Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 27 octobre 2008 à 16h00
Revenus du travail — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la baisse du pouvoir d’achat des ménages constitue aujourd’hui une réalité que nul ne peut nier.

Les enquêtes le prouvent, l’INSEE prévoit que le salaire moyen en 2008 stagnera dans le secteur privé et baissera de 0, 9 % dans les administrations publiques. La masse salariale se trouve donc globalement sur une pente descendante, tandis que l’inflation augmente.

Cette réalité, nous la percevons quotidiennement dans nos permanences, où nous recevons des personnes en détresse sociale qui ont perdu leur emploi, des familles monoparentales qui peinent à se loger, des femmes cantonnées aux contrats de travail à temps partiel, des ménages qui peinent à finir le mois, et cela malgré deux salaires mensuels, des retraités qui vivent de plus en plus difficilement... La baisse du pouvoir d’achat frappe toutes les couches de la population.

Jusqu’à présent, le Gouvernement n’a apporté que de mauvaises réponses à ce problème. Il y eut, tout d’abord, le « paquet fiscal » ou loi TEPA de l’été 2007, qui fut un scandaleux festival de cadeaux, du bouclier fiscal à la mise en cause de l’ISF. Ce dernier objectif a d'ailleurs été atteint pour une infime minorité de très gros contribuables, dont certains reçoivent du Trésor public des chèques de remboursement d’un montant faramineux.

Or ce bouclier fiscal est de plus en plus mal vécu aujourd’hui, en période de crise, par la population. Comme il inclut également la CSG, la CRDS et, depuis peu, le RSA, les plus hauts revenus se trouvent exonérés de tout effort de solidarité nationale.

Nous ne cesserons de dénoncer cette injustice, ou plutôt ce scandale, comme nous l’avons fait déjà lors de la discussion sur le RSA.

Par ailleurs, la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat visait le rachat de leurs RTT par les salariés.

Or, selon l’URSSAF, seule une entreprise sur cinq propose un tel rachat. Surtout, bien peu de salariés l’ont demandé, ce qui prouve, si besoin en était, qu’ils sont très attachés à leurs RTT.

Cette même loi du 8 février 2008 prévoyait également le versement d’une prime exceptionnelle de 1 000 euros dans les PME, ainsi qu’un déblocage de la participation. Dans l’un et l’autre cas, le bilan est mitigé.

Selon vos prévisions, 12 milliards d’euros devaient être débloqués, mais en réalité ce montant est plus proche de 4 milliards d’euros.

Par ailleurs, en décembre 2007, le Gouvernement a fait adopter par le Parlement une loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce texte devait faire baisser les prix, mais force est de constater qu’il n’en a rien été.

Enfin, en juillet dernier, ce fut la loi de modernisation de l’économie, qui devait libérer toutes les énergies. Elle avait pour objectif d’apporter 0, 3 % de croissance de plus et de créer 50 000 emplois par an. On sait aujourd’hui ce qu’il en est : ces objectifs ne seront pas atteints !

En fait, les Français dans leur grande majorité n’ont absolument pas perçu les efforts du Gouvernement pour améliorer leur pouvoir d’achat. En revanche, ils ont subi la hausse des matières premières, des denrées alimentaires, de l’essence, du gaz…

Ils ont aussi pâti – notamment les plus pauvres d’entre eux, qui hésitent aujourd’hui à se soigner – des prélèvements déguisés du Gouvernement, à savoir les déremboursements et les franchises médicales.

La diminution du pouvoir d’achat doit absolument être combattue, car notre pays se trouve sur une mauvaise pente. Avec le recul du PIB aux deuxième et troisième trimestres de 2008, avec 43 200 chômeurs supplémentaires en août dernier, nous sommes entrés en récession.

La crise financière a déjà eu des répercussions sur l’économie, dans des secteurs clés comme l’immobilier, l’automobile et le bâtiment. Elle en aura d’autres dans les prochains mois.

Que fait le Gouvernement ? En septembre dernier, il a convoqué le Parlement en session extraordinaire. On eût été tenté de croire que c’était pour organiser un Grenelle du pouvoir d’achat… Or tel n’était pas le cas : le Gouvernement a seulement apporté une mauvaise réponse de plus à travers ce projet de loi alors soumis à l’Assemblée nationale.

Ce texte a de quoi décevoir toutes celles et tous ceux qui attendaient une réponse à leurs difficultés quotidiennes.

Tout d’abord, il est profondément inégalitaire. Je le répète, alors que la baisse du pouvoir d’achat concerne toutes les catégories de la population, ce texte exclut les retraités, les étudiants, les fonctionnaires, les bénéficiaires des pensions d’invalidité, les adultes handicapés, les chômeurs et les salariés des entreprises dont la nature, la taille, les résultats ou l’absence de volonté rendent inopérants les dispositifs d’intéressement.

Ensuite, ce projet de loi remet totalement en cause la notion de salaire qui, jusqu’à présent, constituait le pilier principal du revenu des ménages.

Avec votre texte, monsieur le ministre, ce revenu sera constitué en partie seulement du salaire, le reste provenant des heures supplémentaires, de l’intéressement, de la participation ou encore de l’épargne salariale.

Les mesures que vous proposez – crédits d’impôts, exonérations de cotisations sociales et autres niches fiscales – auront pour seule conséquence d’inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires et à privilégier toutes les formes annexes de rémunération.

Comment dès lors garantir un revenu décent ? Quelles seront les conséquences de ces dispositions sur les retraites ? Les revenus annexes que vous encouragez seront-ils pris en compte dans le calcul des pensions ?

Par ailleurs, nous avons toutes les raisons de nous interroger sur l’incidence de ce texte sur le budget national. On nous répète depuis plusieurs mois que « les caisses sont vides », le Premier ministre ayant même évoqué un « État en faillite ».

Or, en dépit de ces déclarations, le Gouvernement a souhaité procéder à une nouvelle dépense fiscale d’un milliard d’euros.

Aussi la commission des finances s’est-elle inquiétée de cette nouvelle charge. Elle a supprimé à l’unanimité le nouveau crédit d’impôt en faveur de l’intéressement.

Enfin, monsieur le ministre, ce texte nous paraît présenter certains risques pour le SMIC, dont la progression est actuellement fondée sur l’inflation et le pouvoir d’achat.

En avançant au 1er janvier de chaque année la fixation annuelle du SMIC, on se dirige vers un lissage annuel depuis longtemps revendiqué par le MEDEF. Nous n’y sommes pas favorables.

De plus, ce texte vise à confier à un groupe d’experts un avis annuel sur l’évolution du SMIC et de l’ensemble des revenus. Un décret devra fixer les conditions de leur désignation afin de garantir leur indépendance. Il y a de quoi se poser des questions sur les intentions réelles du Gouvernement, d’autant que, selon certains experts, le SMIC serait trop élevé par rapport à la productivité des salariés peu qualifiés…

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