Séance en hémicycle du 27 octobre 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Clouet, maire honoraire de Vincennes, qui fut sénateur du Val-de-Marne de 1986 à 2004.

Au nom de M. le président du Sénat et du Sénat tout entier, je tiens à exprimer nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

J’informe le Sénat que Mme Éliane Assassi remplace Mme Annie David au sein du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, lors du scrutin public sur l'ensemble du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, mon collègue Robert Tropeano a été porté comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, en faveur des revenus du travail (no 502, 2007-2008 ; n° 43, 48).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Mme Isabelle Debré, rapporteur, applaudissent.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez notre projet : remettre le travail au cœur de notre modèle de société.

En effet, pour partager des richesses, il faut d’abord les créer. Or c’est par le travail que l’on crée des richesses et, donc, du pouvoir d’achat. C’est par le travail que l’on prépare mieux l’avenir de la société. C’est aussi par le travail que l’on peut améliorer sa situation professionnelle et personnelle.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Tous nos efforts, toutes les réformes engagées depuis plus d’un an en matière économique et sociale ont permis de donner une place centrale à la valeur travail.

Avec ce texte, comme l’a rappelé le Président de la République, il s’agit de donner au travail la juste part des richesses qu’il contribue à produire et de le faire dans le cadre du dialogue social.

Il est évident qu’une société qui propose la juste rétribution des efforts de chacun et qui privilégie la discussion est plus forte et mieux armée pour affronter la compétition économique ou les difficultés économiques.

Il est également évident que le capital et le travail sont tous les deux indispensables au développement économique et à la vitalité d’une entreprise : l’un ne va pas sans l’autre, et les opposer n’a jamais rien produit de positif.

La participation, ce sont 5 millions de salariés qui ont touché un peu plus de 7 milliards d’euros en 2006.

L’intéressement, ce sont 4, 3 millions de salariés qui ont bénéficié de 7 milliards d’euros. Voilà des outils importants pour continuer à améliorer les revenus des Français.

L’intéressement et la participation donnent donc déjà des résultats, mais nous devons faire plus et mieux, car, aujourd’hui, ces dispositifs restent essentiellement limités aux grandes entreprises : seul un salarié sur dix dans les PME de moins de cinquante salariés en bénéficie.

Or les PME sont des acteurs clés du développement : c’est là que nous saurons trouver de nouveaux gisements de croissance. Il nous faut à la fois dynamiser et faire plus largement connaître les bénéfices de ce système, et ce au plus près du terrain.

Alors que nous traversons une conjoncture économique difficile, il est d’autant plus crucial d’élargir les marges de manœuvre des entreprises et d’offrir davantage de possibilités pour augmenter les revenus.

Aujourd'hui, 6 millions de salariés ne bénéficient ni de l’intéressement ni de la participation. C’est cette situation qu’il nous faut changer.

Ce projet de loi, nous l’avons préparé avec Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, et nous avons voulu qu’il permette de développer les revenus du travail, rapidement et efficacement. Il comporte deux versants complémentaires : l’intéressement et la participation, pour mieux associer les salariés à la réussite économique des entreprises ; les salaires, parce qu’il faut aujourd’hui moderniser et dynamiser la politique salariale dans notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présenterai maintenant les détails qui concernent l’intéressement, la participation et le SMIC, avant que Laurent Wauquiez vous expose plus précisément la conditionnalité des allégements de charges pour les entreprises et les branches.

L’intéressement et la participation sont de grandes idées, nous en convenons tous. Dès lors, pourquoi ne pas en faire profiter le plus grand nombre de salariés, notamment dans les PME ?

Ce projet de loi s’inscrit dans une relance plus générale de la participation, cette association entre le capital et le travail lancée, voilà plus de cinquante ans, par le général de Gaulle.

Notre projet de loi fixe des objectifs simples.

Les entreprises doivent tout d’abord distribuer davantage à leurs salariés. Pour cela, il faut développer l’intéressement. Ainsi mettons-nous en place un crédit d’impôt de 20 % sur les sommes supplémentaires versées : c’est simple et c’est immédiat. Si un chef d’entreprise distribue en plus 1 000 euros d’intéressement à ses salariés, il bénéficiera d’un crédit d’impôt de 200 euros.

Pour inciter les entreprises à jouer le jeu sans attendre et pour permettre aux salariés de percevoir immédiatement une prime, le projet de loi autorise les entreprises qui auront déjà signé un accord d’intéressement avant la mi-2009 de verser aux salariés une prime de 1 500 euros exonérée de charges et d’impôt.

Sur ce sujet, j’ai bien entendu la proposition formulée par la commission des finances et par vous-même, monsieur le rapporteur pour avis. Mais, sans crédit d’impôt, nous n’atteindrons jamais l’objectif : nous ne ferons pas bénéficier de l’intéressement un plus grand nombre de salariés, en doublant, comme nous le souhaitons, les montants versés au titre de l’intéressement.

Or nous avons, me semble-t-il, trouvé un point d’équilibre avec les différents acteurs, notamment les parlementaires. Monsieur Dassault, si je comprends bien le sens et la portée de votre proposition, il n’est pas possible, selon moi, de la retenir aujourd'hui, au risque de bouleverser l’équilibre qui a été trouvé et qui repose – j’assume ce choix – sur l’incitation.

En outre, l’Assemblée nationale a permis de prévoir dans les accords d’intéressement des possibilités de reconduction tacite, ce qui facilitera également la vie des entreprises. Ce qui marche, c’est ce qui est simple. Voilà aussi pourquoi cette mesure était de bon sens.

Nous voulons aussi faire confiance aux salariés, en leur laissant la liberté de choix : au moment où ils percevront leur participation, ils pourront soit disposer tout de suite de leur épargne, soit la bloquer.

Il est temps de sortir d’une conception qui consistait à choisir à la place du salarié. Ce n’est pas au ministre du travail, derrière son bureau, de choisir à la place du salarié. C’est à ce dernier de savoir s’il souhaite se constituer une épargne automatique, en prenant avant tout en compte, pour lui-même et par lui-même, sa situation, ses projets, voire ses besoins.

Naturellement, cette réforme n’entrera en vigueur que pour les droits à participation nouvellement distribués ; elle ne modifiera pas les cas de déblocage anticipé qui existent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens également à souligner que cette réforme ne réduira pas non plus l’intérêt et le développement de l’épargne salariale. Celle-ci poursuivra son essor. Je sais que beaucoup d’entre vous, sur toutes ces travées, notamment vous-même, madame le rapporteur, y sont légitimement attachés.

L’Assemblée nationale a complété la liberté de choix par plusieurs dispositions importantes, qui répondent aux attentes formulées par les entreprises elles-mêmes et en leur sein. Elle a ouvert la possibilité d’abonder la participation bloquée comme pour l’intéressement, ainsi que la possibilité de bloquer par accord collectif la partie de la participation qui excède l’application de la formule légale.

En simplifiant les règles, nous voulons développer l’attrait de ces mécanismes, pour les entreprises comme pour les salariés : plus d’intéressement et plus de participation, c’est plus de revenus qui viennent s’ajouter aux salaires.

J’ai bien dit « ajouter », car l’intéressement et la participation ne remplacent pas les salaires : ils viennent en plus des salaires ! C’est d’ailleurs pourquoi ce projet de loi est un tout, que nous vous présentons à deux, Laurent Wauquiez et moi-même.

Ce texte dynamise également la politique salariale, l’échelle des salaires et la négociation sur les salaires.

L’Assemblée nationale a voulu étendre le bénéfice de ces outils aux chefs d’entreprises employant jusqu’à deux cent cinquante salariés. Il est en effet logique que tout le monde puisse être associé aux performances de l’entreprise, tout comme il est logique que la rémunération des dirigeants soit liée aux succès de l’entreprise.

En ce domaine, le Président de la République a souligné combien il était primordial, particulièrement dans la conjoncture actuelle, de moraliser les pratiques de notre économie, notamment pour ce qui concerne la rémunération des dirigeants.

Comme vous le savez, le MEDEF et l’AFEP, l’Association française des entreprises privées, ont fait, sur ce sujet, des recommandations intéressantes.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il faut maintenant que chacun des conseils d’administration des sociétés concernées s’engage à les respecter. Formuler des recommandations, c’est bien ; prendre des décisions, c’est encore mieux ! Il nous faut aujourd'hui attendre de telles décisions, tout en sachant que – j’y insiste – l’Autorité des marchés financiers établira chaque année un rapport sur la mise en œuvre de ces recommandations.

De son côté, le Gouvernement prend ses responsabilités sans tarder. Nous avons déposé un amendement tendant à mettre en place, dans les entreprises qui versent des stock-options à certains dirigeants, un dispositif comparable pour les salariés sous forme d’actions gratuites, de stock-options, d’intéressement ou de participation.

Les stock-options réservées à certains, c’est terminé ! Cette possibilité existera désormais pour tous. Tel est l’esprit de ce projet de loi en faveur des revenus du travail.

Mme Catherine Procaccia applaudit. – Mmes Nicole Bricq et Annie David s’exclament .

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’ai cru comprendre, dans les propos tenus au sujet des banques, que cette proposition recueillait le soutien de tous, et j’en suis très heureux.

M. Guy Fischer proteste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cette proposition me tient particulièrement à cœur. En effet, si nous voulons renforcer les solidarités dans l’entreprise et faire reconnaître encore davantage la valeur du travail, il nous faut instaurer une forme de solidarité dans les rémunérations.

Nous pensons aussi à ceux dont la rémunération se situe en bas de l’échelle des salaires. C’est pourquoi nous voulons moderniser le mode de fixation du SMIC.

Depuis trop longtemps, la fixation du SMIC est devenue un rendez-vous politique de plus en plus déconnecté de la réalité économique et sociale.

Les « coups de pouce » gouvernementaux, les multiples SMIC qu’il nous a fallu unifier en raison des 35 heures, le rendez-vous annuel autour des partenaires sociaux qui plaident, les uns, pour une augmentation significative, les autres, pour un statu quo, n’ont pas vraiment conduit à améliorer la situation des salariés et des entreprises.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ils n’ont pas davantage permis de disposer d’une « rémunération plancher » dynamique, tant pour la croissance des entreprises que pour l’échelle des salaires. Il faut donc que l’évolution du SMIC ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... soit davantage en phase avec les conditions économiques et le rythme des négociations salariales, et que l’on puisse sortir de ce qui est devenu un véritable jeu de rôle, notamment politique.

En avançant la date de la revalorisation annuelle au 1er janvier, nous voulons donner de la visibilité aux négociations salariales annuelles dans les entreprises et les branches. En effet, l’ensemble des négociations salariales pâtissent du fait que cette date est actuellement fixée au 1er juillet, car il ne se passe rien ou presque au cours des mois de juillet et août.

Nous ne changeons rien aux règles légales de fixation et de revalorisation du SMIC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous souhaitons tout simplement obtenir un éclairage supplémentaire.

Nous proposons que des experts indépendants soient consultés §et remettent chaque année à la Commission nationale de la négociation collective et au Gouvernement un rapport sur les évolutions souhaitables du SMIC.

Il s’agit de faire en sorte que la fixation du SMIC soit l’objet d’une analyse sereine, objective et indépendante, comme chez nos voisins européens, tout simplement. L’Assemblée nationale a voulu que cette analyse soit faite par un groupe d’experts indépendants et non par une commission supplémentaire. Ce message, qui émanait également des sénateurs, a été bien reçu. Les moyens de ce groupe d’experts seront mutualisés avec ceux d’une instance existante.

Enfin, nous allons conditionner les allégements de charges, pour qu’ils soient versés à ceux qui jouent le jeu de la négociation salariale.

Laurent Wauquiez vous exposera plus en détail cet axe de notre projet, mais je veux souligner certains points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Est-il normal que presque le quart des entreprises qui ont l’obligation légale de négocier chaque année sur les salaires n’en fassent rien ? Non, bien sûr !

Il ne s’agit pas d’augmenter les salaires par la loi, mais l’État peut choisir de retirer des allégements de charges sociales à ceux qui ne respectent pas un engagement minimal, à savoir dialoguer et échanger avec les représentants des salariés sur les possibilités de revalorisation salariales.

Les entreprises qui ne respecteront pas leur obligation de négociations salariales se verront retirer 10 % des allégements de charges dont elles bénéficient.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En outre, il n’est pas admissible que des minima salariaux fixés par la négociation de branche soient encore inférieurs au SMIC.

Avant de conclure, je veux souligner un dernier point qui est, à mes yeux, essentiel.

Il faut que chaque entreprise puisse mettre en œuvre ce système de la façon la plus simple et la plus adaptée à sa situation. C’est pourquoi je souhaite que nous fassions ensemble un effort de pédagogie sur le sujet, ce que j’appelle le « service après vote ». Je suis en effet convaincu qu’une réforme n’existe vraiment que lorsqu’elle est appliquée, lorsqu’elle entre dans le quotidien de nos concitoyens, lorsque ceux-ci la comprennent et en mesurent les effets, en un mot, lorsqu’ils se l’approprient.

Durant tout le débat parlementaire, et donc avant le vote, le Gouvernement sera attentif aux propositions que vous pourrez faire pour améliorer ce texte. Je veux d’ores et déjà saluer le travail de la commission des affaires sociales, de son président, de ses membres et de son rapporteur, Isabelle Debré, dont les propositions d’amendements permettront d’enrichir le présent projet de loi. Je tiens à la remercier pour sa contribution et son implication. Je salue également le regard exigeant de la commission des finances et de son rapporteur pour avis, Serge Dassault.

Avec ce texte, nous envoyons un signal clair aux entreprises et aux salariés. Nous créons les conditions pour favoriser davantage ceux qui travaillent dans le partage des richesses, ...

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

... pour développer le dialogue social et pour mieux associer les salariés aux succès de leur entreprise. Nous pensons qu’il est juste que les salariés touchent le dividende de leur travail, de même que les actionnaires perçoivent le dividende de leur investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Il vaut mieux entendre cela que d’être sourd !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Avec ce projet de loi, l’action politique prend tout son sens moderne : la loi incite et fixe un cap, mais ce sont les acteurs de l’entreprise qui lui donnent sa portée pratique.

Ambition et pragmatisme, tels sont les deux aspects de ce texte attendu.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous présentons, avec Xavier Bertrand et Christine Lagarde, revêt une actualité toute particulière dans le contexte économique que nous connaissons.

Face aux difficultés auxquelles se heurtent les uns et les autres, des réflexions s’engagent, notamment sur la question du partage des revenus entre la rémunération du capital et celle du travail. Ce projet de loi s’adresse précisément à ceux qui n’ont que leur travail pour capital !

Pour cela, il est nécessaire de moderniser et d’adapter les règles qui déterminent les rémunérations dans notre pays, non pas en légiférant de manière exceptionnelle, dans l’urgence, mais en réformant en profondeur les modes de négociation salariale. Cette philosophie, comme l’a rappelé Xavier Bertrand, est celle de la revalorisation du travail.

Ce projet de loi, qui est complémentaire par rapport à la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, s’adresse en priorité aux ménages des classes moyennes modestes, qui ont été trop souvent les grands oubliés des politiques salariales menées depuis vingt-cinq ans.

En effet, au cours des vingt-cinq dernières années, on a pratiqué une politique publique des rémunérations qui consistait uniquement à revaloriser le SMIC. Le SMIC est alors devenu l’outil d’une politique de revenu et pas seulement d’une politique de salaire plancher. Les débats se sont donc concentrés uniquement sur les fameux « coups de pouce », qui expliquent à eux seuls 60 % des hausses du SMIC depuis sa création en 1970, sans que l’on se demande jamais quel effet ces coups de pouce pouvaient avoir sur l’ensemble des salaires.

Il ne s’agit bien évidemment pas de tuer le SMIC, mais je rappelle que, pour 85 % de nos concitoyens, le SMIC n’est pas le seul mode de fixation des salaires.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Nous devons donc éviter d’en faire l’alpha et l’oméga de toute notre politique salariale. Ce n’est que l’arbre qui cache la forêt, cette forêt dans laquelle se trouvent la majorité des salariés.

On a, du coup, oublié précisément ceux qui gagnent juste un peu plus que le SMIC. Or les autres salaires n’ont pas suivi la même progression. L’écart entre le SMIC et le salaire des classes moyennes modestes s’est ainsi resserré année après année.

Le résultat est simple.

L’économie française présente une particularité très nette : 15% des salariés sont rémunérés au SMIC, contre 5 % seulement en moyenne dans les autres pays européens. Ce phénomène ne serait pas inquiétant en soi si ne s’y ajoutait un autre paramètre : les perspectives pour ces salariés de sortir du SMIC ont été pratiquement divisées par deux depuis vingt ans. Le SMIC joue donc comme une trappe : une fois au SMIC, un salarié voit ses chances d’en sortir se réduire année après année.

Cette situation est inacceptable, notamment pour les jeunes, qui sont payés au SMIC deux fois plus souvent que leurs aînés et auxquels on promet toute une vie de travail sans perspective de progression et sans véritable stimulation.

Le projet de loi qui vous est soumis tend clairement à rompre avec cette tendance et à récréer des perspectives de rémunération et de progression salariale, notamment à l’échelle des bas salaires. Il faut pour cela une action à tous les niveaux : salaires dans les entreprises, grilles salariales des branches et compléments de rémunération, comme l’intéressement et la participation.

Je ne reviendrai ni sur l’intéressement et la participation, dont a parlé Xavier Bertrand, avec lequel j’ai travaillé de façon très complémentaire, ni sur le mode de fixation du SMIC.

Je souhaite en revanche m’attarder sur l’articulation entre le SMIC et les minima de branche, d’une part, et sur la conditionnalité des allégements de charges, d’autre part.

Permettez-moi auparavant, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur la méthode que nous avons retenue. Celle-ci consiste à faire le pari du dialogue social, tout en veillant à ne pas faire de celui-ci un simple mot ou un simple appel à la négociation : il s'agit de fixer un délai pour la négociation et des contraintes claires.

La conditionnalité des allégements de cotisations doit permettre de stimuler les négociations de salaires de manière à recréer des perspectives salariales.

Disons-le clairement : il n’est pas normal que des lois votées par la représentation nationale et qui sont celles de la République ne soient pas appliquées.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Or c’est le cas aujourd’hui ! L’obligation de négocier annuellement sur les salaires n’est pas respectée dans une entreprise sur quatre et dans une grande entreprise sur dix. Ce n’est pas sain !

Il est de l’intérêt de l’entreprise d’avoir, au moins une fois par an, un vrai débat sur la question des salaires, où l’on explique, si le contexte économique est difficile, pourquoi les salaires ne peuvent pas être revalorisés, ou, à l’inverse, comment le résultat constaté, fruit du travail de l’ensemble des équipes, permet d’ouvrir des perspectives de négociations salariales.

Pour la première fois, mesdames, messieurs les sénateurs, un gouvernement se pose donc la question de l’application concrète et du respect de cette disposition, adoptée au milieu des années quatre-vingt !

Les entreprises qui ne joueront pas le jeu verront leurs allégements diminuer de 10 % chaque année.

L’Assemblée nationale a même souhaité aller plus loin en retirant 100% des allégements aux entreprises qui ne jouent pas le jeu trois années de suite, dans le but de sanctionner fortement les « passagers clandestins ».

Pour autant – nous avons eu à ce sujet un débat très intéressant avec M. Dassault –, l’objectif n’est pas de supprimer les allégements de cotisations sociales. Cette politique a été évaluée de manière rigoureuse sur plus de dix années, et il ressort de ce retour d’analyse qu’elle a permis d’enrichir notre croissance en emplois, notamment au bénéfice des moins qualifiés. J’ai la conviction que c’est sans doute l’outil le plus efficace dont nous disposons en termes de création et de préservation de l’emploi.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Il est vrai que tout cela représente un effort budgétaire important pour la collectivité. C’est pourquoi nous sommes fondés à demander aux entreprises qui bénéficient de cet effort national qu’elles respectent, en contrepartie, leurs obligations en matière de rémunération.

J’en viens maintenant aux branches.

Dans certaines branches, et ce malgré le travail remarquable réalisé par Gérard Larcher lorsqu’il était ministre chargé du travail, le bas des grilles de salaires est durablement décalé par rapport au SMIC. Cela signifie non pas que les salaires versés sont inférieurs au SMIC, mais que l’étagement des carrières et des salaires est comprimé encore plus au niveau du SMIC. Concrètement, même si vous continuez à voir vos responsabilités croître dans l’entreprise, vous restez au SMIC.

Nous souhaitons donc que les négociations annuelles démarrent au plus vite, dès l’année prochaine, pour mettre les minima au niveau du SMIC. Les négociations entre partenaires sociaux doivent nous permettre de revaloriser les minima sociaux des branches qui ne les ont pas portés au niveau du SMIC afin de donner de nouvelles perspectives en la matière.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d’État

Sept branches sont concernées.

Votre rapporteur, Isabelle Debré, a attiré notre attention sur la nécessité de bien articuler les niveaux de négociation de branche et d’entreprise. Le débat permettra certainement de trouver des solutions en la matière. Ce sujet mérite que nous nous y attardions.

Permettez-moi, en conclusion, de saluer le travail remarquable accompli par le rapporteur de la commission des affaires sociales, Mme Isabelle Debréet par le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Serge Dassault, qui, par leurs propositions, ont permis d’enrichir sensiblement le texte du Gouvernement.

Si je devais résumer ce texte tout en respectant sa forte cohérence interne et sans oublier les apports de vos commissions, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirais qu’il a un objectif - les salariés modestes et les classes moyennes -, qu’il privilégie une méthode - la négociation sociale -, et qu’il a un but : la revalorisation des salaires de ceux qui n’ont que leur travail pour capital.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le pouvoir d’achat demeure, plus que jamais, au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Le Parlement a adopté, au cours des derniers dix-huit mois, plusieurs textes destinés à répondre à leurs attentes. Je pense notamment à la loi TEPA du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui a détaxé les heures supplémentaires, ou à la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat, qui a facilité le rachat de jours de repos et procédé à un déblocage exceptionnel de la participation.(M. Guy Fischer s’exclame.)

Il nous est aujourd’hui proposé de franchir une nouvelle étape, en jouant sur deux leviers complémentaires : d’une part, l’intéressement, la participation et l’épargne salariale ; d’autre part, la politique salariale.

L’intéressement et la participation permettent aux salariés de partager les fruits de la croissance de leur entreprise. Ces mécanismes s’inscrivent, nous le savons tous, dans la tradition profondément gaullienne d’association du capital au travail.

À l’heure actuelle, un tiers environ des salariés sont couverts par un accord d’intéressement. Cette statistique, qui n’est certes pas défavorable, ne doit pas nous faire oublier pour autant que cette proportion est beaucoup plus faible dans les PME. Le crédit d’impôt prévu par le projet de loi a pour objectif de contribuer à combler cet écart en diffusant plus largement l’intéressement dans nos entreprises. Le coût de cette mesure, non négligeable, pourrait être de l’ordre de 370 millions d’euros la première année et dépasser 1 milliard d’euros en 2012 si l’objectif de doublement des sommes versées au titre de l’intéressement est atteint.

Je sais que certains de nos collègues jugent ce coût excessif pour les finances publiques. Cette préoccupation s’est exprimée au sein de la commission des affaires sociales et, plus encore, au sein de la commission des finances, attachée, comme nous tous, au retour à l’équilibre des comptes de l’État. Pour autant, la crise actuelle et le contexte de ralentissement économique doivent-ils nous conduire à rejeter cette mesure au motif qu’elle aurait pour effet de diminuer nos recettes fiscales ?

Permettez-moi de rappeler que le développement de l’intéressement n’est pas seulement un moyen de distribuer du pouvoir d’achat aux salariés. C’est aussi, et surtout, un instrument d’amélioration de la performance de nos entreprises. En effet, la logique qui sous-tend tout accord d’intéressement est de lier le versement d’une prime à la réalisation de certains objectifs. Elle constitue donc un moyen puissant de motivation des salariés et d’amélioration du climat social dans l’entreprise, puisque les efforts de chacun sont gratifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La perte de recettes qui résultera du crédit d’impôt doit donc être considérée, à notre avis, non comme une perte sèche pour le budget de l’État, mais plutôt comme un investissement dans nos entreprises.

À ce sujet, je crois utile d’évoquer une mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, que nous allons examiner très prochainement. Ce texte prévoit un « forfait social », qui se traduira par un prélèvement de 2 % sur les primes d’intéressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Si je comprends la nécessité de trouver de nouvelles recettes pour les caisses de sécurité sociale dont le déficit s’aggrave tandis que les besoins augmentent, je m’interroge cependant sur la cohérence du message adressé aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Qu’on en juge : d’un côté, un crédit d’impôt introduit par le projet de loi en faveur des revenus du travail ; de l’autre, un prélèvement supplémentaire opéré par la loi de financement de la sécurité sociale. N’est-ce pas un peu singulier ?

Certes, les montants en jeu ne sont pas les mêmes : le prélèvement au titre du forfait social sera très faible comparé au bénéfice que l’entreprise retirera du crédit d’impôt. Mais le forfait social a vocation à être pérenne, alors que le crédit d’impôt est, lui, une mesure provisoire, applicable jusqu’à la fin de l’année 2014 seulement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est loin !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Il faudra donc veiller, lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale, à ce que la mise en place du forfait social n’aille pas, monsieur le ministre, à l’encontre de l’objectif ambitieux que s’est fixé le Gouvernement en matière de développement de l’intéressement.

Venons-en maintenant à la question de la participation. Le projet de loi a pour objectif de donner une nouvelle liberté de choix aux salariés.

Traditionnellement, les sommes que les salariés reçoivent au titre de leur participation aux résultats de l’entreprise sont bloquées pendant cinq ans, sauf déblocage anticipé pour les aider dans certains moments heureux ou difficiles de leur vie personnelle ou professionnelle.

Je suis résolument attachée à cette règle d’indisponibilité des fonds pendant cinq ans, et ce pour deux raisons principales. D’abord, elle permet à des salariés, souvent modestes, de se constituer une épargne ; il faut savoir, par exemple, qu’un grand nombre de primo-accédants à la propriété - de mémoire, 80 % -, n’ont que leur épargne salariale comme apport personnel ; ensuite, la participation, en venant consolider les fonds propres des entreprises, contribue ainsi à leur financement.

Le texte vise à donner aux salariés le choix entre blocage de la participation et disponibilité immédiate de leurs droits. Cet assouplissement me paraît acceptable dans la mesure où il est strictement encadré : dans le temps, car les salariés disposeront d’un délai limité pour indiquer s’ils souhaitent disposer immédiatement de leur participation ; dans l’esprit, car l’absence de choix vaudra confirmation du blocage ; dans l’étendue, puisque l’encours de participation ne sera pas « déblocable », seul le flux annuel distribué le sera.

J’ajoute, enfin, que le régime fiscal incitera les salariés à faire le choix du blocage et, donc, de l’épargne longue, puisque seules les sommes bloquées pendant cinq ans seront exonérées d’impôt sur le revenu.

Comme nos collègues de l’Assemblée nationale, qui ont modifié le texte en ce sens, je suis convaincue de la nécessité de développer l’épargne retraite en raison des contraintes qui pèsent sur nos régimes de retraite par répartition. Je vous proposerai, au nom de la commission, des amendements qui confortent cette orientation.

La commission s’est également intéressée à la question de l’actionnariat salarié, qui est une autre manière d’associer les salariés à la bonne marche de leur entreprise.

Les sociétés ont la possibilité de procéder à des augmentations de capital réservées à leurs salariés. Les opérations de ce type dans les PME, qui sont pour la plupart des sociétés non cotées, sont toutefois freinées par le montant des frais d’expertise qu’elles occasionnent. Nous proposerons donc d’alléger les formalités qui s’y attachent.

Il me paraît aussi très important que l’on puisse améliorer la liquidité des titres des sociétés non cotées. La Caisse des dépôts et consignations a engagé en ce sens une réflexion qu’il conviendrait de faire aboutir rapidement, monsieur le ministre.

J’aborderai maintenant le volet du texte qui porte sur la politique salariale et, en premier lieu, sur la modernisation de la procédure de fixation du SMIC en y associant, à titre consultatif, un groupe d’experts indépendants.

Notre commission a été sensible à la volonté qui s’est exprimée à l’Assemblée nationale d’éviter la création d’une énième instance consultative dans le domaine de l’emploi, alors que ces instances sont déjà très nombreuses. Nous approuvons donc l’engagement pris par le ministre du travail de rattacher ce nouveau groupe d’experts à une structure existante, ce qui permettra de limiter au minimum ses dépenses de fonctionnement.

Sur le fond, ce groupe d’experts devrait jouer un rôle utile en éclairant le débat public par des analyses économiques rigoureuses. Son avis viendra compléter celui de la Commission nationale de la négociation collective, qui réunit les partenaires sociaux, sans remettre en cause les règles légales d’indexation du SMIC, ni la responsabilité du Gouvernement en matière de revalorisation du salaire minimum.

La commission est, en revanche, plus dubitative sur l’utilité d’avancer au 1er janvier la date de revalorisation du SMIC, fixée jusqu’ici au 1er juillet ; j’y reviendrai.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous aurons le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Enfin, le texte a pour objet de dynamiser les négociations salariales grâce à un mécanisme de conditionnalité des allégements de cotisations sociales.

La commission a approuvé sans réserve le dispositif qui prévoit de réduire ces allégements de charges dans les entreprises qui ne procéderont pas à la négociation annuelle obligatoire sur les salaires.

Certains de nos collègues ont regretté que l’on n’aille pas plus loin et que le bénéfice des allégements de charges ne soit pas conditionné à la conclusion d’un accord salarial. Cependant, respectueuse de l’autonomie des partenaires sociaux, la commission n’a pas souhaité, dans sa majorité, que le législateur menace de sanctions les entreprises qui ne concluraient pas d’accord. L’obligation d’un accord risquerait aussi de fausser les conditions de la négociation.

La mobilisation des syndicats et le sens des responsabilités des chefs d’entreprise, qui savent que la motivation de leurs équipes passe par un partage équitable des fruits de la croissance, suffiront, selon nous, à donner son plein effet à cette mesure.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour interroger le ministre sur une question plus ponctuelle, qui concerne les entreprises de travail temporaire. Elles s’inquiètent des conséquences que pourrait avoir pour elles l’application de ce nouveau dispositif de conditionnalité des allégements de charges. Elles se demandent notamment si elles devront tenir compte de la situation de chacune de leurs entreprises clientes ou si c’est le respect, par l’entreprise d’intérim, de son obligation de négocier sur les salaires qui sera pris en considération. Il semble que la deuxième option est la bonne, mais il serait bon que le ministre puisse nous le confirmer.

J’en viens à la question des accords salariaux négociés au niveau des branches professionnelles.

Certaines grilles de salaires comportent, vous le savez, des minima inférieurs au SMIC. Cela n’a, bien sûr, aucune incidence sur le salaire effectivement versé puisque le SMIC est d’ordre public. En revanche, cela peut avoir un impact sur le montant de certaines primes calculées par référence aux minima conventionnels et entraîne un « écrasement » du bas de l’échelle des rémunérations : des salariés qui se situent à des niveaux différents de la grille salariale parce qu’ils sont plus ou moins qualifiés se retrouvent, en pratique, tous rémunérés au niveau du SMIC.

Notre président, Gérard Larcher, a lancé, lorsqu’il était ministre délégué aux relations du travail, une politique volontariste destinée à résoudre ce problème des minima conventionnels inférieurs au SMIC. Cette politique a eu des résultats très positifs puisque le nombre de branches concernées est passé de dix-huit, à la fin de l’année dernière, à six seulement aujourd’hui.

Le Gouvernement souhaite cependant aller plus loin et propose de rendre moins favorable le barème de l’allégement Fillon lorsqu’il s’appliquera à des entreprises qui relèvent d’une branche dont les minima salariaux sont inférieurs au SMIC.

Cependant, le mécanisme proposé présente, selon nous, monsieur le ministre, l’inconvénient de pénaliser financièrement des entreprises vertueuses en matière salariale mais qui dépendent d’une branche dans laquelle la négociation n’a pas abouti. On peut, certes, estimer, comme le fait le Gouvernement, que les entreprises feront alors pression sur les représentants patronaux qui négocient, en leur nom, au niveau de la branche, mais cette vision des choses nous paraît assez théorique. En effet, de quels moyens de pression peut bien disposer une PME dans une branche où dominent quelques grands groupes ?

Par ailleurs, il est tout de même singulier de donner une telle portée à l’accord de branche, alors que la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail vient, au contraire, de donner la priorité à l’accord d’entreprise, plus adapté aux réalités du terrain, comme pourrait nous le confirmer notre collègue Alain Gournac, rapporteur de ce récent texte !

Nous ferons des propositions pour résoudre le paradoxe qui conduirait à pénaliser les entreprises vertueuses. D’autres collègues iront aussi dans ce sens. Nul doute que, du débat que nous aurons sur ce point, monsieur le ministre, surgira une solution satisfaisante.

Cette réserve ne remet pas en cause l’appréciation globalement positive de la commission sur l’ensemble de ce projet de loi, qui agit sur plusieurs leviers pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Nous vous demandons, en conséquence, de l’adopter, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de vous présenter mon rapport pour avis, je voudrais vous citer un extrait du discours prononcé à Toulon par le Président de la République, le 25 septembre 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je cite le Président de la République : « La loi à venir sur la participation et l’intéressement s’inscrit exactement dans la perspective de rééquilibrage entre le capital et le travail. Ne pas donner tous les bénéfices aux dirigeants et aux actionnaires, en destiner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse, redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs sans alourdir les charges fixes de l’entreprise et ainsi remettre le capitalisme à l’endroit, voilà l’autre révolution qu’il nous faut entreprendre. »

Et cette révolution, voulue par le Président de la République, votre commission des finances vous invite à la commencer de suite en modifiant la définition de la réserve de participation. En effet, le montant de cette réserve, calculée par la formule de départ datant de 1967, ne représente que 10 % environ des bénéfices après impôts. Elle ne supprime pas du tout l’inégalité de traitement entre les salariés et les actionnaires comme le demande le Président Sarkozy, car elle donne ainsi la plus grande partie des bénéfices aux actionnaires.

En revanche, si la formule des trois tiers était appliquée, tous les problèmes soulevés par le Président de la République seraient en partie résolus.

Elle mettrait en effet les salariés et les actionnaires à égalité, puisqu’elle prévoit la distribution du même montant, à savoir le tiers du bénéfice net, aux salariés et aux actionnaires.

Elle permettrait aussi d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés sans alourdir les charges de l’entreprise puisque les sommes correspondantes ne concernent pas les coûts de production. Quant aux salariés dont le pouvoir d’achat serait ainsi augmenté, ils seraient autorisés à choisir entre l’épargne et la distribution directe.

J’ajoute que cela ne coûterait rien à l’État si les sommes ainsi perçues supportaient la totalité des charges et des impôts.

Je proposerai donc à ce sujet un amendement, voté à l’unanimité par la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous allons en discuter, monsieur le rapporteur pour avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je voudrais ajouter que cette règle des trois tiers, dont je parle depuis plus de vingt ans, n’est pour moi ni une idée fixe ni un caprice : elle a un effet bénéfique considérable, à la fois pour les salariés, les actionnaires et l’entreprise.

Cette règle m’a été inspirée par mon expérience : en tant que chef d’entreprise, et depuis quarante ans, puisque cela a commencé en 1968, j’ai été plongé maintes fois dans des conflits sociaux. Chaque fois, je me suis demandé ce qu’il faudrait faire pour les éviter. Chaque fois revenait le même slogan : « Le patron peut payer ! », quand ce n’était pas : « Dassault peut payer ! »

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Cela, Dieu sait combien de fois je l’ai entendu, parce que, quand la société faisait des bénéfices et que le personnel n’était pas augmenté, il y avait conflit, le conflit éternel entre profits et salaires que je peux résumer en une revendication : « moins de profits pour les actionnaires et plus de salaires pour les salariés ».

Alors, pour éviter ces conflits permanents, je me suis dit que, si l’on distribuait aux salariés la même somme qu’aux actionnaires, on résoudrait le problème.

C’est ce que souhaitait d’ailleurs le général de Gaulle, qui avait lancé l’idée de l’association capital-travail et de l’égalité entre l’un et l’autre, comme c’est ce que souhaite aujourd'hui le Président Sarkozy lorsqu’il dit vouloir « donner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse ».

C’est ainsi qu’est née la règle des trois tiers, que j’ai appliquée, dès 1965, à Dassault Électronique et, à partir de 1986, à Dassault Aviation, par accord dérogatoire.

Et c’est ainsi aussi que, depuis plus de vingt ans, nous n’avons plus eu de grève et qu’en 2007 nous avons distribué aux salariés de Dassault Aviation près de quatre mois de salaire au titre de la participation, en plus des treize mois habituels ; je signale que les actionnaires ont accepté de recevoir des dividendes d’un montant inférieur à celui de la participation. Le sacrifice des actionnaires a été largement compensé par un climat social complètement participatif et une motivation plus grande de tous les salariés.

Mais revenons au projet de loi.

La commission des finances s’est saisie pour avis de celles des dispositions du présent projet de loi qui auraient un impact sur l’équilibre des finances publiques. Elle a le souci, et c’est son rôle, de refuser d’aggraver le déficit budgétaire par de nouvelles mesures alourdissant les dépenses sans augmenter les recettes.

Je vous exposerai les principales dispositions de ce projet de loi, qui aborde de nombreux thèmes tels que l’intéressement, la participation, les réévaluations permanentes du SMIC, et traiterai des conséquences budgétaires correspondantes.

Les principales dispositions du projet de loi concernent notamment, à l’article 1er, la mise en œuvre d’un crédit d’impôt en faveur de l’intéressement, et, à l’article 3, l’évolution du SMIC.

À ce sujet, je tiens à citer de nouveau Nicolas Sarkozy, qui, à Toulon, s’exprimait ainsi : « Je n’accepterai pas d’augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises parce que ce serait affaiblir leur compétitivité quand, au contraire, il faudrait la renforcer. » Il a raison ! Or, en augmentant le SMIC, à dire d’experts ou autrement, et ce quel que soit l’intérêt porté aux salariés, on va exactement en sens inverse, car augmenter le SMIC, c’est augmenter aussi les charges et les coûts de production des entreprises mais sans augmenter, on l’oublie trop souvent, leurs recettes, ce qui diminue leur compétitivité.

Surtout, cette augmentation des salaires est aggravée par les charges, qui doublent pratiquement le salaire net, en grande partie parce que la sécurité sociale est financée par une taxe sur les salaires.

Ce ne sont en effet pas tant les augmentations de salaire que les charges correspondantes qui créent le problème, et c’est sous cet angle qu’il faut s’y attaquer. Si au moins on déchargeait les salaires du financement de la sécurité sociale, l’entreprise pourrait plus facilement procéder à des augmentations de rémunération, car elles lui coûteraient moins cher, et le montant de ses charges serait diminué de près de 30 %.

C’est pourquoi je demande, une fois encore, que l’on étudie sérieusement des modalités de financement de la sécurité sociale qui ne fassent plus intervenir les salaires. D’autres solutions, dont j’ai déjà évoqué les principes, existent. Rien ne serait plus grave que de ne rien faire, mais c’est, hélas ! ce que l’on fait…

Je veux aussi insister sur le fait que tout a des conséquences sur tout : l’augmentation des salaires peut avoir des conséquences graves sur l’emploi si les entreprises ne peuvent pas supporter l’augmentation des charges correspondante et perdent ainsi leur productivité.

L’article 1er institue un crédit d’impôt sur les primes d’intéressement pour inciter les chefs d’entreprise à développer l’intéressement.

C’est une idée, mais si ce texte ne se traduit pas par l’engagement de dépenses budgétaires nouvelles, l’« incitation » fiscale attachée au crédit d’impôt en faveur de l’intéressement représentera une perte de recettes pour l’État comprise, selon les évaluations actuelles, entre 800 millions d’euros et plus d’un milliard d’euros.

La commission des finances estime qu’il serait déraisonnable de mettre cette mesure en application, car elle serait susceptible d’augmenter notre déficit budgétaire et, soit dit entre nous, l’incitation fiscale des chefs d’entreprise par ce crédit d’impôt n’aura pas l’efficacité que l’on pense. En effet, ou ils croient aux effets positifs de l’intéressement, notamment sur la motivation des salariés, et ils le pratiquent, ou ils n’y croient pas et ce n’est pas un crédit d’impôt qui les poussera à le faire.

En tout état de cause, rien n’est plus grave pour notre économie que l’augmentation de notre déficit budgétaire, déjà considérable, et de notre dette. Alors que le contexte économique est fortement marqué par la crise financière internationale et que les perspectives de croissance s’amenuisent au point de devenir inexistantes, je vous appelle donc, mes chers collègues, à examiner avec la plus grande fermeté toute mesure fiscale nouvelle qui aggraverait encore notre déficit budgétaire.

C’est le cas de ce crédit d’impôt, qui, je le répète, ne peut avoir un caractère incitatif. La commission des finances a ainsi voté à l’unanimité un amendement visant à sa suppression.

Il faut aussi noter que la décision, pour un chef d’entreprise, d’appliquer un contrat d’intéressement est prise pour des raisons relatives à la motivation de son personnel, et non pas pour bénéficier d’une incitation fiscale, évidemment bienvenue mais pas décisive au regard de l’efficacité de la participation, qui, elle, concerne, l’ensemble des salariés.

En résumé, en retenant comme base de calcul de la réserve spéciale de participation la « règle des trois tiers », on motive tous les salariés, qui ne travailleront ainsi plus uniquement pour les actionnaires ou pour le « patron », mais aussi pour eux, et c’est cela qui importe dans leur motivation : ils savent qu’en travaillant plus et mieux ils travaillent aussi pour eux puisqu’ils percevront une part plus importante des bénéfices ainsi réalisés.

Quant à l’article 3, il traite du problème de l’augmentation du SMIC à dire d’experts.

Je ne suis pas contre l’augmentation du SMIC systématique, mais, comme une telle augmentation entraînera un accroissement considérable des charges de l’entreprise tant que la sécurité sociale sera financée par les salaires, j’estime qu’une telle augmentation aura des conséquences négatives sur l’emploi en France, car il ne sert à rien d’augmenter les salaires si les entreprises n’embauchent pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Enfin, le crédit d’impôt sur l’intéressement devrait être supprimé pour des raisons strictement budgétaires.

Tels sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les avis émis par la commission des finances.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le texte que nous allons examiner aurait vocation, selon vous, à « mettre en place un cadre plus favorable à la dynamisation des revenus du travail », à moderniser le SMIC et à relancer les négociations salariales.

Cependant, il convient d’inscrire ce projet de loi dans le contexte de la crise économique et financière actuelle : le Président de la République et le Gouvernement viennent d’injecter 360 milliards d’euros dans notre économie afin, entre autres choses, de sauver les banques.

Exclamations sur certaines travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le Crédit agricole recevra 3 milliards d’euros ; la BNP Paribas obtient 2, 55 milliards d’euros; la Société Générale, 1, 7 milliard d’euros; le Crédit mutuel, 1, 2 milliard d’euros; les Caisses d’Épargne, 1, 10 milliard d’euros; les Banques populaires reçoivent « seulement », ai-je envie de dire, 950 millions d’euros. Soit un total de 10, 5 milliards d’euros affectés à six établissements bancaires !

Selon le gouverneur de la Banque de France, cette « recapitalisation publique » n’a pas pour objet de « pallier un quelconque défaut ou une quelconque faiblesse ». Or on retrouve dans ce qui n’est ni plus ni moins qu’un plan de sauvetage deux banques – la Société Générale et les Caisses d’Épargne – dont les autorités de contrôle interne ont fait preuve de légèreté dans la gestion de leurs avoirs.

D’un côté, les banques sont sauvées, de l’autre, nos concitoyennes et concitoyens vont payer l’addition : hausse de l’inflation et des impôts, sans parler des conséquences néfastes sur l’emploi.

Le contribuable, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, sera sollicité financièrement suite à ce vaste plan de pseudo-nationalisation de banques au bord de la faillite : le plan de sauvetage accroît la dette publique et ce sont bien les impôts qui combleront, en partie, cette dette.

Quant aux conséquences de cette crise sur l’emploi, elles se font déjà sentir. Adecco annonce 600 suppressions d’emploi ; Sanofi-Aventis, 900 ; La Redoute, 672 ; Renault, 4 900 ; Nexity, 150, 500 suppressions supplémentaires étant envisagées.

Mon département n’est pas épargné. Matussière et Forest, en dépôt de bilan, supprime 740 emplois, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… dont 460 en Isère.

Tyco Electronics suppriment 520 emplois, dont 228 en Isère toujours.

Ugimag, sauvée in extremis par un repreneur et par le soutien financier de la commune de Saint-Pierre-d’Allevard, en surprime 61.

Quant à Hewlett-Packard/EDS, il annonce 580 suppressions en France. Combien sur le site isérois ?...

Demain, les 180 salariés de l’entreprise familiale Celette, à Vienne, leader mondial et seule sur le marché du marbre automobile, manifesteront devant le tribunal de commerce, à la suite de la liquidation judiciaire, pour demander au repreneur de maintenir leurs emplois...

Et comme pour faire écho à ces sinistres annonces, les déclarations de chômage technique fleurissent …

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ce que veulent les salariés, ce n’est pas tant travailler plus que sauvegarder leurs emplois !

Dans ce contexte, la présentation de votre projet de loi, le troisième, je le rappelle, à avoir pour objectif la relance du pouvoir d’achat, après la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat d’août 2007, dite loi TEPA, et la loi pour le pouvoir d’achat de février 2008, apparaît en complet décalage avec le quotidien subi par les salariés. Sauf à reconnaître l’échec de votre politique en matière de relance du pouvoir d’achat …

À l’heure où le Gouvernement est capable de trouver 360 milliards d’euros pour un plan de sauvetage de l’économie, dont 10, 5 milliards sont d’ores et déjà affectés à la recapitalisation de six banques, c’est bien l’absence d’une véritable politique salariale qui est en cause !

Ne rien prévoir en faveur d’une augmentation des salaires...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

…relève de l’indécence.

Voilà quelques jours, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, saisie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a décidé de présenter un amendement visant à supprimer la prime de transport, au motif que « le dispositif proposé ne se justifie pas ou plus, en particulier parce qu’il vaut mieux privilégier le salaire direct et que les prix du pétrole ont baissé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je pourrais répondre : chiche !

Mais, jusqu’à présent, le Gouvernement s’est systématiquement refusé à répondre aux demandes d’augmentation des salaires, car celle-ci jouerait prétendument « contre l’emploi ». M. Serge Dassault vient de nouveau de l’affirmer.

C’est donc en intervenant sur les autres éléments de rémunération que le Gouvernement compte compenser la pression qui s’exerce sur les salaires. Monsieur le ministre, je vous rappelle que 6 millions de salariés ne bénéficient d’aucune prime et qu’un peu plus de 2 millions de salariés sont rémunérés au SMIC.

Tout d’abord, ce texte prévoit d’instituer un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises qui se doteraient d’un accord d’intéressement.

Égal à 20 % du montant des primes d’intéressement versées, ce crédit d’impôt viendrait en déduction de l’impôt sur les bénéfices de l’entreprise. Il s’agit bien là d’une nouvelle exonération accordée aux entreprises ! Malgré vos arguments, monsieur le ministre, cela devient intolérable au regard de la situation de nos comptes sociaux et des conséquences pour nos concitoyens.

Ensuite, le projet de loi entend donner la possibilité aux salariés de choisir entre le blocage de la participation, soit une épargne sur le long terme, et la disponibilité immédiate de ces fonds, afin, nous est-il dit, d’améliorer leur pouvoir d’achat.

Cependant, il convient de mettre l’article du texte concerné en perspective avec l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui semble le contredire. En effet, l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 instaure une contribution de 2 %, dite « forfait social », à la charge des employeurs, contribution qui s’appliquera à des éléments de rémunération à la fois exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et assujettis à la contribution sociale généralisée. Il s’agit des sommes versées au titre de l’intéressement, du supplément d’intéressement et de l’intéressement de projet, de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation, des abondements de l’employeur aux plans d’épargne d’entreprise – PEE et PERCO – et des contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire.

Cette logique est difficilement compréhensible, monsieur le ministre, puisqu’elle risque de ne pas inciter les employeurs à favoriser l’intéressement et la participation !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ne vous méprenez toutefois pas sur la nature de mes propos : le groupe CRC n’est pas favorable à la généralisation de ces éléments de rémunération, qui sont par nature aléatoires et individualisés.

Le salaire doit être la juste rémunération de la force de travail et assurer les moyens nécessaires à l’existence de chaque salarié dans les conditions d’aujourd’hui, en dehors de tout autre élément de rémunération.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il doit assurer une véritable garantie et reconnaissance des qualifications et des compétences du salarié.

L’intéressement et la participation affaiblissent la part des salaires dans les revenus du travail et ils sont des facteurs d’inégalités et de discriminations entre les salariés.

Or le patronat a un vieux rêve : pouvoir payer les salariés différemment les uns par rapport aux autres, et ce d’un mois sur l’autre. Voilà qui rappelle fortement le travail à la tâche, comme cela avait cours au début du XIXe siècle !

Ce projet de loi se situe dans cette logique, puisque les critères de rémunération deviennent de plus en plus individualisés. Votre volonté de généraliser les stock-options contribuera à cette individualisation, tout en légitimant ces pratiques. Vous êtes gagnant sur les deux tableaux, monsieur le ministre !

Le développement de l’intéressement et de la participation aura également pour conséquence de créer un nouveau manque à gagner pour les comptes sociaux, mais aussi pour les salariés, puisque ces rémunérations ne sont pas intégrées dans le calcul de la retraite.

Mais ces dispositions ne sont pas les seules à recueillir notre réprobation.

Malgré les modifications apportées par l'Assemblée nationale, l’article 3, qui crée un groupe d’experts chargé de se prononcer « chaque année sur l’évolution du salaire minimum de croissance et de l’ensemble des revenus » et qui avance au 1er janvier la date de réévaluation du SMIC, ne trouve pas grâce à nos yeux.

Combinées, ces deux dispositions auront pour effet de déconnecter la réévaluation du SMIC des réalités sociales de notre pays, car seuls seront pris en compte les critères économiques. C’est l’annualisation programmée du SMIC, qui n’est rien d’autre qu’une vieille revendication du MEDEF, relayée encore récemment par Mme Parisot.

Monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous m’avez affirmé qu’il n’y aurait pas d’annualisation. J’aimerais que vous le confirmiez aujourd’hui.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vous le confirme !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Par ailleurs, le déroulement des carrières dans l’entreprise doit être déconnecté de la fixation du SMIC, mais aussi rapproché de la politique salariale et sociale au sein de l’entreprise.

Quant aux articles 4 et 5, qui conditionnent les exonérations de cotisations sociales à l’obligation de négociations et imposent de prendre en compte les minima de branche pour le calcul des exonérations sociales, ils ne sont pas à la hauteur des enjeux.

En effet, la sanction prévue par l’article 4 est légère – homéopathique, pourrais-je dire ! Le problème n’est pas tant l’absence de négociations que le résultat auquel elles peuvent conduire, car elles se soldent trop souvent par des constats de carence.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le dispositif prévu par l’article 5 n’aura d’impacts positifs que pour les minima sociaux, sans effet incitatif sur l’éventail des salaires.

Je ne m’attarderai pas sur les articles insérés sur l’initiative des députés, que j’évoquerai plus longuement lors de la discussion des amendements.

Mais je tiens à dire dès à présent que nous ne pouvons accepter l’extension de la participation aux chefs d’entreprise et à leurs conjoints dans les entreprises de 250 salariés, ou encore le principe de l’adhésion automatique à un PERCO, qui concurrence ainsi – pour le supplanter un jour, sans doute –notre système de retraite par répartition, fondé sur la solidarité intergénérationnelle et non sur l’épargne individuelle et les fonds de pension.

Ai-je besoin de rappeler que, de juin 2007 à juin 2008, la tempête financière a déjà réduit de 1 000 milliards de dollars – soit environ 10 % – la valeur des actifs détenus par les fonds de pension privés et publics aux États-Unis, mettant gravement en péril le niveau des retraites ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

En conclusion, ce projet de loi accentue les mécanismes d’individualisation des rémunérations mis en œuvre depuis un an par le Gouvernement, sans apporter de réponse concrète et immédiate aux attentes légitimes de nos concitoyens : hausse des salaires, des retraites et des minima sociaux. Pis, il aggrave la situation de nos comptes sociaux.

Et ce n’est pas l’amendement n° 20 rectifié du Gouvernement déposé à la dernière minute et visant à généraliser les stock-options qui changera la donne, monsieur le ministre !

Nous voterons donc contre ce projet de loi, qui sert d’alibi au Gouvernement sans pour le moins du monde corriger ni même renier ce système capitaliste auquel vous êtes farouchement attaché !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, mes chers collègues, comme l’a indiqué M. Xavier Bertrand, ce projet de loi a lui aussi pour objectif l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés. Il s’inscrit donc bien dans la droite ligne des réformes déjà engagées par le Gouvernement et que le groupe UMP a soutenues.

Ce nouveau texte s’attache non seulement à l’intéressement et à la participation, mais aussi à l’épargne salariale à travers les PEE et le PERCO. Il porte également sur les négociations salariales.

Par conséquent, ce texte doit agir comme un aiguillon sur le dialogue social auquel je suis attachée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Voilà près de cinquante ans que le général de Gaulle, convaincu qu’il pouvait exister une voie française originale pour unir le capital et le travail, instaura ces deux régimes d’épargne salariale, qui furent améliorés à plusieurs reprises. Je pense notamment à la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, adoptée par le Sénat au mois de décembre 2006 et dont Isabelle Debré était le brillant rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

L’épargne salariale est une épargne très dynamique. En 2006, 7 milliards d'euros au titre de la participation et 7 milliards d'euros au titre de l’intéressement – soit un total de 14 milliards d’euros – ont été versés à chaque fois à près de 5 millions de salariés.

Xavier Bertrand et Isabelle Debré ayant décrit très clairement les deux systèmes, je n’y reviendrai pas. En revanche, j’insisterai sur les objectifs de cette réforme.

En favorisant l’intéressement, il s’agit de remédier à une réelle inégalité entre les salariés. Si les deux tiers des salariés qui travaillent dans de grandes entreprises bénéficient d’un accord d’intéressement, ces accords sont quasiment absents du tissu des petites et très petites entreprises de moins de 50 salariés : alors que quatre salariés sur dix y travaillent, seuls 11 % d’entre eux en bénéficient.

L’intéressement étant facultatif, la difficulté consiste à convaincre les entreprises, notamment les PME, de s’y lancer. Pour ce faire, le texte a choisi le principe des incitations fiscales, dont le mécanisme vous a déjà été présenté.

Personnellement, monsieur le rapporteur pour avis, je ne vois pas quel autre biais aurait pu être proposé. Sans incitation fiscale, je doute que ce dispositif puisse se développer, et je ne crois pas non plus que la méthode coercitive soit possible.

C'est la raison pour laquelle je soutiendrai le texte du Gouvernement et les améliorations proposées par Mme le rapporteur. Je ne voterai donc pas l’amendement de la commission des finances, qui est un peu provocateur et ne vise pas véritablement à remettre en cause le projet de loi. Il se veut plutôt une préparation – une sorte de mise en bouche

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

J’espère que, malgré la crise économique annoncée, les PME se sentiront mobilisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La crise n’est pas annoncée, elle est présente !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La disposition introduite par les députés, prévoyant l’extension de la participation, sous certaines conditions, au chef d’entreprise et à son conjoint, est une excellente disposition, de nature à inciter les PME à se lancer dans l’aventure.

Il faudrait cependant peut-être fixer un terme aux dispositions prévues par ce projet de loi, afin de savoir si la voie incitative a porté ses fruits. La date de 2012 pourrait être retenue, puisque le Président de la République a fixé comme objectif le doublement en quatre ans du montant de l’intéressement versé aux salariés.

Comme vous, mes chers collègues, j’ai entendu la déception des entreprises, pourtant vertueuses, qui ont déjà signé un accord d’intéressement avec leurs salariés, mais qui ne bénéficieront pas des avantages fiscaux fixés par ce texte, hormis si elles renégocient cet accord pour le rendre plus avantageux.

La justification en est simple : l’objectif de ce texte est bien d’étendre l’intéressement aux salariés qui n’en bénéficient pas encore et non pas de privilégier les autres.

Le dispositif actuel de participation prévoit déjà neuf cas de déblocage anticipé, qui prennent en compte de nombreux événements de la vie personnelle, Mme le rapporteur les a rappelés. Or le salarié peut avoir bien d’autres raisons de vouloir disposer de ces sommes immédiatement. Avec ce texte, il aura enfin une vraie liberté de choix.

Perçue immédiatement, la participation sera soumise à l’impôt sur le revenu, comme l’intéressement. Sinon, elle sera bloquée pendant cinq ans et exonérée d’impôt. La participation pourra donc répondre à deux finalités complémentaires : accroissement immédiat du pouvoir d’achat ou épargne si la somme est bloquée. Elle pourra même remplir ces deux fonctions si le salarié en perçoit une partie et en bloque une autre. La participation acquiert donc la souplesse de l’intéressement, qui plaît tant aux salariés.

Un des sujets d’inquiétude était que cette nouvelle liberté pouvait mettre l’entreprise en difficulté. Mais seules les sommes attribuées au titre de la participation après la promulgation du texte pourront être versées, celles qui auront été constituées avant ne pouvant bénéficier de cette disposition. En d’autres termes, les stocks des cinq dernières années ne pourront être brutalement débloqués. Cette précision me semble importante pour rassurer les entreprises. Les salariés, quant à eux, pourront toujours invoquer les neuf possibilités de déblocage existantes.

Pour que les deux dispositions phares de ce projet de loi en faveur des revenus du travail se développent auprès des PME, qui en sont le cœur de cible, il faudra expliquer, rassurer et aider les petites entreprises. Les mesures fiscales qui sont créées pourront paraître complexes aux chefs d’entreprise, et la diffusion de l’intéressement touchera un nouveau public peu familier de l’épargne salariale.

Je me souviens que, fraîchement arrivée à la direction des ressources humaines de l’entreprise dans laquelle j’ai travaillé, j’ai passé trois semaines à comprendre, mais surtout à expliquer de façon simple, dans un document destiné aux salariés, les mécanismes de l’intéressement et de la participation !

Nous savons, monsieur le ministre, tout l’attachement que vous portez au SAV, le « service après vote » ! Il est indispensable au succès de ce texte.

Le projet de loi concerne également les salaires.

Le Président de la République s’était engagé, pendant la campagne présidentielle, à imposer aux entreprises une politique du « donnant-donnant ».

M. le secrétaire d'État l’a rappelé, si les entreprises ont l’obligation de conduire des négociations annuelles sur les salaires, toutes ne jouent pas le jeu.

Ainsi, 25 % d’entre elles omettent de tenir compte de cette obligation légale. D’ailleurs, elles n’en respectent pas bien d’autres, en toute impunité. Citons l’établissement du rapport sur les salaires entre hommes et femmes auquel vous êtes, je le sais, très attaché, monsieur le ministre.

Le projet de loi prévoit que les entreprises de plus de 50 salariés, qui, en 2009, se déroberont à l’obligation annuelle d’ouvrir une négociation sur les salaires devront rembourser 10 % des allégements de charges reçus en 2008.

Je salue cette disposition car, comme le disait M. le secrétaire d'État, ouvrir des négociations est tout de même à la portée de tous. Aboutir à un accord, comme le faisait remarquer Mme le rapporteur, c’est autre chose. Mais l’ouverture de négociations conduit les parties à se parler, voire à se comprendre. C’est le premier niveau du dialogue social !

Se pose aussi la question délicate des sept branches dans lesquelles les minima sont actuellement en dessous du SMIC. Ce texte les incite à négocier sous deux ans, sinon, à partir de 2010, les allégements de charges seront diminués à proportion de l’écart entre le SMIC et les minima salariaux de la branche. À cet égard, 200 000 salariés sont concernés, soit un nombre important !

Le dispositif peut paraître sévère, puisque toutes les entreprises d’une même branche sont susceptibles de voir leurs allégements de cotisations sociales réduits du seul fait de leur appartenance à cette branche.

C’est pourquoi j’apprécie l’esprit de l’amendement présenté par Mme le rapporteur, au nom de la commission des affaires sociales, même si je considère qu’il peut être amélioré par le biais d’un autre amendement tendant à conditionner l’entrée en vigueur du dispositif à l’absence d’une nette amélioration d’ici à deux ans du nombre de branches qui n’ont pas remis leurs minima à niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

J’en viens à la question de la fixation du SMIC.

Un paradoxe subsiste. Le SMIC a certes régulièrement progressé ces dernières années, mais la rémunération des salariés a, quant à elle, stagné. L’évolution de la rémunération plancher ne se répercute pas sur la grille salariale, ce qui est particulièrement préjudiciable pour ceux dont la rémunération se situe en bas de l’échelle.

Le constat d’une insuffisante expertise économique préalable à la fixation du SMIC a été fait à plusieurs reprises, et dernièrement, cette année même, par le Conseil d’orientation pour l’emploi.

Le projet de loi examiné et modifié par l’Assemblée nationale prévoit qu’un groupe d’experts fera chaque année des propositions publiques de revalorisation du SMIC, propositions qui obligeront un gouvernement qui ne suivrait pas cet avis à s’en expliquer.

Je souhaite seulement que ce collège d’experts ne comprenne pas seulement des économistes, car l’approche de ces derniers risque d’être trop convergente. Or c’est de la diversité des approches que naîtra la richesse !

Enfin, le texte prévoit que la revalorisation du SMIC se fera, à partir de 2010, au 1er janvier. Connaissant bien le fonctionnement des entreprises, je pense que cette disposition de bon sens favorisera une négociation collective salariale plus efficace, quelles que soient les branches. Madame le rapporteur, comme vous pouvez le constater, sur ce point, je suis beaucoup moins réservée que vous.

Enfin, je veux indiquer d’ores et déjà que l’amendement gouvernemental tendant à encadrer l’attribution de stock-options aux dirigeants me satisfait totalement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je vous remercie, madame le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Subordonner une telle attribution à l’existence d’un accord d’intéressement ou de participation ou son extension à tous les salariés me paraît être une mesure d’équilibre et de justice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

J’espère, pour ma part, que les deux amendements que j’ai déposés rencontreront le même soutien que celui que j’apporte à ce texte. Il ne s’agit pas, je le précise, de politique du donnant- donnant.

Le premier de ces amendements concerne les agents généraux d’assurance. Il avait été adopté au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2006 puis « retoqué » lors de l’adoption par le Sénat de nouvelles dispositions. Le second, très pragmatique, est relatif au versement de la participation au titre de 2008

Je tiens, pour conclure, à saluer la qualité du travail de Mme le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, dont les amendements, s’ils sont adoptés, permettront d’enrichir le projet de loi.

Mieux associer les salariés à la marche des entreprises en permettant le partage des richesses est un facteur important de cohésion sociale, notamment dans une conjoncture économique difficile. Aussi le groupe UMP approuve-t-il cette réforme.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette réforme de l’épargne salariale et de la politique salariale traduit un esprit d’équité et un nouvel équilibre dans les rapports sociaux internes à l’entreprise. Le projet de loi que nous soumet le Gouvernement élargit les possibilités de participation des salariés aux performances de l’entreprise en prenant en compte les difficultés de la situation actuelle et en offrant une souplesse jouant sur l’incitation plutôt que sur la contrainte.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Un chiffre résume l’ampleur du chantier auquel s’attelle ce texte : aujourd'hui, 5 millions de Français sont couverts par un accord d’intéressement. Ce chiffre peut paraître important, mais il ne représente qu’un tiers des salariés. L’accès à l’intéressement demeure tributaire de la taille des entreprises : moins de 10 % des salariés des entreprises comptant entre 10 et 49 salariés bénéficient de l’intéressement, contre 20 % dans les entreprises employant de 50 à 99 salariés et près de 70 % dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il existe donc une inégalité, voire une véritable iniquité liée à la taille de l’entreprise.

Afin d’inciter les entreprises à conclure des accords d’intéressement, l’article 1er institue un crédit d’impôt égal à 20 % des sommes versées à ce titre pendant six ans. C’est une bonne décision.

Deux mesures nouvelles complètent ce dispositif. D’une part, le bénéfice de ce crédit d’impôt est étendu aux entreprises qui modifieraient, par voie d’avenant, l’accord d’intéressement en cours pour accroître les sommes versées aux salariés. D’autre part, les entreprises qui concluraient un accord d’intéressement ou un avenant à un tel accord pourront accorder à leurs salariés, avant le 30 septembre 2009, une prime d’un montant maximal de 1 500 euros exonérée de cotisations de sécurité sociale, conformément à toute distribution effectuée au titre de l’intéressement.

Un second chiffre mérite d’être rappelé : chaque année, plus de 7 milliards d’euros sont distribués aux salariés au titre de la participation, soit un versement moyen de 1 300 euros par salarié suivi d’une période de blocage pendant cinq ans.

L’article 2 a pour objet de mettre fin au principe de la non-disponibilité de la participation pendant cette période bloquée. Il prévoit d’offrir aux salariés le choix de percevoir immédiatement les sommes versées à ce titre, en acquittant l’impôt sur le revenu, ou de les bloquer pendant cinq ans pour profiter d’une exonération fiscale. Les modalités de versement de la participation sont ainsi alignées sur celles de l’intéressement.

Avec ce nouveau dispositif plus clair, les salariés pourront choisir de mobiliser ces sommes soit pour consommer, soit pour investir. Ils disposent donc de la liberté de choix qui caractérise ces dispositions nouvelles.

Ces deux réformes ont une ambition commune, à savoir répondre à la préoccupation partagée par tous nos concitoyens quant au pouvoir d’achat, et nous permettent d’améliorer ce dernier.

À ceux qui pourraient s’interroger sur le nombre et sur la diversité des mesures prises, je rétorque que l’on ne peut refuser aucune piste ; tous les leviers doivent être utilisés pour répondre au défi lancé à notre pays, à notre économie, à nos entreprises et à nos salariés, pour relancer la progression du pouvoir d’achat, pour conforter nos entreprises, source d’emploi la plus importante. Votre texte y concourt, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État.

De plus, je veux rappeler que le Gouvernement a engagé une action très volontaire en proposant, depuis le début de la législature, trois textes ayant des applications en matière de pouvoir d’achat. Les mesures contenues dans le présent projet de loi marquent une nouvelle étape de cette politique en faveur du pouvoir d’achat. Il est d’autant plus impératif pour notre économie de faciliter le dialogue social dans nos entreprises à un moment particulièrement critique sur le plan national et international. Nous devons encourager les plus petites d’entre elles à proposer la mise en place de l’épargne salariale à l’occasion de la conclusion des accords d’intéressement.

L’annonce de ce projet de loi a suscité quelques craintes et interrogations parmi les chefs d’entreprise ou les gestionnaires de l’épargne salariale. Nombre d’entre eux sont circonspects à l’égard des changements de législation et de l’alourdissement de la réglementation en matière d’épargne salariale. Je suis absolument convaincu que ces mesures incitatives les rassureront.

Les organisations syndicales ont manifesté des réserves ; décrivant l’intéressement et la participation comme des « substituts aléatoires aux salaires », elles considèrent que les mesures en cause ne permettront pas d’améliorer le pouvoir d’achat. À mon sens, les salariés leur donneront tort, car ils considèrent comme juste d’être eux aussi concernés lorsque l’entreprise réalise de bons résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ce n’est pas en multipliant les contraintes que l’on développera l’intéressement, la participation et l’épargne salariale : il faut que la mise en place de ces systèmes dans les entreprises suscite l’intérêt des salariés.

Le mécanisme du crédit d’impôt relatif à l’augmentation de l’intéressement va injecter un supplément de revenus du travail et de pouvoir d’achat dans notre économie. Il représente, certes, une dépense fiscale nouvelle, mais, inversement, il va mécaniquement apporter des recettes fiscales supplémentaires, et ce à plusieurs titres. Les salariés paient sur l’intéressement disponible l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS ; les entreprises paieront désormais le forfait social de 2 % que nous examinerons dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces nouvelles recettes vont quasiment équilibrer le coût de ce crédit d’impôt.

Dans le contexte économique actuel, nous devons soutenir les entreprises qui feront des efforts pour accroître l’intéressement. Ce crédit d’impôt les y incitera toutes, et plus particulièrement les PME. Il ne remet nullement en cause le caractère aléatoire de l’intéressement. Il nécessite la mise en place ou la renégociation des accords d’intéressement, dans un dialogue social renouvelé. Il traduit un état d’esprit. Il permettra d’augmenter le nombre de salariés bénéficiaires de l’intéressement.

Si nous ne mettons pas en place ce crédit d’impôt, les salariés seront pénalisés.

Non seulement la dégradation économique n’enlève rien à la pertinence de ce crédit d’impôt, mais elle en renforce la nécessité en donnant une marge de manœuvre supplémentaire aux entreprises et aux salariés. Nous devons donc l’adopter.

Je veux à nouveau souligner la logique du libre choix des salariés quant à l’usage de la participation. Aujourd’hui, lorsque l’entreprise distribue de la participation, cette dernière représente en moyenne 19 % du bénéfice. Des différences importantes doivent cependant être notées selon les secteurs. Il ne semble pas raisonnable de vouloir transformer la formule légale actuelle en faisant distribuer par les entreprises le tiers de leur bénéfice fiscal ; cela risquerait, en période de trésorerie très tendue, de les affaiblir. Surtout, nous ne devons ni alourdir les charges des entreprises dans le contexte actuel ni déterminer de manière rigide dans la loi la répartition des résultats, au détriment des salaires ou de l’investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Sur ces deux points, je souhaite le rétablissement du texte du Gouvernement, qui traduit une ambition à la fois juste et réaliste.

Soyons convaincus de la nécessité d’une modernisation des dispositifs d’épargne salariale au profit d’une plus grande cohérence et d’une plus grande lisibilité, tant pour les salariés que pour les dirigeants d’entreprise. Je partage aussi le souci du chef de l’État de répondre sans retard aux inquiétudes des Français sur le pouvoir d’achat : j’estime, à ce propos, que le présent projet de loi, qui favorise la mobilisation de l’intéressement et de la participation, y contribuera de façon décisive.

C’est pourquoi, avec nombre de mes collègues du RDSE, j’invite la Haute Assemblée à soutenir les propositions novatrices de votre texte, monsieur le ministre. Elles vont, je le répète, dans le sens d’une plus grande équité et d’une plus grande solidarité à l’intérieur de l’entreprise.

Ayant été profondément marqué par le rugby, j’estime que ce texte favorisera au sein de l’entreprise le sentiment concret d’appartenir à une équipe.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’avantage des formules toutes faites, c’est qu’elles marquent durablement les esprits crédules. En l’espèce, « travailler plus pour gagner plus » constitue un exemple de choix, une perle rare !

Marques d’ironie au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Nous ne démontrerons pas une énième fois en quoi ce sophisme révèle une vision obtuse, qui vénère le quantitatif au détriment du qualitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Or l’inconvénient des slogans et des promesses de campagne, qui sont souvent des formules simplistes, c’est que la réalité est toujours un peu plus compliquée.

La phrase : « Je serai le président du pouvoir d’achat » nous permet d’en faire l’expérience cruelle, et pas seulement pour le Président de la République, malheureusement.

Monsieur le ministre, ce projet de loi est le quatrième texte en un an à afficher sans vergogne une volonté de revaloriser le pouvoir d’achat, après la loi TEPA, c'est-à-dire la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le projet de loi pour le pouvoir d’achat – rien de moins ! –, qui prévoyait le rachat des RTT, enfin le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, soit quatre textes en moins d’un an !

À trois reprises, la majorité a prétendu améliorer la situation de millions de Français et réussi surtout à provoquer la réticence des employeurs, à rendre visibles des heures supplémentaires préexistantes et à grever les finances publiques, sans créer d’emplois !

À ce jour, seule une entreprise sur cinq propose le rachat des jours de RTT, et bien peu de salariés le demandent.

Or, comme les enquêtes d’opinion le montrent unanimement, les salariés, notamment les cadres, sont attachés à leurs RTT, d'ailleurs bien utiles dans ces moments de crise aux entreprises, qui s’en servent pour amortir leurs difficultés croissantes liées à la baisse de leurs carnets de commandes.

De même, le déblocage de la participation était censé, en 2008, atteindre 12 milliards d’euros, ces sommes devant se diriger préférentiellement vers la consommation. Or il n’en a rien été.

Il est vrai qu’il n’est pas simple de prôner la constitution d’une épargne dite « de longue durée » en vue de la retraite par capitalisation et, dans le même temps, de multiplier les mesures de déblocage afin d’inciter les salariés à soutenir la consommation en dépensant immédiatement ces mêmes sommes !

Trois textes en un an... Quel aveu de l’inefficience de vos mesures ! Et pour être bien sûrs qu’ils ne fonctionnent pas, vous en ajoutez encore un. Nous voilà donc à quatre textes !

Le Parlement s’apprête à examiner le présent projet de loi pour savoir ce que vous nous avez concocté, au beau milieu d’une crise systémique qui révèle à quel point les rémunérations annexes ont pu entraîner des dérives et creuser le fossé entre, d’une part, les plus riches, munis de parachutes dorés et de boucliers fiscaux, et d’autre part, ceux dont il faudra bien améliorer véritablement le pouvoir d’achat avant que tout n’explose !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que contient donc ce projet de loi ? Cinq articles seulement, c’est vite vu...

Le premier instaure un crédit d’impôt au profit des entreprises concluant un accord d’intéressement et prévoyant le versement d’une prime exceptionnelle.

Cette disposition coûtera aux finances publiques la bagatelle de 377 millions d’euros en 2010, de 783 millions d'euros en 2011 et de plus de 1 200 millions d’euros en 2012 ! Croyez-vous que le moment soit bien choisi pour adopter une telle mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

La réforme de l’épargne salariale portée par l’article 2 rencontre l’hostilité des milieux économiques, et nous les comprenons tant ils éprouvent aujourd’hui des difficultés à accéder au crédit bancaire pour consolider leur trésorerie ou investir.

L’article 3 du projet de loi a pour objet de modifier la procédure de fixation du SMIC, au moment même où nous examinons dans l’urgence la mise en place du RSA…

Cet éparpillement des moyens est tout simplement illisible et incompréhensible. Il n’incite à croire ni à une simplification des procédures ni à une réelle volonté du Gouvernement de se doter d’un outil susceptible de réduire la pauvreté.

En effet, la publication de récents critères laisse à penser que la remise en cause de la vocation initiale du SMIC est bien en cours. Mes chers collègues, je vous renvoie au rapport qu’a réalisé sur ce thème, pour le Gouvernement, le Conseil d’analyse économique.

Parce qu’il est toujours bon, notamment eu égard à l’esprit et à la lettre de la LOLF, d’équilibrer financièrement une nouvelle mesure, vous proposez aux articles 4 et 5 du projet de loi d’ouvrir des négociations salariales dans les entreprises. Mais il s’agit là, d’ores et déjà, d’une obligation !

De surcroît, les chefs d’entreprise n’auront qu’à entamer une négociation pour bénéficier des exonérations, sans avoir à se soucier de déboucher sur des accords d’entreprise, qui sont eux-mêmes très difficiles à encadrer et que l’on peut d’ores et déjà soupçonner de se conclure au détriment des salariés.

Dans le même esprit, sans doute dicté une fois de plus par le MEDEF, vous proposez de remettre à 2011 l’alignement des minima de branche sur le SMIC. Mais avez-vous réellement pris la mesure des événements récents et de la situation dans laquelle se trouve la majeure partie de nos concitoyens ?

En effet, monsieur le ministre, que devient le million et demi de travailleurs pauvres qui, par essence, n’est pas concerné par la première mesure ? Je veux parler des allocataires du RSA, bien sûr, mais aussi des étudiants, des retraités, des fonctionnaires d’État, de la fonction publique territoriale et hospitalière, ou encore des personnes handicapées et des demandeurs d’emploi !

Cette mesure semble intrinsèquement inégalitaire, à moins que, dans votre conception, le pouvoir d’achat ne concerne que les salariés du secteur privé. Cette dernière explication est envisageable, après tout, dans une philosophie qui remet en cause le salaire en tant qu’élément structurant du pouvoir d’achat au profit d’autres rémunérations beaucoup plus aléatoires. Le gouvernement auquel vous appartenez n’en est pas à une contradiction près !

D’ailleurs, il va de soi que le revenu différé – la seconde mesure que vous proposez – se trouve parfaitement adapté à une revalorisation immédiate du pouvoir d’achat !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

La création d’un comité d’observation du RMI, dont vous vous passez bien dans l’urgence de la mise en place presque simultanée du RSA, est d’une logique implacable !

Monsieur le ministre, le Gouvernement prétend aujourd'hui moraliser le capitalisme, mais il réussit surtout à démoraliser les ménages et les Français, qui n’ont pas beaucoup progressé depuis que M. Raffarin évoquait la « France d’en bas ». Ils auraient même plutôt encore régressé !

Assurément, le Gouvernement n’a pas réalisé les promesses de campagne du Président de la République, à savoir augmenter le pouvoir d’achat des Français, loin s’en faut ! Depuis le temps que vous vous y efforcez, vous n’y parvenez guère, monsieur le ministre. Soyons sérieux !

En ce qui concerne la moralité, n’en déplaise au MEDEF, occupons-nous de légiférer afin d’encadrer la rémunération et le statut des grands patrons. Voilà du concret !

S'agissant du pouvoir d’achat des Français et de la réhabilitation de la valeur travail, contentons-nous de revaloriser les salaires. C’est tellement plus simple, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, et tellement plus efficace !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la baisse du pouvoir d’achat des ménages constitue aujourd’hui une réalité que nul ne peut nier.

Les enquêtes le prouvent, l’INSEE prévoit que le salaire moyen en 2008 stagnera dans le secteur privé et baissera de 0, 9 % dans les administrations publiques. La masse salariale se trouve donc globalement sur une pente descendante, tandis que l’inflation augmente.

Cette réalité, nous la percevons quotidiennement dans nos permanences, où nous recevons des personnes en détresse sociale qui ont perdu leur emploi, des familles monoparentales qui peinent à se loger, des femmes cantonnées aux contrats de travail à temps partiel, des ménages qui peinent à finir le mois, et cela malgré deux salaires mensuels, des retraités qui vivent de plus en plus difficilement... La baisse du pouvoir d’achat frappe toutes les couches de la population.

Jusqu’à présent, le Gouvernement n’a apporté que de mauvaises réponses à ce problème. Il y eut, tout d’abord, le « paquet fiscal » ou loi TEPA de l’été 2007, qui fut un scandaleux festival de cadeaux, du bouclier fiscal à la mise en cause de l’ISF. Ce dernier objectif a d'ailleurs été atteint pour une infime minorité de très gros contribuables, dont certains reçoivent du Trésor public des chèques de remboursement d’un montant faramineux.

Or ce bouclier fiscal est de plus en plus mal vécu aujourd’hui, en période de crise, par la population. Comme il inclut également la CSG, la CRDS et, depuis peu, le RSA, les plus hauts revenus se trouvent exonérés de tout effort de solidarité nationale.

Nous ne cesserons de dénoncer cette injustice, ou plutôt ce scandale, comme nous l’avons fait déjà lors de la discussion sur le RSA.

Par ailleurs, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat visait le rachat de leurs RTT par les salariés.

Or, selon l’URSSAF, seule une entreprise sur cinq propose un tel rachat. Surtout, bien peu de salariés l’ont demandé, ce qui prouve, si besoin en était, qu’ils sont très attachés à leurs RTT.

Cette même loi du 8 février 2008 prévoyait également le versement d’une prime exceptionnelle de 1 000 euros dans les PME, ainsi qu’un déblocage de la participation. Dans l’un et l’autre cas, le bilan est mitigé.

Selon vos prévisions, 12 milliards d’euros devaient être débloqués, mais en réalité ce montant est plus proche de 4 milliards d’euros.

Par ailleurs, en décembre 2007, le Gouvernement a fait adopter par le Parlement une loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce texte devait faire baisser les prix, mais force est de constater qu’il n’en a rien été.

Enfin, en juillet dernier, ce fut la loi de modernisation de l’économie, qui devait libérer toutes les énergies. Elle avait pour objectif d’apporter 0, 3 % de croissance de plus et de créer 50 000 emplois par an. On sait aujourd’hui ce qu’il en est : ces objectifs ne seront pas atteints !

En fait, les Français dans leur grande majorité n’ont absolument pas perçu les efforts du Gouvernement pour améliorer leur pouvoir d’achat. En revanche, ils ont subi la hausse des matières premières, des denrées alimentaires, de l’essence, du gaz…

Ils ont aussi pâti – notamment les plus pauvres d’entre eux, qui hésitent aujourd’hui à se soigner – des prélèvements déguisés du Gouvernement, à savoir les déremboursements et les franchises médicales.

La diminution du pouvoir d’achat doit absolument être combattue, car notre pays se trouve sur une mauvaise pente. Avec le recul du PIB aux deuxième et troisième trimestres de 2008, avec 43 200 chômeurs supplémentaires en août dernier, nous sommes entrés en récession.

La crise financière a déjà eu des répercussions sur l’économie, dans des secteurs clés comme l’immobilier, l’automobile et le bâtiment. Elle en aura d’autres dans les prochains mois.

Que fait le Gouvernement ? En septembre dernier, il a convoqué le Parlement en session extraordinaire. On eût été tenté de croire que c’était pour organiser un Grenelle du pouvoir d’achat… Or tel n’était pas le cas : le Gouvernement a seulement apporté une mauvaise réponse de plus à travers ce projet de loi alors soumis à l’Assemblée nationale.

Ce texte a de quoi décevoir toutes celles et tous ceux qui attendaient une réponse à leurs difficultés quotidiennes.

Tout d’abord, il est profondément inégalitaire. Je le répète, alors que la baisse du pouvoir d’achat concerne toutes les catégories de la population, ce texte exclut les retraités, les étudiants, les fonctionnaires, les bénéficiaires des pensions d’invalidité, les adultes handicapés, les chômeurs et les salariés des entreprises dont la nature, la taille, les résultats ou l’absence de volonté rendent inopérants les dispositifs d’intéressement.

Ensuite, ce projet de loi remet totalement en cause la notion de salaire qui, jusqu’à présent, constituait le pilier principal du revenu des ménages.

Avec votre texte, monsieur le ministre, ce revenu sera constitué en partie seulement du salaire, le reste provenant des heures supplémentaires, de l’intéressement, de la participation ou encore de l’épargne salariale.

Les mesures que vous proposez – crédits d’impôts, exonérations de cotisations sociales et autres niches fiscales – auront pour seule conséquence d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires et à privilégier toutes les formes annexes de rémunération.

Comment dès lors garantir un revenu décent ? Quelles seront les conséquences de ces dispositions sur les retraites ? Les revenus annexes que vous encouragez seront-ils pris en compte dans le calcul des pensions ?

Par ailleurs, nous avons toutes les raisons de nous interroger sur l’incidence de ce texte sur le budget national. On nous répète depuis plusieurs mois que « les caisses sont vides », le Premier ministre ayant même évoqué un « État en faillite ».

Or, en dépit de ces déclarations, le Gouvernement a souhaité procéder à une nouvelle dépense fiscale d’un milliard d’euros.

Aussi la commission des finances s’est-elle inquiétée de cette nouvelle charge. Elle a supprimé à l’unanimité le nouveau crédit d’impôt en faveur de l’intéressement.

Enfin, monsieur le ministre, ce texte nous paraît présenter certains risques pour le SMIC, dont la progression est actuellement fondée sur l’inflation et le pouvoir d’achat.

En avançant au 1er janvier de chaque année la fixation annuelle du SMIC, on se dirige vers un lissage annuel depuis longtemps revendiqué par le MEDEF. Nous n’y sommes pas favorables.

De plus, ce texte vise à confier à un groupe d’experts un avis annuel sur l’évolution du SMIC et de l’ensemble des revenus. Un décret devra fixer les conditions de leur désignation afin de garantir leur indépendance. Il y a de quoi se poser des questions sur les intentions réelles du Gouvernement, d’autant que, selon certains experts, le SMIC serait trop élevé par rapport à la productivité des salariés peu qualifiés…

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

… et que, dans son rapport du 23 juillet 2008, le Conseil d’analyse économique émet de vives critiques sur l’efficacité du SMIC et propose de modifier les règles actuelles : « une commission d’experts pourrait être créée, les membres en étant nommés dans des conditions garantissant leur indépendance ».

Pour conclure, posons-nous la question : ce texte répond-il aux attentes des Français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Non, nous ne le croyons pas. Ce texte est inégalitaire et dangereux à la fois pour les salariés, les entreprises et le budget de l’État. Il tend à substituer au salaire des formes annexes de rémunération, incertaines parce qu’indexées sur les résultats des entreprises, et à créer les conditions de la remise en cause du SMIC.

Monsieur le ministre, pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est sur le salaire qu’il faut faire porter vos efforts et non pas sur les compléments de revenus. Ce texte est une mauvaise réponse gouvernementale supplémentaire à une vraie question de société. Le groupe socialiste ne le votera pas.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est à la fin du mois de mai dernier, à Verberie, dans l’Oise, que le chef de l’État a donné « sa » réponse au pouvoir d’achat : il a annoncé un projet de loi sur l’intéressement – les sommes versées aux salariés seraient doublées – et sur la participation, avec la fin du blocage automatique des sommes consignées.

Avec l’intéressement, chacun y trouve son compte, a affirmé Nicolas Sarkozy : l’entreprise dont la performance et les résultats s’améliorent ; les salariés qui voient leur travail récompensé et sont directement associés à la bonne marche des affaires.

Le Gouvernement s’est donc mis dans les pas du Président de la République en déposant, le 23 juillet dernier, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Cependant, entre-temps, il y a eu l’accumulation des mauvais chiffres affectant entreprises et ménages, et la panique financière des mois de septembre et d’octobre.

Le chef de l’État, dans son discours prononcé à Annecy, la semaine dernière, ne déclarait-il pas – et cette citation revêt toute son importance dans le contexte actuel – : « Je tenais à affirmer que plus rien, dans l’économie mondiale, ne sera comme avant. Vouloir continuer avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant serait une erreur fatale » ?

Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous continuez « avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant », comme si, malgré la crise économique, les entreprises allaient pratiquer intéressement et participation, comme si elles n’avaient pas particulièrement besoin, en cette période difficile, de fonds propres, quand leur accès au crédit est compromis. Pour vous, tout continue comme avant !

Ce projet de loi ne permettra d’améliorer ni la consommation, ni le pouvoir d’achat, ni la situation des entreprises, ni les finances publiques.

La commission des finances s’est saisie pour avis du texte ; elle a bien fait de s’intéresser tout particulièrement aux articles 1er et 2.

L’article 1er vise à créer, en effet, un crédit d’impôt supplémentaire au profit des entreprises qui concluent un accord d’intéressement ; l’article 2 tend à prévoir le déblocage de la participation des flux à venir.

C’est à l’unanimité – vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le rapporteur pour avis – que la commission des finances a adopté la suppression de ce crédit d’impôt. Je veux résumer ici les quelques arguments des commissaires socialistes à cet égard.

Tout d’abord, ce texte, comme bien d’autres, comme trop d’autres, tend à consacrer une mauvaise habitude du Gouvernement, celle de démanteler la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Ensuite, est-il utile de rappeler que le maintien en l’état du projet de loi de finances pour 2009 laisse sans réponse la question du soutien à l’économie, alors que la récession est annoncée et qu’elle se traduira à la fois par un « désinvestissement » des entreprises et une remontée du chômage ?

Ce crédit s’imputera donc sur les recettes de l’État. Si l’objectif du Gouvernement de doubler l’intéressement sur quatre ans était atteint, il se traduirait, en régime de croisière, par un coût d’un milliard d’euros pour les finances de l’État. Je suppose que M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, doit souhaiter, en son for intérieur, que cela ne marche pas.

Cette estimation n’a cependant pas fait l’objet d’études d’impact – voilà une autre mauvaise habitude du Gouvernement ! – et serait le résultat d’un sondage effectué par un cabinet privé auprès d’un panel d’entreprises. Cette fantaisie est-elle de mise dans la période particulièrement critique que nous traversons ?

Ce crédit d’impôt est toutefois limité à 2014, année à laquelle il devrait être évalué. La date est lointaine et l’on ignore quelle sera la méthode.

La mise en œuvre de la réforme constitutionnelle ouvre le champ de l’évaluation au Parlement. J’espère que le Sénat, particulièrement la commission des finances, dont je suis membre, profitera pleinement de cette opportunité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Par ailleurs – et c’est vraiment une raison de fond –, une réduction d’impôt qui serait payée par une augmentation du déficit public n’aurait aucun effet sur la production, la consommation ou l’investissement.

Ce sont là trois facteurs décisifs qui, dans le contexte macroéconomique dépressif actuel, plaident en faveur de la suppression du crédit d’impôt.

Les ménages l’avaient déjà compris, avant même la prise en compte – tardive, d’ailleurs ! – de la crise par le Gouvernement : la consommation flanche depuis le début de l’année et le taux d’épargne est remonté à 16 % du revenu disponible des ménages, soit plus de deux points qu’à la même période en 2006.

Cela signifie que les ménages ont anticipé le signal d’une augmentation des prélèvements obligatoires, et ce par une épargne de précaution quand ils le peuvent. La ruée vers le livret A, depuis l’été dernier, atteste de la remontée de cette épargne.

Enfin, concernant les prélèvements obligatoires, dont nous débattrons ici même dans quelques jours avant d’entamer la discussion du projet de loi de finances pour 2009, le Gouvernement, par ce texte, envoie un message contradictoire, puisqu’il instaure une incitation fiscale en même temps qu’un « forfait » social. Comprenne qui pourra !

Tous ces arguments motivent notre refus persistant de ce crédit d’impôt, auquel, monsieur le ministre, vous avez rappelé que vous teniez tant.

Je dirai un mot du versement de la prime exceptionnelle de 1 500 euros. La loi du 8 février 2008 prévoyait déjà le versement d’une prime de 1 000 euros par salarié. Cette récente mesure n’est même pas évaluée que l’on nous propose un nouveau dispositif !

Nous n’avons pas plus d’évaluation des déblocages anticipés prévus à la suite des mesures de 2004 et de 2005 !

Tout cela manque de sérieux, et le Parlement ne peut s’en satisfaire, sous peine d’être taxé de complaisance à l’égard d’un exécutif qui fait loi sur loi sans se soucier de leurs conséquences !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pourtant, dès l’automne 2005, nos collègues députés MM. François Cornut-Gentille et Jacques Godfrain remettaient au Premier ministre d’alors un rapport dans lequel ils s’alarmaient de « la multiplication des textes ».

Je conclurai en déplorant que, dans ce projet de loi, le Gouvernement évite la question de fond du partage de la valeur ajoutée entre rémunération du capital et rémunération du travail.

Le constat est simple, malheureusement : il vaut mieux être actionnaire que salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Pas en ce moment ! Il vaut mieux ne pas être actionnaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

À l’intérieur de la part revenant au capital, une part croissante de l’excédent d’exploitation a servi à financer le versement des dividendes aux actionnaires, qui, de ce fait, se sont enrichis bien plus que les salariés. Le niveau des dividendes excède largement les capacités de profit des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Celles-ci ont distribué si largement aux actionnaires qu’elles ont été amenées, ce qui est un comble, à emprunter pour satisfaire des actionnaires insatiables…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… au détriment des investissements pourtant si nécessaires à la compétitivité, que le Gouvernement prétend favoriser par ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous avons voté l’amendement de M. le rapporteur pour avis, qui vise à répartir les bénéfices des entreprises entre actionnaires, investissement et salariés sous forme de participation. Il ne répond pas à la question essentielle des salaires directs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… mais au moins se soucie-t-il de la place des salariés parties prenantes de la création de richesses.

Enfin, le Gouvernement a récemment déposé un amendement n° 20 rectifié tendant à poser des conditions à l’attribution de stock-options ou d’actions gratuites.

C’est une réponse très insuffisante aux dégâts considérables causés chez nos concitoyens par l’écart qui ne cesse de se creuser entre, d’une part, les salariés et, d’autre part, la petite classe de privilégiés que le Gouvernement protège par ailleurs – bouclier et niches fiscales confondus – et dont la fortune n’a cessé ainsi de s’accroître.

C’est pourquoi nous avons déposé un sous-amendement à cet amendement gouvernemental, qui tend à conditionner la distribution à un accord relatif aux salaires dans les deux ans.

Nous étions allés plus loin en déposant des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, amendements que M. François Marc avait défendus et qui ont été repoussés. Le groupe socialiste fera encore mieux avec sa proposition de loi sur la régulation financière qui sera discutée ici le 4 novembre prochain. Rendez-vous est pris !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame le rapporteur, je vous remercie du soutien que vous apportez à ce texte, en particulier s’agissant de l’encouragement à l’intéressement.

Je vous rassure, le forfait social ne vient pas contredire notre volonté de développer l’intéressement. Nous aurons l’occasion de revenir sue ce point au cours des débats. Le sujet était à l’étude depuis bien longtemps. L’intéressement aurait même pu, à en croire un certain nombre de ses promoteurs, se situer à des niveaux beaucoup plus élevés. En tout état de cause, il n’y a aucun risque qu’il vienne se substituer aux salaires.

Monsieur le rapporteur pour avis, il est évident que nous voulons tous les deux développer l’intéressement. Nous ne manquerons pas d’en reparler en détail lors de l’examen de l’article 1er et des amendements que vous avez déposés.

Le Gouvernement a choisi la voie de l’incitation : la situation économique actuelle montre qu’il a tout intérêt à inciter les entreprises plutôt qu’à les contraindre.

Par ailleurs, modifier les règles applicables en matière de calcul de la participation ne permettra pas aux entreprises de se développer. Il est en effet évident, compte tenu des circonstances, que les obliger à verser 33 % de leurs bénéfices risque de mettre un certain nombre d’entre elles en difficulté. Tel n’est pas l’enjeu du dispositif.

J’ai pris note de vos propos sur le crédit d’impôt et l’intéressement. Sur ce point également, nous aurons l’occasion de revenir en détail. Ce dispositif du crédit d’impôt aura, c’est vrai, un coût, mais il se révélera être un investissement en matière d’intéressement, car il entraînera des recettes supplémentaires, fiscales et sociales.

Madame David, il n’y aura pas d’annualisation du SMIC. Elle n’est prévue dans aucun texte, même en filigrane, même de façon subliminale. Le mode de fixation du SMIC restera inchangé.

Je vous remercie, madame Procaccia, des propos que vous avez tenus. Vous avez raison de relever que le Gouvernement entend mettre en place une forte incitation et de souligner à quel point il est nécessaire de faire preuve de pédagogie dans les entreprises. Je sais que votre expérience est grande en la matière.

Monsieur de Montesquiou, vous avez souligné que, selon la taille des entreprises, les salariés ne sont pas égaux face à l’intéressement. C’est à cette inégalité que le Gouvernement veut remédier. Vous l’avez dit, tous les moyens d’incitation doivent être utilisés. Le Gouvernement entend les mettre en œuvre, persuadé, comme vous, que la contrainte ne permettra pas de développer l’intéressement.

Madame Jarraud-Vergnolle, plusieurs lois ont, depuis 2007, permis d’améliorer les revenus des salariés. Chacune a produit des résultats. Sur ce point également, nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat.

Je vous ai écoutée avec grande attention. Vous avez critiqué un projet de loi dont l’objet est de faire en sorte que toutes les ressources dont dispose le législateur soient mobilisées en faveur du pouvoir d’achat des salariés. Mais vous n’avez pas proposé beaucoup de mesures ou de politiques alternatives à celle du Gouvernement !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’ai entendu beaucoup de belles paroles, mais le Gouvernement, quant à lui, par le présent projet de loi, s’inscrit dans le monde du réel, et fait preuve de volonté et de pragmatisme.

Madame Bricq, je ne peux pas vous laisser dire non plus que la loi du 8 février 2008 n’a pas été évaluée : 4 milliards d’euros ont été débloqués pour son application, et, s’agissant de la prime prévue, les déclarations annuelles des données sociales, les fameuses DADS, qui seront disponibles au début de l’année 2009, permettront de connaître précisément le montant des versements.

Madame Printz, vous avez évoqué les risques de substitution au salaire. Il est explicitement prévu dans le projet de loi que l’intéressement est un élément supplémentaire ; qui plus est, la négociation le garantit. Les salariés le savent bien, qui plébiscitent l’intéressement, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte dernièrement avec vous en Moselle.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Ma réponse concernera les articles 4 et 5.

Je remercie d’abord Mme le rapporteur de son intervention. Je sais que le sujet de l’intérim lui tient à cœur. Lors de nos débats, nous ferons le point sur la situation des entreprises d’intérim : nous tâcherons de faire en sorte qu’elles ne soient pas pénalisées et que soit évalué leur comportement, et non pas celui des entreprises pour lesquelles elles travaillent.

S’agissant des accords d’entreprise et des accords de branche, permettez-moi à ce stade du débat – nous y reviendrons ultérieurement – de préciser qu’aucun principe n’a été fixé dans la loi du 20 août 2008 quant à un niveau : celui de l’entreprise n’est pas plus privilégié que celui de la branche.

En revanche, vous soulevez une vraie question abordée également par Mme Procaccia : comment trouver un juste équilibre entre les avancées au niveau de la branche et les avancées au niveau des entreprises ? Sur ce point, l’amendement de la commission permettra, me semble-t-il, d’enrichir le texte sous réserve de trouver un équilibre entre les différentes propositions formulées par les uns et les autres.

Je remercie M. le rapporteur pour avis de son intervention. Il a attiré notre attention sur le fait que le dispositif ne doit pas être déconnecté des réalités économiques, et il a exprimé son souci de la bonne gestion des deniers publics. Nous aurons sans doute un débat sur les allégements de charges et leur évaluation afin de répondre à vos souhaits et à vos remarques sur ce sujet, monsieur Dassault.

Madame David, je vous remercie de votre intervention. Vous avez demandé si les dispositions des articles 4 et 5 devaient figurer dans ce projet de loi. Nous pensons – je sais que nous divergeons sur ce point – que cela permet de marquer clairement que l’intéressement et la participation sont non pas des substituts au salaire mais des compléments de ce dernier. Voilà pourquoi le projet de loi prévoit également des dispositifs qui ne concernent que la question des salaires ; mais nous avons déjà eu ce débat dans le cadre des travaux de la commission.

Pour le reste, vous avez souligné malgré tout le fait que les articles 4 et 5 allaient dans la bonne direction, mais qu’ils étaient insuffisants. J’entends bien vos arguments. Néanmoins, si nous prenons l’exemple des minima de branche, la disposition prévue nous permet de transposer les dispositions adoptées jusque-là au coup par coup, telles les mesures prises par Michel Rocard ou celles qui avaient été proposées par Gérard Larcher encore dernièrement, et de les systématiser pour essayer de porter durablement les minima sociaux de branches au niveau du SMIC. Et, disant cela, je réponds également à Mme Printz.

Madame Jarraud-Vergnolle, madame Bricq, nous pensons que ce texte permet de répondre à la situation des salariés qui gagnent de 1 300 à 1 500 euros par mois et qui ont le sentiment que les politiques salariales et les efforts réalisés jusqu’à maintenant n’ont pas vraiment pris en compte leur situation, notamment dans les TPE et les PME, où les mesures prises par Xavier Bertrand ont tout de même apporté des améliorations.

Enfin, je remercie Mme Procaccia et M. de Montesquiou qui sont tous deux de fins connaisseurs des réalités économiques, y compris dans les PME, et qui ont souligné l’injustice de notre système. Le fait que le dispositif prévu repose sur la chance donnée à la négociation, assortie d’une pression claire pour obtenir des résultats devrait nous permettre d’aboutir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Avant d’aborder la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, la commission demande la priorité de l’article 1er et, au sein de ce dernier, la disjonction de l’examen des trois amendements identiques n° 21, 35 et 73, tendant à la suppression de l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La priorité est de droit.

La commission souhaite également disjoindre de la discussion commune les amendements n° 21, 35 et 73 tendant à la suppression de l’article 1er.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi, par Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Printz, Bricq, Alquier, Chevé et Demontès, MM. Desessard, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°32.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur des revenus du travail (502, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, constitue le cinquième texte consacré au pouvoir d’achat depuis juillet 2007 : rien de moins.

Par ordre d’entrée en scène, nous avons eu le paquet fiscal, dit loi TEPA, avec ses désormais célèbres 15 milliards d’euros partiellement engloutis dans les baisses d’impôts pour les plus riches...

Ensuite, en décembre 2007, nous avons eu la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ces dispositions n’ont pas un an et, pourtant, tout le monde les a déjà oubliées. L’objectif de ce texte était de faire baisser les prix grâce à la « sacro-sainte » concurrence. L’inflation atteignant maintenant 3, 5 % et le salaire moyen dans le secteur privé étant en stagnation, ce n’est pas cette année que l’on vous remettra la médaille du mérite !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On ne peut pas l’avoir quand on est en activité !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Puis ce fut le tour de la loi pour le pouvoir d’achat avec le rachat des RTT. Vous nous direz sans doute que le bilan est mitigé, que ce n’est certainement pas un échec. Tel n’est pas l’avis de l’URSSAF. En effet, selon cette dernière, seule une entreprise sur cinq propose le rachat des jours de RTT et peu de salariés l’ont demandé, comme cela a déjà été dit au cours du débat. La raison de cet échec est simple et était d’autant plus prévisible que toutes les enquêtes d’opinion le montraient : les salariés, notamment les cadres et les agents de maîtrise, sont très attachés à leurs RTT.

Enfin, plus récemment, a été adoptée la loi de modernisation de l’économie, dont les experts de Bercy continuent de tenter de percer les mystères, de comprendre l’intérêt et le contenu !

J’arrête là le bilan et, bien sûr, je salue l’activisme effréné de ce gouvernement sur un problème aussi essentiel que le pouvoir d’achat.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'État

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Toutefois, vous conviendrez qu’on peut s’interroger sur cette frénésie. Une loi, je veux bien. Deux, c’était sans doute nécessaire. Trois, c’est pour parfaire l’effort. Mais enfin, cinq lois en à peine seize mois !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Serait-ce parce que ni la première, ni la deuxième, ni aucune de ces mesures n’a été pertinente ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Aucune de ces mesures ne se serait révélée efficace et à la hauteur des enjeux ? Aucune de ces mesures n’aurait amélioré la vie des Français ? Assurément !

Aussi, la loi des séries étant ce qu’elle est, il n’est pas étonnant que vous nous ressortiez ce vieux ballon de baudruche de l’intéressement et de la participation.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela fera plaisir aux bénéficiaires… Nous transmettrons !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Si ma mémoire est bonne, la dernière fois date d’octobre 2006.

Héritage de cette vertueuse tradition des gaullistes chrétiens, le principe est élémentaire : libérer les dividendes de l’entreprise en les redistribuant avec parcimonie aux salariés. Ceux-ci, en raison de leurs faibles revenus, dépensent actuellement plus qu’ils n’épargnent. Ils ne manqueront pas de réintroduire cet argent dans l’économie en consommant à tout va. Ainsi, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes sauf qu’il ne faut quand même pas trop en attendre : votre dernière expérience en matière de participation tablait sur la libération de 12 milliards d’euros. À ce jour, nous atteignons difficilement les 4 milliards d’euros : un gain trois fois inférieur aux prévisions, et pourtant vous souhaitez renouveler l’expérience !

Le raisonnement est un peu simpliste, son impact réel complètement surestimé, mais admettons.

Cependant, pour que votre projet marche, cela suppose qu’il y ait des dividendes à partager et, pour cela, il faut de la croissance. Or, en ce moment, ça coince !

Après que le Président de la République a tenté d’aller « chercher la croissance avec les dents », …

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

… après de multiples annonces toujours surévaluées et continuellement revues à la baisse, votre collègue Mme Lagarde a fini par avouer contrainte et forcée que la croissance sera quasi nulle cette année : au mieux 0, 9 %, et sans doute moins encore l’année prochaine.

Pour les deux derniers trimestres de 2008, l’INSEE prévoit même une croissance négative. J’ai beau ne pas être économiste, je sais que deux trimestres d’affilée avec une croissance négative, c’est-à-dire deux trimestres où nous ne produisons pas de richesses mais où nous en perdons, cela s’appelle une récession. Les ministres ont reçu la consigne de pas prononcer le mot, mais cela ne change rien, nous sommes bien en « récession », et vous préparez une politique reposant sur de la croissance !

Dans le même temps, une étude parue la semaine dernière nous apprend le profond malaise des industriels dont le moral est au plus bas depuis un long moment parce que, disent-ils, « les carnets de commandes sont anormalement vides ».

En résumé, pas d’argent public pour un plan de relance – à ne pas confondre avec un plan de renflouement des banques sans contrepartie –, pas de croissance mais la récession, pas de commandes dans les entreprises, donc pas de bénéfices en perspective.

Tous les éléments dont votre projet de loi a irrémédiablement besoin pour réussir un tant soit peu font défaut !

Vous misez sur des choses qui n’existent pas, sur des fantasmes. En psychiatrie, le diagnostic serait clair : « déni de réalité ». Plus communément, on appelle cela « n’en faire qu’à sa tête » ou être « irresponsable ».

Vous allez nous dire que c’est la faute de la crise. Mais la crise n’est pas mère de tous les maux, y compris de ceux qui préexistaient de longue date.

Peut-être serez-vous tentés par une nouvelle campagne de publicité destinée à faire croire aux Français que, malgré toutes les difficultés qu’ils affrontent dans leur vie quotidienne, les mesures prises par ce gouvernement vont dans le bon sens. Je vous le dis : la baisse du pouvoir d’achat, ce n’est pas un problème de communication ou de mesures mal expliquées. La baisse du pouvoir d’achat, ce n’est pas seulement dans la tête des Français !

Heureusement, la vigie de l’INSEE et les services statistiques des ministères sont là pour confirmer à nos concitoyens qu’ils ne sont pas fous, qu’ils ne rêvent pas et qu’il est effectivement de plus en plus difficile de boucler les fins de mois !

L’enquête du ministère de l’emploi sur l’activité de la main-d’œuvre, publiée le 27 août dernier, indique que le salaire mensuel de base a augmenté de 2, 7 % sur un an. Néanmoins, avec une inflation de 3, 2 %, cela représente une perte de pouvoir d’achat de 0, 5 %. De même, l’INSEE annonce une baisse de pouvoir d’achat de 0, 4 % sur un an. Devant ces chiffres, il n’y a pas trente-six conclusions : Nicolas Sarkozy est bien le président de la baisse du pouvoir d’achat !

Alors même que votre projet de loi repose sur un postulat irréaliste et n’a aucune chance de marcher, il pose en outre deux problèmes de fond : la remise en cause du salaire comme premier et principal revenu du travail et la brèche ouverte dans le SMIC.

Comment ne pas voir dans ce projet de loi une tentative pour substituer le salaire, revenu fixe, encadré et déterminé, sur lequel s’assoit l’organisation de notre société, par un type de revenu totalement variable et imprévisible.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas voir les revenus du travail des Français soumis aux aléas des performances et des contre-performances des entreprises et, pis, aux aléas des placements financiers.

Si l’on suit ce que vous entendez développer, quelle sera demain la part des salaires dans les revenus du travail ? N’y a-t-il donc aucune leçon à tirer de la crise actuelle ?

De plus, au-delà du fait que votre système favorise, une fois de plus, les hauts revenus, que deviendra le million et demi de travailleurs pauvres qui, par essence, n’est pas concerné par cette mesure ?

Dans cette même logique et malgré un contexte d’explosion de la précarité et une hausse du chômage sans précédent depuis plus de vingt ans, vous entendez redéfinir la fixation du SMIC.

Chantre du « pragmatisme » tous azimuts, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou même que ce ne soit pas du tout la question, M. le ministre a parlé de « dépolitiser » la fixation du SMIC.

M. le ministre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Je me vois dans l’obligation de rappeler ici que la création du SMIC fut, et demeure, un progrès social, et constitue donc une avancée politique. C’est précisément parce que le SMIC est le fruit de la volonté politique visant à garantir que même les plus modestes ne seront pas payés au-dessous d’un minimum décent qu’il est une protection pour des millions de personnes. À gauche, nous le savons bien, car nous avons de la mémoire : le SMIC, c’est politique !

La création d’un « groupe d’experts » à l’indépendance garantie par un décret en Conseil d’État – nous voilà rassurés ! – entend non seulement miner l’importance de la Commission nationale de la négociation collective, mais également imposer de nouveaux critères pour la fixation du SMIC. Évidemment, me direz-vous, il n’y a là aucun caractère politique ! Évolution de la productivité, partage de la valeur ajoutée, compétitivité des entreprises, évolution des salaires minima dans les pays comparables, ou encore structures des salaires ne sont que quelques-uns de ces nouveaux critères. Mais tous ont un point commun : ils sont étrangers à la nécessité de couvrir les besoins essentiels et de constituer la base de la rémunération du travail.

Si une mesure comme la fixation du SMIC au 1er janvier et non plus au 1er juillet est, paraît-il, anodine, pourquoi est-elle alors réclamée depuis des années par le MEDEF ? Ce dernier vous a d’ailleurs probablement soufflé l’idée de repousser à 2011 l’alignement des minima de branche sur le SMIC. Mais cette proposition est sans doute, là encore, anodine !

Décidément, c’est à croire que vous ne l’aimez pas ce salaire minimum ! En lieu en place d’une « pseudo- dépolitisation » du SMIC, c’est bien la première étape de sa reprise en main, de sa mise au pas et, potentiellement, de sa disparition que vous enclenchez ici !

Monsieur le ministre, vous attendiez-vous vraiment à ce que nous ne fassions pas le lien entre la remise en cause du salaire comme seul revenu du travail, la « pseudo-dépolitisation » du SMIC et toutes les autres mesures que vous avez fait adopter ces derniers mois, telles que, entre autres, l’instauration des périodes d’essai allant jusqu’à huit mois, la création de nouveaux CDD, comme le contrat de mission, ou encore, l’obligation pour les chômeurs d’accepter rapidement des emplois sous-payés …

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

… et sans aucun rapport avec leurs compétences ou leurs souhaits ? À cela s’ajoute le RSA, le revenu de solidarité active, dont nous avons débattu la semaine dernière, par le biais duquel l’État se substitue aux entreprises pour payer les salaires.

L’ensemble de ces mesures rendent les travailleurs, et plus encore les personnes à la recherche d’un emploi, corvéables à merci. Elles visent toutes, y compris celles que nous examinons aujourd'hui, à tirer les salaires toujours plus vers le bas, car elles se fondent sur le mythe selon lequel le niveau des salaires serait la cause de tous les déboires.

L’idée que la main-d’œuvre est la seule variable d’ajustement a beau être contredite par la réalité et avoir été usée jusqu’à la corde par l’ultralibéralisme depuis plus d’un siècle, vous continuez à organiser toute votre politique autour d’elle. Continuez ainsi, nous continuerons à nous y opposer !

Incisif comme vous l’êtes, vous ne manquerez pas de répéter, pour vous en convaincre, que nous ne faisons que nous opposer ! En réponse à notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle, vous avez indiqué tout à l'heure que nous ne proposons rien. Pourtant, vous savez que c’est faux !

Voilà quelques mois, vous avez refusé de débattre d’une proposition de loi déposée par le groupe socialiste et qui visait à relancer le pouvoir d’achat en rendant le chèque-transport obligatoire – celui-là même que la majorité de l’Assemblée nationale a tenté de passer à la trappe la semaine dernière ! –, en taxant les énormes bénéfices des entreprises pétrolières et en ouvrant une conférence nationale sur les salaires. Et si cela ne vous suffit pas, monsieur le ministre, voici d’autres idées encore pour relancer la machine : supprimer les franchises médicales profondément injustes et pénalisantes pour les petits revenus, abandonner une partie des 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales accordées sans contrepartie en matière d’emploi, revoir votre position sur la TIPP flottante, augmenter les taxes sur les stock-options, et ne pas faire semblant de vouloir toucher aux niches fiscales, alors que vous ne cessez d’en créer de nouvelles…

Les membres du groupe socialiste étant « bonne pâte », ils vous offrent toutes ces idées, monsieur le ministre ! Prenez-les, car les Français en ont besoin. Mais, par bonté, faites disparaître votre projet de loi dans les oubliettes de votre ministère, et passons aux choses sérieuses !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La commission des affaires sociales est évidemment défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.

Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, le projet de loi joue sur plusieurs leviers complémentaires pour dynamiser le pouvoir d’achat des ménages : intéressement et participation, d’une part, politique salariale, d’autre part.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement souhaite que la motion tendant à opposer la question préalable soit repoussée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix la motion n° 32, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n’êtes pas raisonnables, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Mes chers collègues, je rappelle que le Sénat a décidé d’examiner par priorité l’article 1er, et, au sein de ce dernier, de disjoindre de la discussion commune les trois amendements identiques de suppression.

I. - Après l'article 244 quater S du code général des impôts, il est inséré un article 244 quater T ainsi rédigé :

« Art. 244 quater T. - I. - Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies et 44 duodecies, et ayant conclu un accord d'intéressement en application du titre Ier du livre III de la troisième partie du code du travail peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des primes d'intéressement dues en application de cet accord.

« II. - Ce crédit d'impôt est égal à 20 % :

« a) De la différence entre les primes d'intéressement mentionnées au I dues au titre de l'exercice et la moyenne des primes dues au titre de l'accord précédent ;

« b) Ou des primes d'intéressement mentionnées au I dues au titre de l'exercice lorsque aucun accord d'intéressement n'était en vigueur au titre des quatre exercices précédant celui de la première application de l'accord en cours.

« III. - Les primes mentionnées au I ne peuvent entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d'impôt et dans celle d'un autre crédit d'impôt.

« IV. - En cas de fusion, apports ou opérations assimilées réalisés pendant la durée d'application de l'accord en cours ou de l'accord précédent, ou au cours de l'un des trois exercices séparant l'accord en cours du précédent, la moyenne des primes mentionnées au a du II dues par la société absorbante ou bénéficiaire des apports et par la société apporteuse est égale au montant moyen des primes dues à chaque salarié au titre de l'accord précédent multiplié par le nombre total de salariés constaté à l'issue de ces opérations.

« V. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives. »

II. - Après l'article 199 ter Q du même code, il est inséré un article 199 ter R ainsi rédigé :

« Art. 199 ter R. - Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater T est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année ou de la période de douze mois au cours de laquelle les primes d'intéressement sont dues. Si le montant du crédit d'impôt excède le montant de l'impôt dû au titre de ladite année, l'excédent est restitué. »

III. - Après l'article 220 X du même code, il est inséré un article 220 Y ainsi rédigé :

« Art. 220 Y. - Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater T est imputé sur l'impôt sur les sociétés de l'exercice au titre duquel les primes d'intéressement sont dues. Si le montant du crédit d'impôt excède le montant de l'impôt dû au titre dudit exercice, l'excédent est restitué. »

IV. - Le 1 de l'article 223 O du même code est complété par un x ainsi rédigé :

« x) Des crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater T ; l'article 220 Y s'applique à la somme de ces crédits d'impôt. »

V. - Les I à IV s'appliquent au crédit d'impôt calculé au titre des primes d'intéressement dues en application d'un accord d'intéressement ou d'un avenant à un accord d'intéressement en cours à la date de publication de la présente loi, conclus à compter de la date de publication de la présente loi et au plus tard le 31 décembre 2014. Pour le calcul du crédit d'impôt en cas d'avenant à un accord en cours à la date de publication de la présente loi, l'accord précédent s'entend de la période couverte par l'accord en cours jusqu'à la date d'effet de l'avenant.

VI. - Dans les entreprises ayant conclu un accord d'intéressement, ou un avenant à un accord en cours, à compter de la publication de la présente loi et au plus tard le 30 juin 2009, et applicable dès cette même année, l'employeur peut verser à l'ensemble de ses salariés une prime exceptionnelle.

Cette prime est répartie uniformément entre les salariés ou selon des modalités de même nature que celles prévues par cet accord ou cet avenant. Son montant est plafonné, après répartition, à 1 500 € par salarié. Elle est prise en compte pour l'application de l'article L. 3314-8 du code du travail.

Cette prime ne peut se substituer à des augmentations de rémunération et à des primes conventionnelles prévues par l'accord salarial ou par le contrat de travail. Elle ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales ou contractuelles.

Cette prime est exonérée de toutes cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendue obligatoire par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Dans le cas où un salarié qui a adhéré à un plan d'épargne salariale au sens du titre III du livre III de la troisième partie du code du travail affecte à la réalisation de ce plan tout ou partie des sommes qui lui sont versées au titre de cette prime exceptionnelle, ces sommes sont exonérées d'impôt sur le revenu, dans les conditions prévues par l'article L. 3332-27 du même code.

Le versement de la prime doit intervenir le 30 septembre 2009 au plus tard.

VII. - La prime exceptionnelle prévue au VI est ajoutée à la base de calcul du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater T du code général des impôts relatif à l'exercice au titre duquel elle est versée.

VIII. - L'évaluation du dispositif créé par les I à VII est organisée par le Parlement dans les conditions définies aux articles 24, 47-2 et 48 de la Constitution, avant le 30 juin 2014.

IX. - Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, un rapport portant sur l'application du présent article et son impact sur la diffusion de l'intéressement dans les petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 35 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Alquier, Bricq, Chevé et Demontès, MM. Desessard, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 73 est présenté par Mmes David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le ministre, je ne suis contre rien a priori ! Simplement, je mesure les conséquences des décisions qui sont prises.

Actuellement, l’un des problèmes principaux de la France est son déficit budgétaire, qui ne cesse de s’accroître avec les nouvelles mesures d’allégement de charges que le Gouvernement multiplie. Or je ne vois aucune décision susceptible de réduire ce déficit.

La commission des finances, gardienne du budget, sera toujours opposée à toutes les mesures, quelles qu’elles soient et quel que soit leur intérêt, visant à aggraver encore notre déficit budgétaire et nos charges. Celui-ci s’élève déjà, en 2008, à plus de 50 milliards d’euros ! Vous prenez des mesures de nature à entretenir l’activité économique et à enrayer la crise financière – on ne sait d’où proviennent les fonds accordés dernièrement aux banques… –, qui vont creuser plus encore le déficit ! À combien s’élèvera-t-il en 2009 ?

Vous souhaitez, monsieur le ministre, accorder un crédit d’impôt pour favoriser l’intéressement. Je ne suis pas contre l’intéressement, au contraire ! Mais, en l’occurrence, on ne sait pas de quoi l’on parle dans ce texte, parce que l’intéressement n’y est pas défini. L’intéressement, c’est la possibilité donnée au chef d’entreprise d’intéresser son personnel à un problème précis, à un service ou à une activité, mais pas à l’ensemble de l’entreprise. Les chefs d’entreprise ont peu recours à cette mesure, qui est facultative. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le général de Gaulle, après avoir créé l’intéressement en 1959, a décidé d’instaurer la participation, qui revêt, elle, un caractère obligatoire.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que ce crédit d’impôt va encourager les chefs d’entreprise. Peut-être, peut-être pas… Pourquoi risquer d’aggraver encore le déficit en prenant une mesure incitative, dont on ne mesure pas les conséquences ?

Un chef d’entreprise qui a compris l’intérêt de motiver son personnel n’a pas besoin d’incitations fiscales pour mettre en place l’intéressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Si une incitation fiscale existe, il en profitera bien sûr, mais ce n’est pas pour cette raison qu’il mettra en place l’intéressement dans son entreprise. Ne croyez donc pas que tous les chefs d’entreprise vont se précipiter sur l’intéressement !

De plus, je le répète, on ne sait pas de quoi l’on parle. S’agit-il d’un intéressement à l’économie, à l’activité, au chiffre d’affaires, au bénéfice ? On peut faire de l’intéressement à n’importe quoi !

Contrairement à la participation, dont les principes sont clairs – l’entreprise partage ses éventuels bénéfices à égalité entre les salariés et les actionnaires –, l’intéressement est laissé à la libre discrétion du chef d’entreprise, qui, je le répète, l’utilise assez peu.

Le déficit budgétaire est vraiment la première préoccupation des membres de la commission des finances. On ne peut pas continuer à accroître le déficit budgétaire en offrant des cadeaux, en accordant des allégements de charges, même si cela fait plaisir et contribuera peut-être à augmenter le pouvoir d’achat. En effet, il n’appartient pas à l’État de payer les charges et les salaires au sein de l’économie privée ! C’est aux acteurs de cette dernière de le faire en fonction de leurs possibilités et de leurs besoins.

On entend dire qu’il faut augmenter les salaires. Peut-être, mais une fois que ces derniers sont augmentés, ils le sont tout le temps ! Et si, à un certain moment, l’entreprise a moins de recettes et plus de dépenses, notamment des dépenses de personnel, elle ne pourra survivre et courra à la faillite, au licenciement et, donc, au chômage.

Il faut donc permettre à l’entreprise de faire ce qu’elle peut en fonction de ses contraintes. Tout l’intérêt de la participation, c’est que le partage du bénéfice ne grève pas à long terme l’économie.

Monsieur le ministre, en l’absence de M. le président de la commission des finances, je ne puis prendre à mon compte le retrait de cet amendement, adopté à l’unanimité des commissaires, opposition et majorité confondues. Je le voterai donc avec les membres aujourd'hui présents de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Merci, monsieur le rapporteur pour avis ! Vous êtes fidèle à l’esprit de nos travaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Notre amendement rejoint celui de M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Serge Dassault. Nous voulons supprimer l’article 1er de ce projet de loi pour les mêmes raisons budgétaires, mais aussi pour d’autres raisons.

Le fait d’envoyer par cette simple mesure, dès 2009, plusieurs centaines de millions d’euros par-dessus les moulins est absolument hors de saison, et la commission des finances, avec raison, a été unanime sur ce point.

Comme je l’ai indiqué tout à l'heure dans le cadre de la discussion générale, le dispositif prévu pour l’intéressement devrait coûter 377 millions d’euros en 2010, 783 millions en 2011 et plus de 1 200 millions d’euros en 2012.

Quant à la prime exceptionnelle d’intéressement, elle engendrerait, de votre propre aveu, monsieur le ministre, un coût de 139 millions d’euros en 2009, pour une moyenne de 750 euros par salarié.

Ce crédit d’impôt à hauteur de 20 % est bien cher payé pour permettre aux employeurs de faire passer des primes jusqu’alors stables en intéressement aléatoire.

De plus, les exonérations ne seront pas compensées, ce qui accentuera encore le déficit de la sécurité sociale, et ce à cause d’une manipulation budgétaire et d’un cadeau octroyé aux employeurs.

Par ailleurs, avec l’article 1er, vous poursuivez, monsieur le ministre, la lente dérive des salaires vers ce que vous appelez les revenus du travail, des revenus d’origines diverses parcellisés et aléatoires, à la discrétion de l’employeur, des revenus qui maintiennent les salariés dans une insécurité et une soumission constantes. Les employeurs en tirent deux avantages : distribuer ou non l’intéressement et contourner le dialogue social.

Nous n’en voulons pour preuve que l’amendement adopté par l’Assemblée nationale et prévoyant que les accords d’intéressement peuvent être renouvelés par tacite reconduction.

Sous l’alibi du pouvoir d’achat, voilà une belle manipulation, qui va bien au-delà d’un projet de loi que certains croient anodin.

Encore une fois, il ne s’agit donc que de diminuer subrepticement l’imposition des entreprises, en accentuant le caractère aléatoire de la rémunération du travail. Et c’est le contribuable qui doit de nouveau assurer le financement de la mesure !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Nous rejoignons donc M. le rapporteur pour avis dans son opposition à cet article totalement inopportun et dont le fondement politique est profondément nuisible à la politique salariale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 73.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L’article 1er a pour vocation de modifier le dispositif existant en matière d’intéressement.

Si l’on en croit le Gouvernement, le principe de l’intéressement aurait fait ses preuves. Dès lors, pourquoi les Français ont-ils le sentiment, justifié, que leur pouvoir d’achat n’augmente pas ? Selon un indice définitif de la direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques, la DARES, le salaire mensuel de base a accusé une perte de pouvoir d’achat de 0, 4 point au deuxième trimestre 2008, comme au premier trimestre.

Depuis 2006, le Gouvernement multiplie les lois afin, prétendument, d’augmenter le pouvoir d’achat, de relancer l’économie, de booster la croissance et la consommation des ménages. Durant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait même promis qu’il demanderait « aux entreprises de faire un effort sur les salaires, car l’État fait lui-même un effort sur les allégements de charges ».

Or l’article 1er du projet de loi prévoit bien de nouveaux allégements de charges en direction des entreprises, mais – et ce n’est pas vraiment étonnant ! – l’effort demandé aux entreprises sur les salaires n’apparaît pas comme une contrepartie de ces allégements.

Il est proposé en effet qu’un crédit d’impôt, égal à 20 % des sommes versées, soit accordé aux entreprises concluant un accord d’intéressement.

Autrement dit, la voie choisie par le Gouvernement pour augmenter le pouvoir d’achat passe, une nouvelle fois, par une incitation fiscale, au profit des entreprises, mais au détriment des comptes sociaux et des déficits publics.

Sur ce sujet, je suis en accord avec les propos de M. le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je le dirai à M. Roland Muzeau !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Le rapporteur pour avis de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Louis Giscard d’Estaing, s’inquiète lui aussi du coût de cette mesure pour les finances publiques. II l’explique en ces termes : « L’impact d’un tel dispositif sur les finances publiques n’est pas négligeable. Sur la base d’un doublement des sommes versées au titre de l’intéressement en quatre ans, le Gouvernement estime à un milliard d’euros par année le coût, en régime de croisière, de cette mesure incitative. »

Les caisses de l’État étant vides – mais on trouve 360 milliards d’euros pour les banques ! – le chef de l’État, par cette nouvelle incitation en faveur de l’intéressement, renvoie les salariés qui voudraient accroître leur pouvoir d’achat vers leurs entreprises. Mais, d’une part, ce n’est pas en créant un nouveau crédit d’impôt que les caisses de l’État vont se remplir à nouveau et, d’autre part, les salariés se rendent bien compte que l’intéressement ne remplace pas une augmentation de leur salaire.

Les entreprises, qui bénéficieront une nouvelle fois d’exonérations fiscales en contrepartie de l’extension de l’intéressement et de la prime exceptionnelle de 1 500 euros, auront tout intérêt à privilégier ces modes de rémunération, sans avoir à augmenter les salaires ou même à les aligner sur les prix.

Cependant, ce choix ne sera pas sans conséquences sur les salariés : il risque fort de renforcer les inégalités et les disparités selon la taille de l’entreprise et la nature de l’activité, sans compter bien évidemment les conséquences sur les retraites et les régimes d’assurance maladie.

Vous l’aurez compris, comme nos collègues socialistes et M. le rapporteur pour avis, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter pour la suppression de l’article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je ne vous cacherai pas, mes chers collègues, que la commission des affaires sociales, comme moi à titre personnel, s’est interrogée sur le manque à gagner qu’engendrera l’adoption de l’article 1er.

Cela étant, cette incitation est indispensable, dans le contexte de crise que nous connaissons, pour relancer l’intéressement et la participation. Comme le disait tout à fait justement M. le ministre, il est essentiel de mettre en place auprès des chefs d’entreprise des mesures très incitatives pour doubler la participation et l’épargne salariale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Parce qu’elle est attachée au développement de l’intéressement, la commission des affaires sociales est donc défavorable à ces trois amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Je connais, depuis la semaine dernière, la position de la commission des finances sur ce sujet, et j’ai bien compris qu’elle attendait un certain nombre de réponses. Par ailleurs, j’ai écouté attentivement les propos de M. Serge Dassault, qui a décidé de maintenir cet amendement, car la commission des finances l’avait adopté et qu’il n’était pas en son pouvoir de le retirer. En définitive, monsieur le rapporteur pour avis, c’était une manière d’engager un débat sur ce sujet !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce crédit d’impôt, il est vrai, représente un effort important. Si nous voulons booster l’intéressement, en le doublant d’ici à 2012, il faut décider des moyens à utiliser, car les grands discours ne suffiront pas !

Certes, il y a la voie de la contrainte, mais elle est dangereuse. En effet, pour connaître personnellement le monde de l’entreprise, je peux vous dire que, en contraignant de la même façon toutes les entreprises, on nie leur réalité, car elles sont toutes différentes. Ne comptez pas sur moi pour refaire l’erreur des 35 heures de Mme Aubry !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On ne met pas le même costume à toutes les entreprises de France ! Deux entreprises de tailles différentes ou de secteurs différents rencontrent des problèmes différents qui appellent des réponses différentes.

Par conséquent, je crois au sur-mesure, lequel est rendu possible par l’outil que constitue le crédit d’impôt. C’est d’ailleurs cette disposition qui nous permettra de faire progresser l’intéressement dans les PME.

Monsieur Larcher, vous qui avez occupé mes fonctions avant de devenir président du Sénat, vous savez que le pragmatisme est la bonne réponse. Vous qui êtes aussi un expert en matière de dialogue social, vous savez que le champ de l’intéressement, c’est le dialogue social.

Certains d’entre vous mettent en avant le coût d’une telle opération. Pour moi, c’est un investissement.

En effet, si nous réussissons à doubler l’intéressement d’ici à 2012, le coût du dispositif atteindra 1 milliard à 1, 1 milliard d’euros. Mais, monsieur le rapporteur pour avis, il faut tout dire, il faut également évoquer les recettes qui seront ainsi créées.

Comme je l’ai dit à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, l’intéressement est assujetti à la CSG-CRDS et à l’impôt. Par ailleurs, comme Mme le rapporteur l’a souligné tout à l’heure, le forfait social s’appliquera également à l’intéressement.

Au final, entre le fiscal et le social, si cet investissement d’un milliard d’euros représente effectivement un manque à gagner pour le budget de l’État, il sera forcément récupéré, et ce à l’euro près, par le budget de l’État et celui de la sécurité sociale.

M. Guy Fischer proteste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je comprends votre grande vigilance à l’égard des finances publiques, mais ce qui importe, c’est que le coût soit neutre pour le budget de l’État et de la sécurité sociale et que le gain soit réel pour les salariés. Or on peut dire que 7 milliards d’euros supplémentaires seront distribués aux salariés.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous n’êtes pas intéressé par 7 milliards d’euros supplémentaires pour les salariés, c’est votre choix, monsieur Fischer !

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si vous estimez que l’État doit fixer les salaires, c’est votre droit. Toutefois, je n’ai pas le sentiment que ce soit le choix ni des entrepreneurs ni des Français.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Telles sont les raisons pour lesquelles l’incitation est la vraie solution.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J’opposerai la même argumentation à Mmes Jarraud-Vergnolle et David.

Puisque vous ne pouvez pas retirer l’amendement n° 21, qui a été adopté par la commission des finances, monsieur Dassault, le Gouvernement engage le Sénat à ne pas l’adopter.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En effet, sans l’article 1er, il est certain que nous ne réussirons pas à faire profiter les salariés, notamment ceux des PME, d’un doublement de l’intéressement.

Je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, ces quelques éléments de réponse aux questions légitimes que vous avez posées. Sans l’article 1er, qui est le cœur de ce texte, il n’y a plus de projet de loi sur l’intéressement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le ministre, vous êtes enthousiaste, car vous croyez que cette mesure va marcher. Au demeurant, si tel n’est pas le cas, il n’y aura pas de problème…

Cela dit, présentez-nous, dans un an, le bilan de cette opération, en dénombrant les entreprises qui ont effectivement profité de cette mesure pour développer l’intéressement ! Je vous fais le pari que leur nombre ne sera pas considérable !

Pour ma part, je me soucie surtout du déficit budgétaire. Bien sûr, vous dites que vous allez récupérer ces sommes par d’autres biais, mais ce qui « plombe » notre déficit, ce sont tous les allégements généraux de cotisations sociales décidés par le Gouvernement. En 2009, ils devraient atteindre environ 25 milliards d’euros !

Quand allons-nous nous arrêter ? Cette déduction sera-t-elle permanente ou ne durera-t-elle que quelques années ? En effet, chaque fois que des allégements fiscaux sont prévus, aucune limite n’est jamais fixée ! Pourriez-vous, dans ce cas, fixer une limite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

L’objectif affiché de ce projet de loi est de « moderniser et dynamiser la politique salariale de notre pays ».

On a appris à savoir ce que cela veut dire, car, dans l’avalanche de textes toujours présentés en urgence, mais aussi avec une certaine persévérance, c’est toujours la même logique idéologique qui s’affirme : « moderniser » signifie désengager l’État et diminuer les services publics ; « dynamiser » veut dire détricoter toutes les garanties collectives assurant la protection du salarié.

Cet article 1er d’un projet de loi censé agir pour le pouvoir d’achat – question ô combien préoccupante pour nos concitoyens ! – institue un crédit d’impôt, à hauteur de 20 % des sommes versées, pour les entreprises qui concluent un accord d’intéressement dans certaines conditions et rend possible le versement d’une prime exceptionnelle plafonnée à 1 500 euros par salarié, si un accord ou un avenant est conclu entre certaines dates.

Toujours les mêmes placebos pour un mal qui, pendant ce temps, s’aggrave et s’étend ! Les niches fiscales assèchent depuis des années les finances publiques, puisqu’elles représentent 22, 8 milliards d’euros en 2008, comme M. le rapporteur pour avis vient de le rappeler, et ce sans réel impact sur les créations d’emploi et l’amélioration du pouvoir d’achat.

L’instauration de primes, cela a déjà été tenté dans la loi pour le pouvoir d’achat adoptée en février dernier, c'est-à-dire très récemment. Quel en est le résultat ? On ne sait pas ! On légifère de nouveau sans jamais avoir de bilans sur lesquels s’appuyer.

On a aussi, essayé les heures supplémentaires - travailler plus pour gagner plus ! - et le rachat des jours de RTT, avec les maigres résultats que l’on connaît...

En l’espace de dix-huit mois, c’est le quatrième texte concernant le pouvoir d’achat qui nous est présenté : quel formidable aveu d’inefficacité et d’incompétence de la part du Gouvernement, incapable d’apporter des solutions concrètes et tangibles à ceux qui peinent à se loger, à se soigner et à vivre dignement !

Pourtant, vous nous affirmez que ça marche, monsieur le ministre, alors même que le pouvoir d’achat, loin d’augmenter, a baissé de 0, 4 point en douze mois !

Mais, si ça marche, pourquoi déposer un autre texte ? Peut-être pour avancer encore d’un pas dans la fragilisation de la garantie collective que constitue le salaire direct ! Car cet article 1er, loin de favoriser, tout simplement, l’augmentation des salaires - ce qui permettrait de combattre directement et efficacement l’érosion du pouvoir d’achat -, vise à faire dépendre les revenus du seul bon vouloir - ou pouvoir - des dirigeants d’entreprises, avec tout ce que cela comporte d’aléatoire et donc d’insécurisant !

Les revenus ne seront plus garantis collectivement, mais individualisés et donc soumis à des résultats bien incertains dans le contexte actuel.

Rappelons, au surplus, que les primes exonérées de cotisations sociales ne sont pas prises en compte pour la retraite...

Ce n’est certainement pas avec ce genre de solutions qui, en outre, ne concernent que 8 millions de salariés et excluent les salariés des fonctions publiques, les retraités, les chômeurs et des catégories de salariés pour lesquels la question d’un quelconque intéressement ne se posera jamais, que le Gouvernement va rassurer les Français et leur redonner confiance dans l’avenir...

En conséquence, nous rejetterons cet article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Avant d’expliquer mon vote et celui de mes amis du groupe socialiste, je commencerai par rendre hommage à notre collègue Serge Dassault.

Même si nous conservons certains points de désaccord avec lui, nous sommes frappés par son souci d’honnêteté intellectuelle sur le sujet qui nous occupe. Incontestablement, il parle de choses qu’il connaît bien : l’entreprise, la nécessité de motiver ses acteurs et ses salariés, mais aussi de mieux répartir le profit et les bénéfices après impôt. Il mérite d’être entendu !

Il éprouve pourtant de la peine à convaincre ses collègues, alors qu’il ne fait que rapporter objectivement ce que la commission des finances a décidé, à l’unanimité. La rumeur prétend qu’il n’y avait pas grand monde en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En fait, le taux de présence était nettement supérieur à celui que l’on observe ce soir dans cet hémicycle ! Je peux moi-même en attester ! C’est incontestablement à l’unanimité que la commission des finances a approuvé cette stratégie qui consiste à faire preuve de vigilance sur toutes les questions budgétaires, notamment sur la suppression des exonérations et des niches fiscales.

Aujourd’hui, le déficit public pour 2009 avoisinera les 60 milliards d’euros, la dette publique, les 1 300 milliards d’euros et la charge de la dette, les 50 milliards d’euros. La situation est donc exceptionnellement difficile.

Depuis quelques semaines, on se demande de toute part, à droite, à gauche, au centre, comme dans tous les pays, pourquoi on n’a pas anticipé, pourquoi on n’a pas su éviter ces dérives. En l’occurrence, nous sommes confrontés à une dérive budgétaire parfaitement organisée, puisque vous venez, à l’instant, monsieur le ministre, de nous expliquer que nous ne sommes pas à 1, 2 milliard près !

Notre groupe est soucieux de rappeler au Sénat la responsabilité qu’il a de prendre en considération le vote émis par la commission des finances.

À l’instant, M. Dassault se demandait quand cette dérive allait cesser. Il ne faisait que traduire une idée partagée par tous les membres de la commission des finances. Il est temps, en effet, de mettre un coup d’arrêt à ces logiques d’exonérations et de niches fiscales.

C’est la raison pour laquelle nous devons voter en faveur de la suppression de ce nouveau crédit d’impôt accordé aux entreprises, mes chers collègues.

Comme on nous l’a expliqué tout à l’heure, ça ne marchera pas ! Gardons pour nous ces 1, 2 milliard d’euros et veillons à préserver nos équilibres budgétaires, comme le souhaite unanimement la commission des finances.

J’entends dire que le Gouvernement devra, dans un an, rendre compte des effets produits par les mesures adoptées. Je me permettrai de faire deux remarques à ce sujet.

Premièrement, on entend dire depuis 2002 qu’il faut booster l’économie, en adoptant des dispositions fiscales plus favorables à l’investissement, en incitant, au moyen de baisses d’impôts, les investisseurs à créer davantage d’emplois. Or, incontestablement, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Deuxièmement, avec la réforme constitutionnelle, l’opposition est aujourd’hui dans la capacité de demander des comptes. Ainsi, et à moins que vous n’en preniez vous-même l’initiative, monsieur le ministre, notre groupe, comme l’ensemble de l’opposition, sera à même de vous interroger d’une façon précise, devant notre assemblée.

Pour l’instant, nous souhaitons qu’une majorité de nos collègues vote en faveur de cet amendement de suppression de l’article 1er.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je viens soutenir l’amendement de suppression qu’a présenté notre camarade Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et le camarade Dassault.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Guy Fischer. On croirait entendre Roland Muzeau !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cet amendement s’avère d’autant plus pertinent que la réalité est très claire : le Gouvernement s’apprête à faire un nouveau cadeau fiscal de 1, 2 milliard aux entreprises.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Seulement si elles donnent aux salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On sait bien comment ça se passe ! J’ai entre les mains un extrait du Figaro magazine daté du 27 septembre 2008.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Une bonne lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans ce numéro, M. Dassault nous explique que la France compte 507 niches fiscales, qui sont autant de dérogations à la règle générale et dont le coût avoisine les 73 milliards d’euros, un fromage dans lequel on pourrait puiser, aussi bien pour financer le RSA – c’est d’actualité – que pour combler le trou grandissant des finances publiques.

Dans le même temps, le déficit des comptes sociaux continue de s’aggraver. Savez-vous, mes chers collègues, à combien nous en sommes en matière d’exonérations de cotisations sociales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Alors que le Gouvernement tente de nous faire croire que les entreprises, notamment les petites, vont distribuer à leurs salariés intéressement et participation, nous assistons dans le même temps à une destruction d’emplois sans précédent.

Quatre secteurs sont particulièrement touchés : l’immobilier – il fallait s’y attendre –, l’automobile, l’intérim et la publicité. S’agissant plus particulièrement des difficultés du secteur automobile, elles auront des conséquences en chaîne sur tous les petits sous-traitants, notamment les équipementiers, qui sont tous des PME – on le sait bien dans la région lyonnaise !

À l’heure où ces différents tsunamis sont en train de balayer plusieurs milliers d’emplois, on peut légitimement s’interroger sur la validité de la démarche suivie par le Gouvernement.

Pour leur part, les groupes CRC et socialistes plaident pour une véritable politique des salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On assiste en effet à un écrasement sans précédent des salaires et des retraites.

Si l’on fait le bilan de l’année 2008, on constate que les retraites ont été revalorisées de 1, 1 % au 1er janvier et de 0, 8 % au mois de septembre, soit 1, 37% sur l’année, alors que l’inflation s’élève à 3, 5 %, voire 3, 6 %. Quant aux salaires dans la fonction publique, ils ont augmenté de 0, 8 % au mois de mars et de 0, 3 % au 1er octobre. Pour les retraités, on parle d’une baisse de 15 % de leur pouvoir d’achat sur les dix dernières années.

Ce sont autant de raisons qui expliquent qu’aujourd’hui les Françaises et les Français veulent voir leur pouvoir d’achat augmenter, non pas à l’aide d’un salaire différé, mais grâce à un véritable relèvement des salaires, des retraites et des minima sociaux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur Marc, si ça coûte, c’est que ça marche ! Vous avez l’air de vous en étonner… C’est pourtant clair : si ce coût pour les finances publiques se matérialise effectivement, c’est tout simplement qu’on aura distribué 7 milliards d’euros supplémentaires aux salariés !

Je ne cherche pas à relever une contradiction, mais simplement à vous dire qu’il faut savoir ce que l’on veut !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame Bricq, ce genre de phrases ne rime à rien ! Prenons plutôt le temps de débattre et d’argumenter.

Monsieur Fischer, j’entends votre argumentation, même si je ne la partage pas, ce dont vous ne serez pas surpris, mais le vrai sujet, c’est de savoir de quels moyens on dispose aujourd’hui pour accroître le revenu des salariés. Ce projet de loi vise à inciter les entreprises à jouer le jeu des négociations salariales. C’est ce que s’attachera à défendre Laurent Wauquiez. Voilà des années qu’on en parle. Nous le faisons !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C’est pourquoi, dans ce texte, on trouve à la fois des éléments relatifs à l’intéressement, à la participation et aux salaires. Ainsi, on marche bien sur deux jambes, l’intéressement et la participation venant s’ajouter, et non se substituer, à la négociation salariale.

Monsieur le rapporteur pour avis Serge Dassault, j’entends bien ce que vous me dites, et je suis prêt à relever le défi que vous m’avez lancé, parce que j’ai confiance en notre projet. J’entends également ce que vous avez voulu proposer avec la règle des trois tiers. Je comprends que vous souhaitez, même, aller au-delà.

Mais, vous le savez, et j’en parlais à l’instant avec le président About, quand on doit légiférer, on commence par se poser des questions, on recherche la meilleure solution. Puis, à un moment donné, on doit décider et apporter des réponses.

En l’occurrence, les chefs d’entreprise nous demandent de pas leur imposer des normes trop contraignantes, mais de procéder plutôt par voie d’incitation. C’est précisément le choix que nous avons fait.

Si je vous ai bien compris, monsieur Dassault, vous étiez d’accord avec le dispositif gouvernemental, à condition que celui-ci soit évalué. J’y suis favorable. Mais, en attendant, le Gouvernement demande que les différents amendements soient rejetés. J’espère que vous partagerez ce point de vue, monsieur le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je mets aux voix les amendements identiques n° 21, 35 et 73.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°25 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 1, présenté par Mme Debré, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du V de cet article, après les mots :

en cours à la date de publication de la présente loi

insérer les mots :

modifiant les modalités de calcul de l'intéressement

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Il s’agit d’un amendement de précision.

La conclusion d'un avenant à un accord d'intéressement en cours peut permettre à une entreprise de bénéficier du crédit d'impôt prévu à l'article 1er du projet de loi. Il convient cependant de préciser que cet avenant doit modifier les modalités de calcul de l'intéressement. Il serait en effet injustifié d'accorder le crédit d'impôt si l'avenant n'était pas susceptible de modifier le montant des primes d'intéressement versées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cette précision est utile : avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes Henneron et Sittler et M. Revet, est ainsi libellé :

Supprimer les VI et VII de cet article.

La parole est à Mme Françoise Henneron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Henneron

Ces dispositions prévoyant la possibilité d'un versement exceptionnel d'intéressement n'ont pas d'utilité puisqu'elles sont déjà prévues, de manière pérenne, par l'article L. 3314–10 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 36, présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Alquier, Bricq, Chevé et Demontès, MM. Desessard, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du VI de cet article :

Cette prime est répartie uniformément entre tous les salariés.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Cet amendement de repli vise à offrir aux salariés les plus mal payés un peu d’oxygène.

Pour que le pouvoir d’achat soit amélioré là où il est le plus faible, nous proposons que la prime exceptionnelle soit répartie uniformément entre tous les salariés, y compris, par conséquent, les salariés en contrat à durée déterminée, les travailleurs à temps partiel et, dans les entreprises concernées, les intérimaires.

Chacun sait combien ces supplétifs de l’industrie sont indispensables à la gestion à flux tendus, alors qu’ils ne bénéficient pas, faute d’ancienneté, des mêmes avantages que les autres salariés.

De plus, cette formule inédite de répartition permettrait de tester la volonté réelle des employeurs de faire participer les salariés aux bénéfices dégagés, puisque l’octroi de la prime est à leur entière discrétion.

Une prime, fût-elle exceptionnelle, qui aboutirait à un avantage inversement proportionnel au salaire serait en fait une compensation à l’absence de politique salariale.

Enfin, il est avéré que l’argent versé aux plus modestes est immédiatement utilisé pour l’achat de biens et de services dont ces familles ont grandement besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Les régimes juridiques applicables respectivement à la prime exceptionnelle et au supplément d’intéressement ne sont pas exactement identiques.

Le supplément d’intéressement est bien adapté à la situation d’entreprises qui disposent déjà d’un accord d’intéressement et qui décident, à la clôture de l’exercice, de verser une part d’intéressement supérieure à ce que prévoit l’accord.

La prime exceptionnelle, quant à elle, pourra être versée sans délai dès que l’entreprise se sera dotée d’un accord d’intéressement.

Pour ces raisons, madame Henneron, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 61 rectifié. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Quant à l’amendement n° 36, il vise à ce que la prime exceptionnelle, dont le versement est autorisé à l’article 1er du projet de loi, soit obligatoirement répartie de façon uniforme entre tous les salariés.

D’une manière générale, nous sommes peu favorables aux mesures contraignantes. Dans le cas présent, elles auraient en outre un effet très négatif.

Le projet de loi prévoit que la prime puisse aussi être proportionnelle au salaire ou à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Ces règles sont les mêmes que celles qui sont prévues pour la prime d’intéressement. Dans un souci de simplicité, et pour offrir de la souplesse aux entreprises dans leur politique de rémunération, la commission souhaite maintenir ces différentes possibilités de choix et s’oppose à toute mesure uniforme. Par conséquent, elle émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame Henneron, le versement exceptionnel d’intéressement est versé après l’intéressement. Or la prime prévue par le texte sera versée antérieurement. L’adoption de votre amendement n° 61 rectifié aurait pour conséquence, je le crains, de pénaliser les salariés. C’est pourquoi je vous saurais gré de bien vouloir le retirer.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 36, qui entend imposer une répartition uniforme de la prime exceptionnelle.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 2, présenté par Mme Debré, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Remplacer les paragraphes VIII et IX de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

VIII. - Avant le 30 juin 2014, le Parlement évalue les dispositifs institués par les I à VII du présent article sur la base d'un rapport remis par le Gouvernement au plus tard le 31 décembre 2012.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Cet amendement vise à simplifier les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en vue de l'évaluation du crédit d'impôt institué à l'article 1er. Il ne nous paraît pas justifié d'exiger la remise d'un rapport tous les ans – le Parlement reçoit déjà beaucoup de rapports – ni de citer expressément tous les articles de la Constitution qui font référence aux pouvoirs de contrôle du Parlement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement judicieux.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Nous avons achevé l’examen des amendements appelés en priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de quatre amendements présentés par Mmes David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 68 est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, pour les dirigeants d'entreprises qui ont une rémunération annuelle excédant 250 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, le montant des indemnités de départ qui excède ce montant est imposé à un taux de 100 %.

Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, la société qui octroie une rémunération de départ supérieure, calculée conformément au premier alinéa, en vertu d'un contrat de travail, d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat est soumise à une taxe supplémentaire de 15 % sur son bénéfice imposable.

L'amendement n° 69 est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À la fin du premier alinéa de l'article L. 225-38 du code du commerce, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale ».

II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette convention est soumise à l'accord du comité d'entreprise. »

III. - À la fin de la première phrase du second alinéa de l'article L. 225-39 du même code, les mots : « au président du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « à l'assemblée générale des actionnaires ».

IV. - Dans le premier alinéa de l'article L. 225-42 du même code, les mots : « du conseil d'administration » sont remplacés par les mots : « de l'assemblée générale des actionnaires ».

L'amendement n° 70 est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération qui est liée à l'évolution de cours boursiers, octroyée ou calculée sous quelle que forme que ce soit, est soumis à une taxe de 100 %.

L'amendement n° 71 est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 2242-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette négociation porte également sur les éléments de rémunérations versées aux dirigeants salariés de l'entreprise, sous quelque forme que ce soit, notamment dans le cadre des dispositions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce. »

La parole est à Mme Annie David, pour présenter ces quatre amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ces quatre amendements ont pour objet identique de moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus.

Nous avons décidé de les déposer en réponse à l’amendement n° 20 du Gouvernement tendant à lier l’attribution de stock-options aux mandataires sociaux soit à la distribution de stock-options ou d’actions gratuites aux salariés, soit à la mise en place d’un accord d’intéressement ou de participation dérogatoire.

Ainsi, cet amendement vise à permettre la généralisation des stock-options sous prétexte « d’une meilleure diffusion des accords d’intéressement et de participation », objectif affiché de ce projet de loi.

Dans le contexte de crise financière que nous connaissons, vouloir généraliser ces stock-options pour les salariés nous semble relever de la provocation. L’inquiétude de ces derniers porte, de façon encore plus criante aujourd’hui, sur l’absence d’augmentations collective de salaire et non sur l’attribution éventuelle de produits financiers spéculatifs.

Le risque n’est-il pas de surcroît que ce soient les salariés qui participent au plan de sauvetage des fonds de gestion chargés de gérer ces actifs financiers dont on leur ferait cadeau ?

De même, la totale disproportion entre les revenus des salariés et l’attribution de parachutes dorés exorbitants à des dirigeants d’entreprise qui, pour certains, partent en ayant causé plusieurs millions d’euros de pertes dans leur entreprise n’est plus acceptable aujourd’hui.

Il est quand même paradoxal que ce projet de loi, censé revaloriser la valeur travail, c’est-à-dire reconnaître que les salariés apportent de la valeur ajoutée et un savoir-faire à la production et à l’entreprise, produise un effet inverse en favorisant les dirigeants qui sont rémunérés par des stock-options ou « remerciés » par des parachutes dorés alors qu’ils ont contribué à dévaloriser le travail des salariés.

De telles pratiques, que l’on peut aisément qualifier d’immorales, sont évidemment source d’exaspération pour les salariés, qui attendent une ambitieuse politique en faveur des salaires.

Notre volonté est donc de rompre avec les politiques économiques et financières antérieures.

Tout d’abord, nous souhaitons interdire les parachutes dorés et les stock-options ; ensuite, nous demandons que ce soit l’assemblée générale, et non plus seulement le conseil d’administration, qui intervienne dans la définition des conditions de rémunérations des dirigeants ; enfin, nous prévoyons que la négociation annuelle sur les salaires porte également sur les rémunérations des dirigeants salariés de l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 68 est présenté comme un amendement « anti-parachutes dorés ». Il vise à taxer au taux de 100 % les indemnités de départ perçues par les dirigeants d’entreprise dont la rémunération annuelle excède 250 000 euros.

Le débat sur la taxation des parachutes dorés est parfaitement légitime, ma chère collègue, tant certains abus ont pu être choquants. Je signale d’ailleurs que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui a pour objet d’augmenter le montant des contributions sociales pesant sur ces indemnités de départ. Ce débat trouvera plus naturellement sa place, pour son volet social, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, pour son volet fiscal, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Pour ces raisons, je vous saurais gré de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 69 vise à soumettre à l’autorisation de l’assemblée générale de la société et du comité d’entreprise la conclusion de convention entre la société et ses mandataires sociaux. À l’heure actuelle, seule l’autorisation du conseil d’administration est requise.

Il n’est pas sûr que cet amendement ait sa place dans ce projet de loi. Cette modification touche le droit des sociétés et nous n’avons pas pu en évaluer les conséquences.

Si l’idée de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’assemblée générale est séduisante, il faut se souvenir que la convocation d’une assemblée générale est une opération assez contraignante, notamment en termes de délais. Je crains qu’elle ne soit pas adaptée aux besoins de souplesse et de réactivité des sociétés commerciales.

L’amendement n° 70 vise à taxer à 100 % les plus-values sur les stock-options. S’il faut moraliser la distribution des stock-options – le Gouvernement a d’ailleurs déposé un amendement n° 20 rectifié allant dans ce sens – il ne faut pas se priver de cet outil de rémunération qui est bien adapté à certaines situations, par exemple dans les jeunes entreprises innovantes.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Enfin, madame David, par l’amendement n° 71, vous voulez que la négociation annuelle sur les salaires porte sur tous les salaires versés dans l’entreprise, y compris sur ceux des dirigeants.

Cet amendement nous paraît sans objet puisque c’est déjà le cas. La commission y est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous avons déjà évoqué ce sujet pendant la discussion générale et nous y reviendrons lors de la discussion de l’amendement n° 20 rectifié. Cette question devrait également faire l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe socialiste. Pour l’heure, je suis défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme le rapporteur, vous m’avez appelée à retirer l’amendement n° 68. Vous comprendrez que je ne puisse accéder à votre demande.

Vous m’avez également conseillé de soulever à nouveau cette question lors de la discussion du projet de loi de finances. Croyez bien que nous n’y manquerons pas !

L’amendement n° 69 porte sur le droit des sociétés, lequel ne peut, selon vous, être modifié sans concertation.

Soit ! Pourtant, la semaine dernière, nous avons largement modifié, sans aucune concertation, des articles du code du travail qui touchaient au droit des salariés. Je m’en suis étonnée. Il m’a été répondu : si le législateur ne peut pas faire ce qu’il veut…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce qui est valable un jour semble ne plus l’être le suivant ! C’est étrange !

Pour toutes ces raisons, je maintiendrai l’amendement n° 69.

En ce qui concerne l’amendement n° 70, nous considérons que l’amendement n° 20 rectifié ne répond pas à ce que nous souhaitons. Nous proposons même un dispositif inverse de celui du Gouvernement.

Vous considérez, madame, que l’amendement n° 71 est sans objet puisque la négociation sur les salaires porte déjà sur celui de tous les salariés, y compris les dirigeants. Soit ! Je maintiens néanmoins l’amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Au début de l'intitulé du livre III de la troisième partie du code du travail, sont insérés les mots : « Dividende du travail : ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Printz, Alquier, Bricq, Chevé et Demontès, MM. Desessard, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 72 est présenté par Mmes David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Cet amendement vise à supprimer la mention « dividende du travail » qui a été insérée dans ce projet de loi à l’Assemblée nationale.

Cette expression crée une confusion qui n’est pas seulement sémantique. Jusqu’à son introduction dans la législation, en 2006, il était clairement acquis que le dividende était associé à l’investissement en capital et le salaire à l’apport en travail.

Contrairement à ce que l’on veut nous faire admettre, les sommes acquises par les salariés dans le cadre de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale sont non pas des dividendes associés à un investissement, mais des primes et des éléments de rémunération. Le code du travail est à cet égard très clair.

En ce qui concerne l’intéressement, l’article L. 3314-8 du code du travail parle bien de primes.

La répartition de la réserve de participation entre les salariés – ce mot est important – est calculée proportionnellement au salaire perçu, selon l’article L. 3324-5.

S’agissant de l’épargne salariale, l’article L. 3332-10 précise que les versements annuels d’un salarié à un plan d’épargne entreprise ne peuvent excéder un quart de sa rémunération annuelle.

Il y a donc indiscutablement un lien entre ces trois régimes et le statut de salarié. Rien n’empêche quelqu’un d’aller dans une banque ouvrir un PEA ou un compte titre. La personne est alors actionnaire d’une entreprise avec laquelle elle n’a aucun autre lien.

Le salarié qui est dans un des trois régimes visés, même si le plan d’épargne entreprise, le PEE, et le plan d’épargne pour la retraite collectif, le PERCO, lui permettent de constituer un portefeuille de valeurs mobilières, n’y figure que parce que son lien fondamental avec l’entreprise porteuse est d’en être salarié ou retraité. Et c’est en tant que salarié qu’il est dans un lien de sujétion avec son employeur, ce qui implique notamment qu’il peut être licencié et voir disparaître intéressement et participation.

S’il n’est pas abusif de définir ces sommes comme revenus du travail, il faudrait préciser que ce sont des revenus accessoires et aléatoires. Ce ne sont pas des salaires, et en aucun cas des dividendes.

Il ne s’agit pas d’opposer dans un esprit manichéen les salariés, les employeurs et les actionnaires. Mais le législateur a pour premier devoir d’être précis et clair. Sur ce point, nous ne devons pas désespérer de nous-mêmes.

La confusion ne s’arrête pas là. Elle est aussi dans le fait que vous votez des lois qui détruisent méthodiquement les garanties des salariés.

Ainsi, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui comporte, en son article 3, une bombe à retardement pour tous les salariés rémunérés au SMIC, alors que le salaire est en général leur seul revenu, et que c’est cela qu’il convient de préserver.

Nous sommes clairement opposés à ces fantaisies sémantiques qui masquent des cheminements intellectuels et législatifs beaucoup moins candides.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 72.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La notion de « dividende du travail » a été créée par la loi du 30 décembre 2006 relative au développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Déjà, à l’époque, nous contestions l’introduction, dans le code du travail, de cette notion qui renvoie à une conception purement financière et spéculative de la rétribution du travail.

Notre position reste sur ce point inchangée depuis 2006 : seul le salaire doit constituer la contrepartie du travail.

Le problème est que nous assistons à une faible évolution du revenu du travail par rapport à l’évolution des revenus du capital. La répartition des richesses s’effectue aujourd’hui de façon inéquitable : le partage entre le capital et le travail est inversé, notamment au regard de l’absence d’investissement.

L’enrichissement des actionnaires passe avant les salaires et avant les besoins de l’entreprise elle-même.

Or, chacun le sait, et en premier lieu les salariés, les actionnaires sont rémunérés sous la forme de dividendes.

Les 740 salariés de Matussière et Forest, qui ont vu leur entreprise rachetée par le fonds de pension Matlin Patterson, payent cash le prix de cette politique.

En ces temps de crise financière, il est plutôt malvenu de pérenniser la notion de dividende du travail, qui renvoie nécessairement à la notion d’actionnariat.

La notion de dividende du travail ne correspond donc pas à une réalité : elle est un non-sens d’un point de vue économique et social et, surtout, elle est bien loin des préoccupations des salariés, pour qui l’augmentation du pouvoir d’achat se fait encore attendre.

La notion de dividende du travail tend à faire admettre aux salariés qu’il est normal qu’une partie de leur rémunération soit non pas le salaire, mais des éléments aléatoires de rémunération.

Pourtant, seul le salaire a vocation à rétribuer une qualification et, pour ce faire, il doit rester le seul élément de référence.

Si l’objectif était de redistribuer les bénéfices des entreprises afin d’augmenter les salaires, nous ne pourrions que l’approuver. Mais ce n’est pas le cas.

Décidément, le Gouvernement peine à trouver des solutions efficaces en faveur du pouvoir d’achat. Voilà maintenant deux ans, depuis la loi de décembre 2006, qu’il tente, de façon quasi désespérée, de faire passer les suppléments d’intéressement et de participation pour des hausses de salaires et une amélioration du pouvoir d’achat. Je doute que les travailleurs pauvres, à temps partiel ou sous contrats précaires, soient réellement sensibles à cet argument.

C’est pour ces raisons que nous demandons la suppression de l’article 1erA.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’article 1erA, introduit par l’Assemblée nationale sur l’initiative de M. Patrick Ollier, vise à faire figurer la notion de dividende du travail dans le code du travail.

Comme vous l’avez rappelé, madame David, nous avions longuement évoqué cette question. La commission ayant approuvé cet article, elle ne peut qu’être défavorable aux amendements de suppression n° 34 et 72.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je partage l’argumentation de la commission, ce qui me conduit, à regret, à émettre un avis défavorable sur ces amendements.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

Monsieur le président, je vous demande de bien vouloir suspendre la séance afin de permettre à la commission des affaires sociales d’examiner le reste des amendements qui ont été déposés sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente.