Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 27 octobre 2008 à 16h00
Revenus du travail — Question préalable

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

… après de multiples annonces toujours surévaluées et continuellement revues à la baisse, votre collègue Mme Lagarde a fini par avouer contrainte et forcée que la croissance sera quasi nulle cette année : au mieux 0, 9 %, et sans doute moins encore l’année prochaine.

Pour les deux derniers trimestres de 2008, l’INSEE prévoit même une croissance négative. J’ai beau ne pas être économiste, je sais que deux trimestres d’affilée avec une croissance négative, c’est-à-dire deux trimestres où nous ne produisons pas de richesses mais où nous en perdons, cela s’appelle une récession. Les ministres ont reçu la consigne de pas prononcer le mot, mais cela ne change rien, nous sommes bien en « récession », et vous préparez une politique reposant sur de la croissance !

Dans le même temps, une étude parue la semaine dernière nous apprend le profond malaise des industriels dont le moral est au plus bas depuis un long moment parce que, disent-ils, « les carnets de commandes sont anormalement vides ».

En résumé, pas d’argent public pour un plan de relance – à ne pas confondre avec un plan de renflouement des banques sans contrepartie –, pas de croissance mais la récession, pas de commandes dans les entreprises, donc pas de bénéfices en perspective.

Tous les éléments dont votre projet de loi a irrémédiablement besoin pour réussir un tant soit peu font défaut !

Vous misez sur des choses qui n’existent pas, sur des fantasmes. En psychiatrie, le diagnostic serait clair : « déni de réalité ». Plus communément, on appelle cela « n’en faire qu’à sa tête » ou être « irresponsable ».

Vous allez nous dire que c’est la faute de la crise. Mais la crise n’est pas mère de tous les maux, y compris de ceux qui préexistaient de longue date.

Peut-être serez-vous tentés par une nouvelle campagne de publicité destinée à faire croire aux Français que, malgré toutes les difficultés qu’ils affrontent dans leur vie quotidienne, les mesures prises par ce gouvernement vont dans le bon sens. Je vous le dis : la baisse du pouvoir d’achat, ce n’est pas un problème de communication ou de mesures mal expliquées. La baisse du pouvoir d’achat, ce n’est pas seulement dans la tête des Français !

Heureusement, la vigie de l’INSEE et les services statistiques des ministères sont là pour confirmer à nos concitoyens qu’ils ne sont pas fous, qu’ils ne rêvent pas et qu’il est effectivement de plus en plus difficile de boucler les fins de mois !

L’enquête du ministère de l’emploi sur l’activité de la main-d’œuvre, publiée le 27 août dernier, indique que le salaire mensuel de base a augmenté de 2, 7 % sur un an. Néanmoins, avec une inflation de 3, 2 %, cela représente une perte de pouvoir d’achat de 0, 5 %. De même, l’INSEE annonce une baisse de pouvoir d’achat de 0, 4 % sur un an. Devant ces chiffres, il n’y a pas trente-six conclusions : Nicolas Sarkozy est bien le président de la baisse du pouvoir d’achat !

Alors même que votre projet de loi repose sur un postulat irréaliste et n’a aucune chance de marcher, il pose en outre deux problèmes de fond : la remise en cause du salaire comme premier et principal revenu du travail et la brèche ouverte dans le SMIC.

Comment ne pas voir dans ce projet de loi une tentative pour substituer le salaire, revenu fixe, encadré et déterminé, sur lequel s’assoit l’organisation de notre société, par un type de revenu totalement variable et imprévisible.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas voir les revenus du travail des Français soumis aux aléas des performances et des contre-performances des entreprises et, pis, aux aléas des placements financiers.

Si l’on suit ce que vous entendez développer, quelle sera demain la part des salaires dans les revenus du travail ? N’y a-t-il donc aucune leçon à tirer de la crise actuelle ?

De plus, au-delà du fait que votre système favorise, une fois de plus, les hauts revenus, que deviendra le million et demi de travailleurs pauvres qui, par essence, n’est pas concerné par cette mesure ?

Dans cette même logique et malgré un contexte d’explosion de la précarité et une hausse du chômage sans précédent depuis plus de vingt ans, vous entendez redéfinir la fixation du SMIC.

Chantre du « pragmatisme » tous azimuts, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou même que ce ne soit pas du tout la question, M. le ministre a parlé de « dépolitiser » la fixation du SMIC.

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