Intervention de Serge Dassault

Réunion du 27 octobre 2008 à 16h00
Revenus du travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Serge DassaultSerge Dassault, rapporteur pour avis :

Cela, Dieu sait combien de fois je l’ai entendu, parce que, quand la société faisait des bénéfices et que le personnel n’était pas augmenté, il y avait conflit, le conflit éternel entre profits et salaires que je peux résumer en une revendication : « moins de profits pour les actionnaires et plus de salaires pour les salariés ».

Alors, pour éviter ces conflits permanents, je me suis dit que, si l’on distribuait aux salariés la même somme qu’aux actionnaires, on résoudrait le problème.

C’est ce que souhaitait d’ailleurs le général de Gaulle, qui avait lancé l’idée de l’association capital-travail et de l’égalité entre l’un et l’autre, comme c’est ce que souhaite aujourd'hui le Président Sarkozy lorsqu’il dit vouloir « donner une part plus grande à ceux qui par leur travail ont créé la richesse ».

C’est ainsi qu’est née la règle des trois tiers, que j’ai appliquée, dès 1965, à Dassault Électronique et, à partir de 1986, à Dassault Aviation, par accord dérogatoire.

Et c’est ainsi aussi que, depuis plus de vingt ans, nous n’avons plus eu de grève et qu’en 2007 nous avons distribué aux salariés de Dassault Aviation près de quatre mois de salaire au titre de la participation, en plus des treize mois habituels ; je signale que les actionnaires ont accepté de recevoir des dividendes d’un montant inférieur à celui de la participation. Le sacrifice des actionnaires a été largement compensé par un climat social complètement participatif et une motivation plus grande de tous les salariés.

Mais revenons au projet de loi.

La commission des finances s’est saisie pour avis de celles des dispositions du présent projet de loi qui auraient un impact sur l’équilibre des finances publiques. Elle a le souci, et c’est son rôle, de refuser d’aggraver le déficit budgétaire par de nouvelles mesures alourdissant les dépenses sans augmenter les recettes.

Je vous exposerai les principales dispositions de ce projet de loi, qui aborde de nombreux thèmes tels que l’intéressement, la participation, les réévaluations permanentes du SMIC, et traiterai des conséquences budgétaires correspondantes.

Les principales dispositions du projet de loi concernent notamment, à l’article 1er, la mise en œuvre d’un crédit d’impôt en faveur de l’intéressement, et, à l’article 3, l’évolution du SMIC.

À ce sujet, je tiens à citer de nouveau Nicolas Sarkozy, qui, à Toulon, s’exprimait ainsi : « Je n’accepterai pas d’augmenter les charges qui pèsent sur les entreprises parce que ce serait affaiblir leur compétitivité quand, au contraire, il faudrait la renforcer. » Il a raison ! Or, en augmentant le SMIC, à dire d’experts ou autrement, et ce quel que soit l’intérêt porté aux salariés, on va exactement en sens inverse, car augmenter le SMIC, c’est augmenter aussi les charges et les coûts de production des entreprises mais sans augmenter, on l’oublie trop souvent, leurs recettes, ce qui diminue leur compétitivité.

Surtout, cette augmentation des salaires est aggravée par les charges, qui doublent pratiquement le salaire net, en grande partie parce que la sécurité sociale est financée par une taxe sur les salaires.

Ce ne sont en effet pas tant les augmentations de salaire que les charges correspondantes qui créent le problème, et c’est sous cet angle qu’il faut s’y attaquer. Si au moins on déchargeait les salaires du financement de la sécurité sociale, l’entreprise pourrait plus facilement procéder à des augmentations de rémunération, car elles lui coûteraient moins cher, et le montant de ses charges serait diminué de près de 30 %.

C’est pourquoi je demande, une fois encore, que l’on étudie sérieusement des modalités de financement de la sécurité sociale qui ne fassent plus intervenir les salaires. D’autres solutions, dont j’ai déjà évoqué les principes, existent. Rien ne serait plus grave que de ne rien faire, mais c’est, hélas ! ce que l’on fait…

Je veux aussi insister sur le fait que tout a des conséquences sur tout : l’augmentation des salaires peut avoir des conséquences graves sur l’emploi si les entreprises ne peuvent pas supporter l’augmentation des charges correspondante et perdent ainsi leur productivité.

L’article 1er institue un crédit d’impôt sur les primes d’intéressement pour inciter les chefs d’entreprise à développer l’intéressement.

C’est une idée, mais si ce texte ne se traduit pas par l’engagement de dépenses budgétaires nouvelles, l’« incitation » fiscale attachée au crédit d’impôt en faveur de l’intéressement représentera une perte de recettes pour l’État comprise, selon les évaluations actuelles, entre 800 millions d’euros et plus d’un milliard d’euros.

La commission des finances estime qu’il serait déraisonnable de mettre cette mesure en application, car elle serait susceptible d’augmenter notre déficit budgétaire et, soit dit entre nous, l’incitation fiscale des chefs d’entreprise par ce crédit d’impôt n’aura pas l’efficacité que l’on pense. En effet, ou ils croient aux effets positifs de l’intéressement, notamment sur la motivation des salariés, et ils le pratiquent, ou ils n’y croient pas et ce n’est pas un crédit d’impôt qui les poussera à le faire.

En tout état de cause, rien n’est plus grave pour notre économie que l’augmentation de notre déficit budgétaire, déjà considérable, et de notre dette. Alors que le contexte économique est fortement marqué par la crise financière internationale et que les perspectives de croissance s’amenuisent au point de devenir inexistantes, je vous appelle donc, mes chers collègues, à examiner avec la plus grande fermeté toute mesure fiscale nouvelle qui aggraverait encore notre déficit budgétaire.

C’est le cas de ce crédit d’impôt, qui, je le répète, ne peut avoir un caractère incitatif. La commission des finances a ainsi voté à l’unanimité un amendement visant à sa suppression.

Il faut aussi noter que la décision, pour un chef d’entreprise, d’appliquer un contrat d’intéressement est prise pour des raisons relatives à la motivation de son personnel, et non pas pour bénéficier d’une incitation fiscale, évidemment bienvenue mais pas décisive au regard de l’efficacité de la participation, qui, elle, concerne, l’ensemble des salariés.

En résumé, en retenant comme base de calcul de la réserve spéciale de participation la « règle des trois tiers », on motive tous les salariés, qui ne travailleront ainsi plus uniquement pour les actionnaires ou pour le « patron », mais aussi pour eux, et c’est cela qui importe dans leur motivation : ils savent qu’en travaillant plus et mieux ils travaillent aussi pour eux puisqu’ils percevront une part plus importante des bénéfices ainsi réalisés.

Quant à l’article 3, il traite du problème de l’augmentation du SMIC à dire d’experts.

Je ne suis pas contre l’augmentation du SMIC systématique, mais, comme une telle augmentation entraînera un accroissement considérable des charges de l’entreprise tant que la sécurité sociale sera financée par les salaires, j’estime qu’une telle augmentation aura des conséquences négatives sur l’emploi en France, car il ne sert à rien d’augmenter les salaires si les entreprises n’embauchent pas…

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