqu’à deux cent cinquante salariés. Il est en effet logique que tout le monde puisse être associé aux performances de l’entreprise, tout comme il est logique que la rémunération des dirigeants soit liée aux succès de l’entreprise.

En ce domaine, le Président de la République a souligné combien il était primordial, particulièrement dans la conjoncture actuelle, de moraliser les pratiques de notre économie, notamment pour ce qui concerne la rémunération des dirigeants.

Comme vous le savez, le MEDEF et l’AFEP, l’Association française des entreprises privées, ont fait, sur ce sujet, des recommandations intéressantes.

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