Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements n° 47 et 48, qui ont pour objet de supprimer respectivement l’article 2 quinquies et l’article 2 sexies.
Ces deux articles visent à étendre la participation aux chefs d’entreprise, présidents, directeurs généraux, gérants, membres du directoire et conjoints de chef d’entreprise s’ils sont conjoints collaborateurs.
Au prix d’un bel effort, Mme le rapporteur nous a expliqué que cette disposition allait inciter les chefs d’entreprise de moins de cinquante salariés à se doter d’un accord de participation. Dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, de nouveaux accords plus avantageux seraient conclus.
La phrase de conclusion est savoureuse : « dans les deux cas, en effet, le chef d’entreprise bénéficiera de l’effort ainsi consenti ». Donc, il ne signera un accord que parce qu’il en bénéficiera lui-même, ainsi que sa femme.
Voilà qui n’est pas, de la part de Mme le rapporteur, le signe d’une grande estime pour l’état d’esprit des chefs d’entreprise envers la participation !
Il est vrai que cette disposition, ajoutée par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de deux commissions, est difficile à justifier. Elle est à l’opposé de la législation qui dispose que « la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise ». Elle constitue donc un véritable détournement.
Cette disposition est même parfaitement injustifiable du point de vue de la participation, pour ne rien dire de la simple décence !
Ce projet de loi est décidément méconnu. Il comporte de réelles innovations, particulièrement en matière fiscale. Il n’est, en effet, pas besoin d’être un grand fiscaliste pour voir immédiatement que l’Assemblée nationale a introduit, sous couvert de participation, un nouveau dispositif d’évasion fiscale.
Il est vrai que l’on parle un peu trop en ce moment de la fiscalité des classes aisées, qu’il s’agisse de l’inébranlable bouclier fiscal ou du plafonnement des niches. Comment compenser cette malencontreuse atteinte aux capacités d’épargne et de consommation de nos concitoyens les plus argentés ? Il convient de procéder par petites touches et de saisir toutes les occasions.
La participation, de façon inattendue, en est une. Ainsi, les chefs d’entreprise et leur épouse pourront bénéficier non seulement de leur rémunération de base, mais aussi de bonus sur résultats, de stock-options et de la participation.
C’est une évasion fiscale considérable qui se prépare, et l’on ne peut que souhaiter que les bénéficiaires vous en remercient.
Il devrait en être de même des experts-comptables et des conseillers fiscaux, dont les mérites vont ainsi croître auprès de leurs clients.
Il faut aussi rendre hommage à l’esprit d’à-propos des auteurs des deux articles en question. La situation budgétaire de la France et l’état de l’opinion se prêtent, en effet, très bien à cette opération. Il est permis de se demander si, à défaut de civisme, ceux qui sont à la source de ces textes ont une vision lucide des choses.