Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 1er octobre 2019 à 9h35
Proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des événements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi — Examen des amendements

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Pour ma part, je formulerai moi aussi quelques réserves, tout en prenant acte de l'amélioration rédactionnelle qui nous est proposée. Des précisions ont été apportées, et vous avez essayé de lever toute incertitude quant à l'inconstitutionnalité de la proposition de loi.

Toutefois, demeure la question de la place du droit pénal dans notre société : ce droit semble appelé à répondre à toutes les insuffisances de la régulation sociale dans notre pays. Nous avons tous compris l'objectif du texte qui nous est présenté. Élu du Sud-Ouest, je comprends les préoccupations de nos agriculteurs et des chasseurs. Cela étant, il ne me semble pas raisonnable d'introduire du droit pénal partout.

Nous vivons deux grands cycles.

Premier cycle, notre pays s'est récemment armé pour lutter contre le terrorisme, un travail nécessaire, utile et important, qui nous a cependant conduits à certaines formes de distorsion : la police administrative va quasiment sur le répressif et le droit pénal remonte très en amont, avant même le passage à l'acte. Mais le combat que notre pays devait mener face au terrorisme est exceptionnel ; c'est ce qui explique que l'on soit allé très loin dans la réduction des libertés. Nous abordons maintenant un deuxième cycle. Voilà quelques mois, nous avons eu entre nous un débat difficile sur la question de l'interdiction préventive de manifester ; on connaît les décisions du Conseil constitutionnel. Deux propositions de loi vont bientôt nous être soumises : l'une émanant de l'Assemblée nationale, qui vise à lutter contre les contenus haineux sur Internet, l'autre du Sénat, qui porte sur l'entrave en matière agricole et pour ce qui concerne la chasse. Ces deux textes touchent des questions morales, des problèmes comportementaux.

Tout en comprenant, je le répète, la préoccupation politique exprimée au travers des dispositions qui nous sont proposées, notre droit pénal risque de devenir notre outil de régulation sociale. Comme nous ne parvenons pas à traiter nos oppositions, nos difficultés, et que la police administrative montre très clairement des faiblesses, nous recourons à des catégories de droit pénal. Or, je crains, comme Loïc Hervé, des effets de bord, avec de mauvaises conséquences. Je suis donc, pour le moins, extrêmement réservé sur le principe des évolutions qui nous sont présentées. C'est un droit de bonnes intentions, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'un bon droit pour notre société, en tout cas pour nos libertés.

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