Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le 25 juillet dernier, la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’énergie et au climat est parvenue à un accord. Je me félicite que le Sénat et l’Assemblée nationale soient convenus d’un texte de compromis sur un sujet aussi essentiel, un texte qui concourra à atteindre l’objectif de neutralité carbone issu de l’accord de Paris de 2015.
Je tiens à remercier le président ainsi que le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Roland Lescure et Anthony Cellier, de l’esprit constructif qui a présidé à nos travaux. Je salue également ma collègue Pascale Bories, rapporteure pour avis de la commission du développement durable, pour la qualité du dialogue entre nos commissions.
Au terme de son examen, le texte, qualifié de « petite loi énergie » au sortir du conseil des ministres, comporte soixante-neuf articles, contre douze initialement. Notre assemblée y a imprimé sa marque : à l’issue de la commission mixte paritaire, trente et un articles ont été adoptés dans leur rédaction résultant des travaux du Sénat, vingt-huit dans une rédaction élaborée par la commission mixte paritaire et deux dans la rédaction de l’Assemblée nationale ; huit articles avaient auparavant été votés dans les mêmes termes.
Au-delà de ce bilan quantitatif, je soulignerai d’emblée que le texte adopté par la commission mixte paritaire ne prétend pas à la perfection.
J’avais déploré, en première lecture, la modestie des objectifs et des moyens inscrits par le Gouvernement dans le texte initial. Face à l’urgence climatique, je crois que le Sénat a pleinement joué son rôle pour rehausser sensiblement ce niveau d’ambition.
Pour autant, le Gouvernement aurait pu faire davantage en matière de soutien aux entreprises, notamment les plus consommatrices d’énergie, de production d’énergie renouvelable, s’agissant par exemple de la filière biogaz, et de rénovation thermique, en particulier sur le plan de la précarité énergétique. En ma qualité de rapporteur des crédits de la mission « Énergie » pour la commission des affaires économiques, je veillerai avec une exigence particulière, madame la ministre, à ce qu’il offre des réponses à la hauteur des enjeux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
En dépit de ces réserves, je constate avec satisfaction que le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire comprend des apports sénatoriaux très substantiels. La commission des affaires économiques, dont je remercie la présidente, Sophie Primas, et tous les autres membres, a donc su faire progresser sa vision singulière des conditions de réussite de la transition énergétique.
Nous en sommes convaincus : cette transition ne pourra aboutir que soutenue par des objectifs ambitieux et crédibles de diversification de notre mix, qui doivent être déterminés par le Parlement et non par un cénacle d’experts ; elle requiert des normes aussi simples que possible, qui privilégient la confiance plutôt que la contrainte, l’incitation économique plutôt que l’alourdissement fiscal, le droit souple plutôt que l’étouffement normatif ; elle repose avant tout sur des actions décentralisées, mises en œuvre par nos entreprises et nos collectivités territoriales, mais aussi par les citoyens, autour d’un État facilitateur, garant de la cohésion sociale et de la solidarité entre les territoires ; enfin, elle suppose comme horizon partagé la promotion de nouveaux modes de production et de consommation plutôt que le renoncement à la croissance économique et, in fine, au progrès social.
C’est dans cet esprit que nous nous sommes efforcés d’infléchir et d’enrichir le texte, en agissant dans quatre directions.
En premier lieu, le Sénat a notablement relevé les objectifs de la politique énergétique nationale, afin d’adresser un signal fort en direction de la structuration des filières de l’économie verte. C’est sur son initiative qu’ont été inscrites dans le code de l’énergie des orientations visant notamment à encourager la petite hydroélectricité, à porter le rythme d’attribution des appels d’offres pour l’éolien en mer à 1 gigawatt par an d’ici à 2024, à atteindre 20 à 40 % d’hydrogène vert dans la consommation totale d’hydrogène en 2030 et à valoriser la biomasse à des fins de production d’énergie, en maintenant la priorité donnée à la production alimentaire. Ces objectifs offriront aux acteurs économiques la visibilité qu’ils sont en droit d’attendre.
En deuxième lieu, le Sénat a substantiellement renforcé la loi quinquennale qui déterminera, dès 2023, notre politique énergétique.
En particulier, il a étendu le périmètre de ce texte à la rénovation énergétique des bâtiments – songez que le bâtiment représente 45 % de notre consommation d’énergie – et à l’autonomie énergétique des outre-mer, sujet très important, mais qui avait été oublié – les énergies renouvelables sont sur ces territoires inégalement développées, leur part dans la production d’énergie variant de 10 à 60 %.
Dans le même ordre d’idées, le Sénat a prévu la fixation par cette loi des volumes maximal et minimal des certificats d’économies d’énergie, les CEE. Il s’agit d’une avancée majeure pour le Parlement, mais aussi pour les consommateurs, puisque ces certificats concentrent un volume financier de plus de 3 milliards d’euros, soit 3 à 4 % de la facture d’énergie.
Convaincu de la nécessité d’inverser la hiérarchie des normes en matière énergétique, le Sénat a établi la primauté de la loi quinquennale sur les autres documents de planification, à commencer par la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, et la stratégie nationale bas-carbone. Face aux changements climatiques, qui posent aussi un défi démocratique, il a ainsi voulu affirmer la préséance du législateur sur le pouvoir réglementaire, de la politique sur la technique.
Notre dernier apport notable à la loi quinquennale consiste en l’évaluation dont elle fera l’objet lors de chaque projet de loi de finances initiale. En complétant ainsi l’information budgétaire des parlementaires, notre assemblée a souhaité que les orientations fixées par la loi, qui ne sauraient rester déclamatoires, puissent être déclinées concrètement.
En troisième lieu, loin de se cantonner aux objectifs et aux outils de pilotage, le Sénat a conforté également l’action des pouvoirs publics en faveur des projets d’énergie renouvelable.
Ainsi, il a prévu la prise en compte systématique du bilan carbone dans les appels d’offres, qui contribuera à lutter contre le dumping environnemental auquel peuvent être confrontés les industriels. Puisse une véritable stratégie industrielle en matière d’énergies renouvelables voir le jour dans notre pays !
Outre ce principe, le Sénat a introduit des dispositifs de soutien pour l’hydrogène vert et le biogaz et étendu ceux qu’a adoptés l’Assemblée nationale pour l’hydroélectricité et le photovoltaïque. Dans le même esprit, il a assoupli les conditions de mise en œuvre des projets d’autoconsommation par les organismes d’HLM.
En dernier lieu, notre assemblée a veillé à accompagner l’ensemble des parties prenantes, des entreprises aux collectivités territoriales, une préoccupation qui l’a d’abord conduite à adopter des mesures d’accompagnement pour les salariés touchés par la fermeture des centrales à charbon.
Le Sénat a aussi cherché à consolider les ressources d’EDF, tout en préservant un coût compétitif pour les consommateurs, en prévoyant que le prix de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, l’Arenh, pourra être révisé en fonction de l’inflation. Il appartiendra au Gouvernement de fixer par voie réglementaire un prix et un niveau d’Arenh adéquats, dans le respect de trois exigences : une juste rémunération du parc nucléaire et la possibilité de disposer d’offres alternatives, mais, avant tout, un prix bon marché pour les consommateurs.
Au-delà de cette mesure ponctuelle, la commission des affaires économiques sera très attentive au projet de réorganisation d’EDF, opportunément dénommé « Hercule », étant donné l’ampleur de l’objectif visé, mais aussi de l’inquiétude suscitée.