Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 septembre 2019 à 10h05
Proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des événements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

Les auteurs de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des événements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi souhaitent apporter une réponse plus efficace et plus ferme à deux types d'infractions qui se multiplient à un rythme préoccupant : les violences, les menaces et les dégradations dirigées contre des boucheries ou des abattoirs au nom de la défense de la cause animale et les entraves à la chasse qui se produisent régulièrement dans nos forêts domaniales.

Ces actions violentes sont le fait d'éléments extrémistes, issus de groupes qualifiés d'animalistes, d'antispécistes ou de végans, apparus dès les années 1980, mais dont les activités ont pris de l'ampleur dans les années 2000. Au cours de la seule année 2018, la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs a recensé une cinquantaine d'attaques, qui ont pris des formes diverses : vitrines brisées, murs tagués, faux sang répandu dans la boutique, bouchers ou clients menacés ou insultés. Certains événements auraient pu avoir des conséquences dramatiques. Je pense en particulier à l'incendie volontaire, en septembre 2018, d'un abattoir dans le département de l'Ain qui a mis au chômage technique les quatre-vingts salariés de l'entreprise ou, plus récemment, à l'incendie d'un poulailler dans l'Orne. J'ajoute qu'une militante végan a été condamnée, en mars 2018, à sept mois de prison avec sursis pour apologie du terrorisme ; elle s'était réjouie, sur les réseaux sociaux, de la mort d'un boucher lors de l'attentat de Trèbes.

Dans les forêts de Chambord et de Compiègne notamment, des permanences de chasseurs ont été saccagées et des interventions dangereuses pour les cavaliers se sont produites dans le but de perturber des activités de chasse à courre. La chasse reste un loisir apprécié par un grand nombre de nos concitoyens, puisque l'on compte, en France, plus de 1,1 million de détenteurs d'un permis de chasse. Les entraves à la chasse sont réprimées par une simple contravention de cinquième classe - 1 500 euros d'amende au maximum - prévue par le code de l'environnement, ce qui n'est manifestement plus assez dissuasif.

Dans notre République, toutes les opinions peuvent bien entendu s'exprimer et être défendues : les militants animalistes ont parfaitement le droit de s'opposer à la consommation de viande, à la chasse, à la corrida ou à la présence d'animaux sauvages dans les cirques, mais leur combat doit demeurer sur le terrain des idées. Dans un État de droit, nul ne saurait imposer ses opinions par la violence ou l'intimidation.

Même si nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à la cause animale, la grande majorité d'entre eux demeurent attachés à nos traditions alimentaires et à la pratique d'activités de loisir comme la chasse. Quoique très actifs et visibles, les groupes animalistes demeurent minoritaires.

Face à la multiplication de ces incidents, le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets de région de prendre contact avec les représentants des professions concernées pour des échanges réguliers et pour leur fournir une protection, si nécessaire. Des consignes ont également été données pour renforcer la protection autour des commerces de viande. La Chancellerie a, de son côté, donné instruction aux procureurs de faire preuve de la plus grande fermeté contre ceux qui attaquent des boucheries ou qui s'introduisent dans les élevages.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent cependant aller plus loin en modifiant l'article 431-1 du code pénal pour renforcer notre arsenal législatif. Cet article punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait d'entraver par des menaces l'exercice de la liberté d'expression, d'association, de réunion, de manifestation ou l'exercice de la liberté du travail. Il punit des mêmes peines les entraves au bon déroulement des débats d'une assemblée parlementaire ou d'une collectivité territoriale. Les peines encourues sont alourdies - trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende - lorsque l'entrave a pris la forme de coups, de violences, de voies de fait, de destructions ou de dégradations.

La proposition de loi apporte deux modifications à cet article, afin d'en élargir le champ d'application. Tout d'abord, il est précisé que l'entrave peut être réalisée par tous moyens, de manière à pouvoir sanctionner toutes les entraves, quelle qu'en soit la forme. Par ailleurs, est puni le fait d'empêcher la tenue de tout événement ou l'exercice de toute activité autorisée par la loi, ce qui ouvre un champ d'application potentiellement très large.

Le texte avait déjà été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée en décembre 2018, mais en avait été retiré afin de tenir compte du contexte politique créé par la mobilisation des « gilets jaunes ». Son examen aurait, en effet, pu être perçu comme une initiative dirigée contre ce mouvement social, alors qu'il poursuit un tout autre objectif.

Le Gouvernement a fait part de son intérêt pour cette proposition de loi à l'occasion de l'examen du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité. Répondant à un amendement de notre collègue Jean-Noël Cardoux créant un délit d'entrave à la chasse, la ministre Emmanuelle Wargon a souhaité une inscription rapide de la proposition de loi à l'ordre du jour des assemblées, afin que la question de la chasse puisse être abordée dans un cadre plus large et de manière transversale.

Sur le fond, je suis en accord avec le message politique qu'exprime cette proposition de loi. Sur le plan juridique, j'ai entendu les critiques adressées au texte au regard du principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi pénale. En élargissant le champ d'application de l'article 431-1 du code pénal, la proposition de loi emploie des formulations qui peuvent paraître excessivement floues et l'exposent à un risque d'inconstitutionnalité. Je vous proposerai donc un amendement afin de préciser le modus operandi du délit d'entrave.

Cette proposition de loi répond à une véritable attente de nos concitoyens, de plus en plus exaspérés par certains comportements peu respectueux de notre pacte républicain, et renoue avec le principe énoncé à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel « tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché ».

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