L’article 2 quinquies a pour objet d’étendre le régime de la participation aux chefs d’entreprise et à leur conjoint collaborateur dans les entreprises de moins de cinquante salariés non assujetties à l’obligation de mise en œuvre d’un régime de participation; et dans les entreprises d’un à deux cent cinquante salariés dans le cas où ces dernières ont mis en place un accord de participation dérogatoire.
Cet article a été introduit à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption de deux amendements identiques déposés par le rapporteur, Gérard Cherpion, et par le rapporteur pour avis, Patrick Ollier. Ces textes prévoyaient initialement d’étendre le bénéfice de la participation aux chefs d’entreprise de moins de cent salariés. Mais, estimant cette mesure insuffisante, un député de la majorité a présenté un amendement, qui a été adopté, tendant à porter ce seuil à deux cent cinquante salariés.
Comme vous l’aurez certainement compris, nous trouvons cette nouvelle disposition tout à fait anormale, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, depuis sa création, en 1967, la participation est réservée aux seuls salariés. Elle a pour objet, aux termes du code du travail, de « garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise ».
En ouvrant la participation aux chefs d’entreprise et à leur conjoint collaborateur, vous créez une confusion incompréhensible entre le statut de chef d’entreprise et celui de salarié. Or la différence fondamentale entre un chef d’entreprise et ses salariés réside dans la subordination des seconds vis-à-vis du premier.
Par ailleurs, je rappelle que la disposition prévue par l’article 2 quinquies s’applique, entre autres, aux chefs d’entreprise de moins de deux cent cinquante salariés. Un tel effectif correspond à une entreprise suffisamment importante pour imaginer que son dirigeant perçoit une rémunération très nettement supérieure à celle de ses salariés. De surcroît, ce dernier peut également bénéficier d’avantages, tels les stock-options et les bonus sur résultats, dont ne profitent pas les salariés. Et vous voudriez lui permettre de bénéficier en outre de la participation, bref d’avoir le beurre et l’argent du beurre ?
Une telle mesure me semble injustifiée et inopportune au regard de la situation salariale de nombre de nos concitoyens, a fortiori dans le contexte de crise économique que nous traversons.
M. Ollier a tenté de justifier sa proposition en soutenant qu’il souhaitait « modifier la loi de façon à inciter le chef d’entreprise à signer un accord de participation, dans l’intérêt même des salariés », affirmant pour conclure que les salariés le remercieraient. Au demeurant, c’est un peu ce que j’ai entendu tout à l’heure en commission.
Si les chefs d’entreprise ont besoin d’être directement concernés par la participation pour que leurs salariés en bénéficient, cela revient à envoyer un signal négatif à l’ensemble des salariés, surtout lorsque l’on prétend moraliser le capitalisme.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 2 quinquies, qui présente d’évidents risques de dérive.