Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est à la fin du mois de mai dernier, à Verberie, dans l’Oise, que le chef de l’État a donné « sa » réponse au pouvoir d’achat : il a annoncé un projet de loi sur l’intéressement – les sommes versées aux salariés seraient doublées – et sur la participation, avec la fin du blocage automatique des sommes consignées.
Avec l’intéressement, chacun y trouve son compte, a affirmé Nicolas Sarkozy : l’entreprise dont la performance et les résultats s’améliorent ; les salariés qui voient leur travail récompensé et sont directement associés à la bonne marche des affaires.
Le Gouvernement s’est donc mis dans les pas du Président de la République en déposant, le 23 juillet dernier, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.
Cependant, entre-temps, il y a eu l’accumulation des mauvais chiffres affectant entreprises et ménages, et la panique financière des mois de septembre et d’octobre.
Le chef de l’État, dans son discours prononcé à Annecy, la semaine dernière, ne déclarait-il pas – et cette citation revêt toute son importance dans le contexte actuel – : « Je tenais à affirmer que plus rien, dans l’économie mondiale, ne sera comme avant. Vouloir continuer avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant serait une erreur fatale » ?
Pourtant, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous continuez « avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu’auparavant », comme si, malgré la crise économique, les entreprises allaient pratiquer intéressement et participation, comme si elles n’avaient pas particulièrement besoin, en cette période difficile, de fonds propres, quand leur accès au crédit est compromis. Pour vous, tout continue comme avant !
Ce projet de loi ne permettra d’améliorer ni la consommation, ni le pouvoir d’achat, ni la situation des entreprises, ni les finances publiques.
La commission des finances s’est saisie pour avis du texte ; elle a bien fait de s’intéresser tout particulièrement aux articles 1er et 2.
L’article 1er vise à créer, en effet, un crédit d’impôt supplémentaire au profit des entreprises qui concluent un accord d’intéressement ; l’article 2 tend à prévoir le déblocage de la participation des flux à venir.
C’est à l’unanimité – vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le rapporteur pour avis – que la commission des finances a adopté la suppression de ce crédit d’impôt. Je veux résumer ici les quelques arguments des commissaires socialistes à cet égard.
Tout d’abord, ce texte, comme bien d’autres, comme trop d’autres, tend à consacrer une mauvaise habitude du Gouvernement, celle de démanteler la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Ensuite, est-il utile de rappeler que le maintien en l’état du projet de loi de finances pour 2009 laisse sans réponse la question du soutien à l’économie, alors que la récession est annoncée et qu’elle se traduira à la fois par un « désinvestissement » des entreprises et une remontée du chômage ?
Ce crédit s’imputera donc sur les recettes de l’État. Si l’objectif du Gouvernement de doubler l’intéressement sur quatre ans était atteint, il se traduirait, en régime de croisière, par un coût d’un milliard d’euros pour les finances de l’État. Je suppose que M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, doit souhaiter, en son for intérieur, que cela ne marche pas.
Cette estimation n’a cependant pas fait l’objet d’études d’impact – voilà une autre mauvaise habitude du Gouvernement ! – et serait le résultat d’un sondage effectué par un cabinet privé auprès d’un panel d’entreprises. Cette fantaisie est-elle de mise dans la période particulièrement critique que nous traversons ?
Ce crédit d’impôt est toutefois limité à 2014, année à laquelle il devrait être évalué. La date est lointaine et l’on ignore quelle sera la méthode.
La mise en œuvre de la réforme constitutionnelle ouvre le champ de l’évaluation au Parlement. J’espère que le Sénat, particulièrement la commission des finances, dont je suis membre, profitera pleinement de cette opportunité.